La Südtribune a entretenu son mythe

Julien Mouquin n’est pas un mytho ! En me proposant de l’accompagner au Westfalenstadion, mon compère m’avait promis la plus belle ambiance d’Europe et une fête mémorable. Force est de constater que la Südtribune a été fidèle à sa légende tandis qu’on a réussi l’exploit de faire deux fêtes en une journée… Après une semaine de récupération, je peux enfin te raconter.

La Deutsche Fußball-Liga ayant eu la bonne idée de fixer les matches de l’avant-dernière journée à 15h30, le rendez-vous est programmé à 5h15 en ce samedi 1er mai. Je te promets que lorsque le réveil sonne à 4h40, brisant au passage un rêve érotique, tu te demandes ce que tu fous là… Toujours est-il que dès le levé du soleil et le premier café englouti, la forme revient et le voyage passe très vite. Quelques pointes à 205 km/h plus loin, nous arrivons à 12h30 dans un hôtel décoré à la gloire du BVB (prononce «béfôbé»). Le temps d’enfiler nos maillots jaunes et noirs, nous partons en direction du Temple sous un soleil généreux. J’ai ressorti à cette occasion le plus vieux maillot de ma collection, celui de Stéphane Chapuisat de la grande époque du Borussia Dortmund. Avec la pub Continentale et le numéro de travers, si ça te dit quelque chose… Si certains supporters sont venus m’aborder, d’autres ont certainement dû se dire que «ce touriste asiatique un peu naïf s’était ruiné sur Ebay pour faire le malin au stade». Eh bien même pas puisque ce maillot m’avait été offert en 1995 par un certain…Gabet Chapuisat ! 15 ans plus tard, pas sûr qu’il soit enclin à m’offrir le maillot du FC Le Mont…

Une ode à l’ivresse

Dans cette ville industrielle où l’on se croit plongé dans un épisode de Derrick, tout le monde vit au rythme du football. Des drapeaux sur les voitures aux décorations aux fenêtres des maisons, les couleurs du BVB sont omniprésentes. 1er mai oblige, les commerces sont fermés, les rues quasi désertes. Cette métropole de 585’000 âmes est en train de dormir paisiblement en ce jour férié. Paisiblement, oui, sauf au Westfalenstadion où la foule grouille, les trams affluent et la bière n’en finit pas de couler. A 2,50 euro la Dortmunder Kronen de 4 dl, tu n’as pas besoin d’être riche pour finir ivre. L’ambiance est bon enfant, joyeusement festive, sans aucune animosité entre les supporters des deux camps. Notre guide du jour nous fait découvrir deux biergarten, dont un aménagé autour d’une piscine publique ! La cabane qui vend normalement glaces et minérales sert bières et bretzels. J’avais goûté à cette ambiance délicieuse durant la Coupe du Monde 2006, je la revis aujourd’hui avec un plaisir non dissimulé.
Il est 14h30 et il est déjà temps de rejoindre la Mecque, même si j’aurais bien flâné plus longtemps dans ce cadre estival. «L’ambiance durant l’échauffement des joueurs vaut le coup» nous promet Julien, son maillot de Sebastien Kehl sur le dos. On entre dans le stade, on s’avance, on tourne la tête à droite, puis à gauche et là, devant nous, tel l’Arc de Triomphe en sortant de l’arrêt de métro Charles-de-Gaulle, la vue sur la Südtribune nous prend à la gorge. Immense, gigantesque, majestueuse. D’autant plus saisissante qu’elle est pleine à craquer alors que le reste du stade est vide. Ce mur de 24’454 fanatiques transpire la passion, la ferveur, la magie du football. Tout le monde sort son appareil-photo et immortalise le monument. On va à Rome pour son Colisée, à Zermatt pour son Cervin, à Sydney pour son Opéra, à Dortmund c’est sa Südtribune qu’on veut garder en souvenir.
Près de 25’000 fans s’entassent à chaque match dans ce virage sans étage, sans séparation, un bloc surchauffé et compact. Toutes les places sont réservées aux abonnés et il n’y a pas moins de…5’000 personnes sur la liste d’attente. Si tu es impressionné par le kop de la BernArena, multiplie l’effet par 10 et tu es encore loin des sensations éprouvées face à l’immensité de ce mur jaune.

