La preuve par l’absurde

Les décisions sur l’octroi des licences permettant aux clubs de 1ère ligue de participer aux finales d’ascension en LNB sont tombées mercredi. Les dirigeants du football suisse se sont une nouvelle fois couverts de ridicule puisque seuls sept clubs ont été autorisés en première instance à participer aux finales, alors que celles-ci doivent se disputer avec huit participants !

Il y a quelques semaines, j’avais écris un article pour dénoncer le caractère pharaonique et déconnecté de la réalité des exigences imposées par la ligue nationale aux clubs désirant participer aux finales d’ascension en LNB. Le débat s’était ensuite un peu focalisé sur le cas du FC Echallens mais ce n’était qu’un exemple parmi d’autres. Car le problème, ou plutôt la menace, concerne tous les clubs. Ainsi, même des clubs prestigieux (à ce niveau) qui ont des infrastructures, une histoire et des moyens non négligeables et qui étaient idéalement placés pour briguer une place de finaliste ont tout simplement renoncé à demander la licence devant l’exorbitance et la démesure des exigences de la ligue, comme Fribourg, Chênois ou encore Zoug.

Les recalés

D’autres qui disposent semble-t-il également de certains moyens et d’un passé en Ligue Nationale ont été recalés, soit Delémont, YF Juventus, Martigny, Old Boys, Malley et Granges. Certes, ces clubs ont une possibilité de faire recours, moyennant quelques milliers de francs de frais supplémentaires et peut-être que l’un ou l’autre arrivera à obtenir la fameuse licence après un recours au Tribunal Arbitral du Sport, une cassation à la Cour Européenne des Droits de l’Homme et une intervention du conseil de sécurité de l’ONU, le tout à 48 heures du début présumé de ces fameuses finales ; c’est vraiment le meilleur moyen de préparer un match que de devoir attendre une décision de justice pour savoir si l’on a le droit de jouer ou pas. Et très motivant pour les joueurs et les supporters dès lors que leur participation aux finales dépend bien davantage de l’éloquence de leur avocat que des résultats sur le terrain. Et très élégant pour le club qui sera en train de préparer le grande fête pour sa participation aux finales et qui apprendra trois jours avant le match que finalement non, il n’aura pas droit aux finales parce qu’un obscur tribunal a décidé d’accorder une licence à un autre club.

Les heureux élus

Il y a tout de même quelques clubs qui ont réussi le parcours du combattant et ont obtenu la fameuse licence en ayant satisfait aux dizaines de pages d’exigences de la ligue : Carouge, Meyrin, Münsingen, Tuggen, Rapperswil-Jona, Chiasso et Baden. Si tu fais le compte, ça fait sept. Or, … huit clubs sont autorisés à participer aux finales, normalement les deux premiers de chacun des trois groupes de 1ère ligue et les deux meilleurs troisièmes de chaque groupe. A défaut, on va chercher plus loin dans le classement du groupe, à défaut dans un autre groupe. Ainsi, les finalistes seront, sous réserve de l’acceptation des éventuels recours susmentionnés : dans le groupe 1, Meyrin (actuellement 7e du classement) et Carouge (10e) ; dans le groupe 2, Münsingen (5e) et… c’est tout (ça vaut quand même la peine de jouer 240 matchs pour en arriver là…) ; dans le groupe 3, Chiasso (1er), Rapperswil (2e), Baden (5e) et Tuggen (6e). Quant au huitième finaliste, il fait pour l’heure défaut. On regrette que le FC Bulle, qui visait la promotion en début de saison mais se retrouve bon dernier du classement, n’ait pas fait une demande de licence : les Gruyériens auraient pu être relégués en 2e ligue interrégional et en même temps… qualifiés pour les finales d’ascension en LNB, ce qui aurait démontré le caractère ubuesque de la réglementation mise en place par Edmond Isoz et consort.

Et le sport ?

En soi, qu’un Etoile Carouge puisse briguer une ascension en LNB ne me dérange pas outre mesure, c’est un club qui aurait, de par son histoire, ses juniors, sa gestion intelligente depuis quelques saisons ou ses infrastructures, sa place dans la catégorie, bien davantage que certains ectoplasmes artificiels qu’on y trouve actuellement. Néanmoins, est-il sportivement admissible qu’une équipe qui termine 10e sur 16 puisse briguer une ascension dans la ligue supérieure ? Le communiqué de la ligue explique que «les refus de la Commission des licences sont principalement dus au non accomplissement des critères infrastructurels, sportifs ou financiers». Mais à ma connaissance, seuls deux clubs ayant obtenu la licence remplissent actuellement les critères sportifs fixés stricto sensu, soit une place parmi les deux (voire trois) premiers du classement, Chiasso et Rapperswil. Tous les autres participeraient aux finales au mépris des critères sportifs, enlevant ainsi presque tout piment au championnat de 1ère ligue : on a les démotivés parce que leur club n’a pas demandé la licence, les démotivés parce que leur club s’est vu refusé la licence et les démotivés parce que leur club a obtenu la licence et qui sont donc sûrs de participer aux finales, même en terminant dernier ; ça c’est du sport !

