La gueule de bois avant l’heure

Fatalement, quand tu vas passer Nouvel An à Manchester, il est beaucoup question d’alcool. Le problème, c’est quand les joueurs s’y mettent aussi. Décimé par les blessures et les séquelles d’un Boxing Day trop arrosé, Manchester United a bien mal fini l’année 2011 en s’inclinant contre la lanterne rouge Blackburn Rovers.

C’est donc par une défaite mortifiante que Manchester United a terminé un millésime 2011 qui laissera forcément des souvenirs contrastés aux supporters. Bien sûr, l’année a été marquée par ce fameux dix-neuvième titre de champion d’Angleterre, si important pour les fans puisqu’il permet de dépasser l’éternel rival Liverpool au palmarès. Mais il y a aussi eu quelques échecs retentissants, la défaite en finale de la Ligue des Champions contre Barcelone, puis l’élimination lors de l’édition suivante par le FC Bâle, la défaite en FA Cup contre le rival local Manchester City et une humiliation historique à domicile en championnat contre ces mêmes Citizens. Et si les Red Devils comptaient sur le dernier match de l’année en ce samedi 31 décembre pluvieux pour terminer sur une bonne impression, c’est raté et bien raté.

Les excès du Boxing Day

Le match ne se présentait pas sous les meilleurs auspices pour United. Comme chaque année ou presque, malgré l’enchaînement infernal des matchs durant les Fêtes, il s’est trouvé quelques joueurs pour aller joyeusement arroser la victoire obtenue durant le Boxing Day et se présenter en état un peu léthargique le lendemain matin à l’entraînement. En l’occurrence, les fêtards s’appelaient Johnny Evans, Darron Gibson et Wayne Rooney. Cela n’a guère plu à Sir Alex Ferguson qui a décidé de sanctionner les noceurs d’une amende équivalant à une semaine de salaire et surtout de ne pas les convoquer pour le match contre Blackburn.

En l’occurrence, cela paraît excessif, surtout que, d’après ce qu’on a pu lire, ce n’était pas non plus la monstre orgie. Et United était déjà suffisamment décimé par les absences pour en plus se priver volontairement d’un joueur de la trempe de Rooney. Après les victoires 5-0 contre Fulham et Wigan, Sir Alex s’est sans doute dit que, face à la lanterne rouge Blackburn, il pouvait se payer le luxe d’aligner une équipe B. En l’occurrence, le calcul s’avérera erroné ; le niveau de la Premier League est trop dense pour se permettre ce genre de plaisanterie et les Rovers, malgré leur position peu enviable au classement, sont tous sauf moribonds puisqu’ils restaient sur un valeureux nul à Anfield contre Liverpool.

Une équipe expérimentale

Du coup, Manchester aligne une équipe expérimentale avec une charnière centrale Carrick/Jones, Valencia latéral droit et Park/Rafael en demis axiaux. Et sur le banc, à part Anderson et le gardien remplaçant Lindegaard, on ne trouve que des jeunes inconnus. On va rapidement s’apercevoir des limites de ce United-là, avec une pression stérile et désordonnée. La mauvaise plaisanterie va prendre forme dès le quart d’heure de jeu avec un penalty consécutif à un tirage de maillot de Berbatov sur Samba, qui s’est montré le plus malin en l’occurrence. Yakubu Ayegbeni transforme : bien regroupé en défense et solidaire, Blackburn n’en demandait pas tant. Ce sera suffisant pour virer en tête à la pause, la réaction mancunienne se faisant bien timide, sinon une reprise de Jones sauvée sur la ligne, une demi-volée de Nani au-dessus et une frappe de Nani bien détournée par le gardien Bunn.