Indescriptible (mais je vais quand même essayer)

Le You’ll never walk alone, hymne que le BVB a «emprunté» à Liverpool et au Celtic Glasgow, est repris en chœur par 80’000 passionnés. L’entrée des joueurs est saluée par un vacarme incroyable. Les chants partent de tous les côtés. Capo dans la Südtribune n’est pas le métier le plus dur du monde, au contraire de journaliste sur le cyclisme. Malgré une prestation mitigée du BVB et un pénalty raté par Nuri Sahin, l’ambiance ne faiblit pas tout au long de la rencontre. Une clameur envahit le stade et des «Scheisse Null-Vier» retentissent : Werder Brême a ouvert la marque chez le rival honni de Schalke, un nom qu’il ne faut surtout pas prononcer dans les travées du Westfalenstadion, sous peine de prendre une brossée monumentale. C’est l’ambiance la plus chaude à laquelle j’ai eu la chance d’assister. Pas aussi hystérique qu’à Malley à un certain 4 avril 1995, mais au niveau du bruit et de l’intensité, l’événementiel que je suis n’a pas vu mieux. Peut-être qu’en Argentine ou en Turquie…
Inversement proportionnelle à ma sobriété, l’excitation atteint son paroxysme lorsque Stiepermann égalise à la 81e minute. Les encouragements redoublent, le mur frémit, le stade s’embrase, vacille, tremble. Je finis ma bière en vitesse car je sais qu’en cas de but victorieux, la douche est inévitable. Las, le BVB en restera là et mon deuxième match au Westfalenstadion après Suisse-Togo se solde par un nul des familles. A défaut de scènes de liesse collective, nous avons droit à une énorme ovation pour fêter la qualification du BVB en «Europapokal». Les joueurs défilent avec une banderole, la communion est immense entre tribune et pelouse. Kevin Grosskreutz s’empare d’un porte-voix et exhorte la foule. La plus grande tribune d’Europe entretient son mythe. Indescriptible.
Le passage au biergarten est ensuite obligatoire. D’aucuns chantent, d’autres ruminent leur déception dans la mousse. «C’est plutôt calme aujourd’hui» me dit Julien. Je n’ose pas imaginer l’ambiance les soirs de victoire… Je tente d’offrir un shot de Jägermeister à la serveuse mais cette dernière, en bonne professionnelle (ou pas), refuse catégoriquement. Ce qui n’est pas le cas de Christophe et Julien. Mais la nuit tombe et il faut déjà rentrer… On se couche, le réveil sonne, tiens, c’est seulement 22h !? Une autre soirée commence, sans maillot du BVB ni Südtribune, mais lorsque le DJ passera le You’ll never walk alone à 3h du matin, repris en chœur par toute la boîte, on se rendra à nouveau compte que Dortmund est gravement drogué au football, malade de son «béfôbé». Inutile de dire qu’on se réjouit déjà d’y retourner… Avec le LS en Coupe d’Europe ?

A propos Marco Reymond 470 Articles
Un p'tit shot ?

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4 Commentaires

  1. Je ne peux qui confirmer les propos de ce magnifique article… le match était plus que moyen mais O combien compensé par cette atmosphère incroyable…A vivre une fois (au moins!)
    On conseillera quand même aux motivés de prévoir autre chose que la visite de Dortmund le lendemain.. en effet cette ville possède un facteur d’attractivité encore inférieur à celui d’Olten et Baden réunis… On comprend dès lors mieux l’engouement des supporters pour leur BVB!

  2. Nanananèe, fais le malin avec ton maillot de Chapi-Chapo, moi j’ai le maillot de Marc Hottiger de l’époque du Renens FC. Et toc!!!

    ;-))

  3. Magnifique, Marco ! Voilà qui restitue fort justement ce qu’on a vécu le week-end dernier là bas, et qui devrait donner envie aux très nombreux lecteurs de CR fans de foot d’effectuer une fois le pélerinage dortmundois. N’hésitez pas, chers amis, vous allez aimer ! Et comme tu l’expliques si bien, le mélange des supporters sans animosité et sans aucun incident ni avant ni après le match fait du bien, ça change de ce qu’on peut voir en France, en Italie ou en Suisse ! La fête, quoi !

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