La Comètes Football League

On croyait que ces règlementations avaient pour but de rendre plus crédible la LNB, c’est tout le contraire qui se produit. Aujourd’hui, les clubs raisonnables et bien gérés rechignent à effectuer les investissements démesurés exigés par une participation aux finales, avec le risque de mourir à petit feu en 1ère ligue, par manque d’ambitions et de perspectives. A l’inverse, les seuls clubs intéressés par le challenge (sans mauvais jeu de mot) seront les comètes, soutenues par l’un ou l’autre mécène, prêtes à tripler leur budget, à construire des installations luxueuses et à engager 28 nouveaux mercenaires tous les six mois pour rentabiliser l’investissement, comètes qui partiront généralement en faillite peu de temps après. La LNB devait être une ligue formatrice mais aucun club formateur digne de ce nom ne voudra investir des millions dans la construction de buvette supporters adverses, salles de presse et autres jacuzzis plutôt que dans l’engagement d’entraîneurs juniors compétents. Je n’ai pas vraiment souvenir de la carrière de joueur d’Edmond Isoz (d’ailleurs lui aussi a dû oublier l’époque où il fréquentait les terrains) mais j’ai l’impression qu’il devait inscrire six auto-goals par match.

Rendons le foot au terrain

L’augmentation exponentielle de la réglementation et la part toujours plus ténue qu’occupent les résultats sportifs dans une promotion en LNB laisse à penser que l’on se dirige de plus en plus vers des ligues fermées. Personnellement, je ne suis pas opposé à ce que le débat sur la question soit ouvert mais la décision devrait émaner des dirigeants de clubs eux-mêmes, en tenant compte de tout ce qu’impliquent la suppression des promotions et relégations, des critères d’admission dans les ligues en question, du statut des joueurs…, et non pas être introduite par la bande, sans aucune réflexion d’ensemble, par quelques fonctionnaires enfermés dans leurs bureaux. Combien faudra-t-il de faillites, d’injustices et de scandales pour que les clubs se rendent compte qu’il est temps de faire le ménage dans quelques bureaux de l’ASF ? Et qu’il y aurait peut-être lieu de remplacer certains bureaucrates, qui nous montent des ligues magnifiques sur du papier glacé mais complètement déconnectées de la réalité du football suisse, par des hommes de terrain réellement attachés à défendre les intérêts des clubs et des footballeurs.
 Photos Le Mont et Christophe Moulin Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Julien Mouquin

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11 Commentaires

  1. Oui,complètement d’accord avec l’article de Julien!Regardez l’exemple du FCFribourg,ici il y a du potentiel public pour Gottéron(7000 spectateurs de moyenne en 2010)et aussi pour Olympic(un des plus nombreux public de Suisse pour le basket).Moi suis convaincu que un FCFribourg-Servette ou FCF-LS en Challenge League attirerait bon nombre de passionnés à ST-Léonard……..Mais ma foi ca ne sera pas le cas pour le moment….à mon avis on va arrivé gentiment vers 20 ans de 1ère ligue pour les pingouins……(ca sera pour 2013-14 pour rappel)Mon meilleur souvenir footbalistique avec le FCF restera le 1/4 de finale contre le LS de coupe de suisse en 1997 qu’on avait pour rappel battu devant près de 6000 aficionados,un LS qui enlèvera la coupe les 2 années suivantes…..et un LS à qui je souhaite bonne chance pour la finale de ce dimanche 9 mai 2010!!!Allez à plus

  2. Les dirigeant de clubs de 1ère ligue doivent réagir pour la saison prochaine.
    Cet article résume très bien l’avenir de l’anti-chambre de la LNB, le néant et l’absurde.

  3. bel article.d’accord avec toi grenat.Isoz et cie ne savent-ils pas que le foot se jouent sur le terrain et non pas dans leurs cerveaux étriqués de petits fonctionnaires minables?

  4. Bel article. La ligue une fois de plus montre son incapacité à gérer une ligue qui devrait être populaire. Laisser rêver les petites équipes…. laissez les monter ! Le foot se joue sur le terrain et non dans les bureaux !

  5. on a tapé toutes les equipes,et on a pas le droit de faire les finales,nimporte koi cette ligue de merde!!!!!un joueur du groupe 1

  6. C’est vraiment dommage que des dirigeants censés aimer le foot puissent prendre des décisions pareilles. Il serait temps que l’ensemble des footballeurs signent une pétition pour exiger leurs départs.

  7. Excellent article! Faudrait envoyer ca a Mueri-Guemlingen… c’est vraiment nul le foot business.
    Mais bon, avec la lenteur bernoise on ne risque pas de bruler les etapes hein 😉

  8. @Holo
    Tu as parfaitement raison et cela semble inévitable. Nous avons jusqu’ici évité ce type de solutions ainsi que l’inscription obligatoire afin d’offrir le maximum de liberté et de simplicité aux internautes (fidèles ou non) de CartonRouge.ch

  9. Introduire un code « crypté », comme sur Blogger, c’est assez efficace pour lutter contre les spams je suppose.

    Sinon, excellent article. Avec beaucoup d’ironie, on dira que la devise de la première ligue c’est « l’important est de participer »…

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