Berbatov en sauveur

La plaisanterie allait carrément devenir de mauvais goût en début de seconde période lorsque Yakubu Ayegbeni a slalomé dans la défense locale avant d’aller doubler la mise d’un missile entre les jambes du gardien De Gea. Cette fois-ci la réaction mancunienne ne se fera pas attendre, puisque moins d’une minute plus tard Dimitar Berbatov réduisait le score en reprenant de la tête un centre-tir de Rafael. Annoncé partant il n’y a pas si longtemps, le Bulgare a été le meilleur joueur d’United samedi et, avec Valencia, le seul à inquiéter un peu la défense renforcée des Rovers. C’est d’ailleurs de ces deux joueurs que viendra l’égalisation avec Antonio Valencia au débordement et au centre puis Dimitar Berbatov à la reprise instantanée pour un deuxième but magnifique. Il restait une demi-heure à jouer : à ce moment-là, on était persuadé qu’United allait passer l’épaule et que finalement l’échappée belle des Rovers aurait permis de mettre un peu de piment dans un match que l’on craignait à sens unique. Cela s’est passé un peu différemment.

L’erreur de casting

L’été dernier, je n’ai pas compris pourquoi Manchester United a décidé de confier le poste de gardien titulaire à David De Gea. Certes, l’Espagnol est doté de réflexes parfois étourdissants et il a sans doute le potentiel pour devenir un grand gardien. Mais aujourd’hui, il est beaucoup trop tendre pour un poste de titulaire dans un club de pointe d’un championnat aussi physique que la Premier League. Comment espérer qu’un portier qui n’a aucune présence athlétique et qui éprouve manifestement une appréhension maladive dès qu’il doit quitter sa ligne de but peut-il aller guerroyer dans les airs avec des monstres du style Christopher Samba ? Clairement, United aurait dû sortir les quelques millions de plus qui lui auraient permis d’engager Manuel Neuer, qui lui est déjà au sommet de son art et n’a pas peur des sorties aériennes, loin s’en faut.

Accessoirement, ça nous éviterait d’avoir le meilleur gardien du monde dans la cage du Bayern, ce qui nous enchante assez moyennement. Bref, David de Gea, déjà peu inspiré sur le deuxième but et auteur d’une sortie dans le vide sur le corner précédent, va précipiter la défaite de United avec une nouvelle sortie aux fraises sur un corner qui a permis à Grant Hanley d’inscrire le but de la victoire en deux temps.

Steve Kean n’est pas mort

Bien sûr, on ne saurait imputer la défaite d’United au seul De Gea. Le collectif a été indigent, la défense peu rassurante et des joueurs comme Nani, très actif mais inefficace au possible, ou Chicharito, invisible, ont été très loin de ce que l’on est en droit d’attendre d’eux. Après l’égalisation de Berbatov, United aurait dû mettre le feu dans la demi-heure restant à jouer, il ne s’est créé qu’une seule occasion, un tir de Jones dans les arrêts de jeu, contré par son… coéquipier Keane, tombé sur la ligne de but des Rovers (quand rien ne va…). Le corner score indique 17-3 mais les trois corner de Blackburn ont été beaucoup plus dangereux que les dix-sept de United. En tous les cas, les Rovers ont parfaitement joué le coup en concrétisant leurs trois seules occasions et en faisant preuve d’une belle solidarité pour contrer les assauts poussifs des Red Devils. L’entraîneur Steve Kean est très contesté par les fans mais un manager qui, en l’espace de cinq joueurs, ramène quatre points d’Anfield et Old Trafford arrive encore manifestement à faire passer son message. Après, il faudra confirmer contre des adversaires directs de bas du classement pour aller chercher le maintien.

Manchester est festif

On sait qu’United forge souvent ses titres dans l’enchaînement des matchs lors des Fêtes de fin d’année. Cette saison, les Red Devils n’auront pas profité d’un calendrier favorable pour reprendre une tête du classement qui leur tendait les bras. Evidemment, l’ambiance à Old Trafford s’en est ressentie. Les fans venaient pour assister à une démonstration de leur équipe favorite, ils repartent avec une défaite : c’est dire que, à part deux grosses poussées après les deux goals de Berbatov, c’est resté assez plat au Théâtre des Rêves. Sir Alex Ferguson avait sans doute rêvé d’une autre ambiance et d’un autre résultat le jour de son septantième anniversaire. On est sorti du stade, il pleuvait, il commençait déjà à faire nuit (à 14h45 !), United avait perdu, on avait donc un peu la gueule de bois en arrivant au pub The Trafford pour l’apéro d’après-match. Mais cette gueule de bois là va assez rapidement céder sa place à une autre. Car si les Anglais sont restés bien sages au match, il en a été tout autrement le soir pour le Nouvel An. Le New Year’s Eve à Manchester, cela reste une valeur sûre. Et là, il n’y avait pas d’entraînement le lendemain matin et d’entraîneur un peu revêche pour inciter à une quelconque modération. Happy New Year !

Manchester United – Blackburn Rovers 2-3 (0-1).

Old Trafford, 75’146 spectateurs.
Arbitre : M. Dean.
Buts : 16e Ayegbeni (penalty, 0-1), 51e Ayegbeni (0-2), 52e Berbatov (1-2), 62e Berbatov (2-2), 80e Hanley (2-3).
Manchester : De Gea; Valencia, Carrick, Jones, Evra ; Welbeck, Rafael (85e Keane), Park, Nani ; Hernandez (46e Anderson), Berbatov.
Blackburn : Bunn; Lowe, Samba, Hanley, Henley; N’Zonzi; Formica (85e Goodwillie), Petrovic, Rochina (55e Morris), Pedersen; Ayegbeni (89e Slew).
Cartons jaunes : 12e Nani, 23e Carrick, 49e Lowe, 57e Petrovic.
Notes : Manchester sans Giggs, Owen, Cleverley, Ferdinand, Vidic, Smalling, Fabio, Young ni Fletcher (blessés), Rooney, Evans ni Gibson (suspension interne) Blackburn sans Robinson, Olsson, Givet, Dunn ni Hoillett (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. « le niveau de la Premier League est trop dense pour se permettre ce genre de plaisanterie »

    J’ai ri. Le championnat le moins dense d’Europe, avec la moitié des équipes composée de ramassis de Ligue 1 et d’Anglais !!

    Non, décidément, cette défaite n’a rien à voir avec le niveau de la PL mais bel et bien avec l’effectif qualitativement réduit de ManU, en pleine année de transition. Les jeunes sont encore trop tendres. ManU a une collection de joueurs de moins de 23 ans, certes talentueux, mais pas encore mûrs (De Gea, Jones, Smalling, Fabio, Rafael, Cleverley, Hernandez, Wellbeck…). Alors quand il manque des Vidic, Rooney, Ferdinand ou Young, ben ça part un peu en sucette. Confirmation avec la défaite hier contre Newcastle avec deux buts encaissés sur des dégagements du gardien signes d’une défense bien fébrile…

  2. Ils se fait balayer à Newcastle, s’ils perdent demain contre City, ça sent la crise.

    Sinon pour De Gea, c’est clair qu’il fait quelques erreurs en ce début de saison mais à mon sens c’est plus une question de pression que de talent.
    Si tu suivais un peu la Liga (ce que tu ne fais semble-t-il pas puisque les espagnols sont tous des tricheurs, simulateurs, mauvais perdant, qu’il n’y pas d’ambiance dans leurs stades, qu’il n’y a pas d’enjeu dans le championnat, qu’ils enlèvent des enfants, les pendent et les découpent en morceaux) tu saurais qu’il est vraiment très très talentueux, et qu’il n’a pas seulement « de bon réflèxes ».

    Outre son talent sur sa ligne, il est très fort en 1v1, et possède une jolie relance.

    Maintenant je pense qu’il peine un peu à imposer son autorité face à sa défense ce qui fait qu’il doute. Mais c’est un grand gardien.

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