Y en a plein comme nous

Footballistiquement, franchement, il n’y a rien à raconter. Et même si nous avions réalisé le match parfait et remporté la Coupe, je n’aurais rien à raconter que vous n’ayez déjà vu. Alors on va plutôt parler de tout le reste.

De fait, cette finale a commencé quasiment au lendemain de l’exploit contre St-Gall. Juste le temps de reprendre son souffle et de réaliser la portée de l’exploit, qu’il faut déjà se projeter dans la suite : comment va-t-on se déplacer ? Combien serons-nous ? Quelle animation est-il envisageable de faire ? Avec quels moyens financiers et humains ? Rapidement, les responsables tifo du Blue-White Fanatic Kop proposent d’acheter 10’000 drapeaux, et la conception d’un voile ou, si le temps et/ou le nombre de volontaires manquent, d’une grande bâche. Le comité approuve et débloque un crédit de 8’000 francs.Les premiers contacts sont pris avec le LS. Les dirigeants parlent d’un train spécial et du peu de jours pendant lesquels l’ASF va leur laisser les billets à disposition avant revente de l’éventuel solde via TicketCorner. Ils nous demandent s’ils peuvent «reprendre» le motif du t-shirt «I LOVE LS», initié par le BWFK, qui avait fait le buzz à St-Gall, pour en faire le thème de la finale. Requête acceptée, ce qui permettra de nous concentrer sur notre vocation première. A ce propos et dans la foulée, ils nous demandent si nous prévoyons une animation. La réponse est donc oui, sans plus de détails, le principe même d’un tifo étant de rester le plus secret possible jusqu’au jour du match. C’est alors qu’ils nous apprennent qu’ils envisagent… de distribuer des drapeaux dans le stade. Arf. Nous expliquons notre projet, et leur demandons de nous laisser gérer cet aspect du match : à chacun son job. A eux d’organiser la promotion de l’événement, à nous de bûcher sur l’ambiance. Le deal est passé.

On commence à se compter : qui peut faire quoi, sachant que chaque drapeau doit être monté et scotché ? Parallèlement, plutôt voile ou bâche ? Etant donné le bon rendu de la bâche de 14 mètres déployées en demi-finale (WE LOVE LAUSANNE-SPORTS), les responsables tifo optent pour une solution similaire, mais à la mesure de l’événement : une banderole de 70 mètres sur 2, «ON VEUT LA DIXIEME». Dans le stade, elle pouvait sembler petite, mais je te jure que quand tu te retrouves face à 140 mètres carrés à peindre, tout est une question de point de vue.
Voilà, les projets sont lancés, avec tous les petits trucs à organiser : qui peut réceptionner 460 kilos de drapeaux alors que la boîte qui assure la livraison ne peut pas nous donner d’heure précise ? Où peindre discrètement une bâche de 70 mètres ? Et comment monter à Bâle la demi-tonne de matériel que le tout représente ? D’autant qu’à côté, le dispositif de promotion mis en place par le LS nous semble sous-dimensionné : pas de promotion par affiches, pas d’annonces dans les journaux, quatre uniques points de vente et pas un à Lausanne à part le secrétariat, ouvert par intermittence… Du super light. Alors au terme d’une séance de comité agitée, entre les travaux de peinture et le scotchage des drapeaux, il est décidé d’imprimer 2’000 affiches, et de les distribuer contre Servette, afin d’inciter chacun à en poser une dans le bistro de son village ou au pilier d’affichage public. Du A3 et du A4 couleurs, impossible de faire plus avec nos moyens. Le stock sera collé directement par les membres du groupe.
Du coup, on cherche à mobiliser les membres. Une soirée pour découper les lettres qui seront utilisées sur la bâche, une journée complète de peinture, un bout d’après-midi pour finir la peinture. Parallèlement, ceux qui peuvent embarquent des drapeaux chez eux pour scotchage avec copain/copine devant la TV, d’autres se réunissent en soirée à notre local de la Pontaise. Un soir, deux soirs, trois soirs… Pour le déplacement à Lugano, un grand car est loué pour les 9 supporters, afin de pouvoir embarquer le matériel et d’avoir la place de bosser. 3’000 drapeaux seront faits durant la dizaine d’heures du voyage.

Les nouvelles des commandes de billets sont pour leur part mauvaises. On est en train de se coltiner 10’000 drapeaux pour 6’000 Vaudois annoncés. Nous décidons d’aller au bout tout de même : autant avoir trop que pas assez. Au pire, on ressortira le solde contre Gossau demain, afin de couvrir la Tribune Sud, qui sera pleine à ras bord de supporters déchaînés souhaitant saluer une ultime fois cette saison l’équipe la plus sympathique de cette édition de la Coupe de Suisse.
La veille du match, un minibus est loué, et cinq membres font l’aller et retour à Bâle, afin – en accord avec la sécurité – de stocker le matériel dans un endroit sécurisé au sein du stade (en fait, dans les toilettes). Impossible de pénétrer dans les tribunes afin d’y coller les affiches préparées pour l’occasion (explication du tifo) et les sacs poubelles prévus pour récupérer quelques drapeaux. Tant pis, cela se fera à l’arrach’ le jour-même. Le soir, enfin, certains membres se retrouvent un peu à l’improviste au pub pour une mémorable soirée, afin de fêter le fait d’être dans les temps et de ne plus rien avoir à faire que de se laisser porter par l’événement.
Plus rien à faire ? En fait, 900 flyers ont été imprimés pour distribution dans le (très cher) train spécial. Au moins, ces supporters-là (entre 10 et 15% des Vaudois présents) seront au courant de l’animation et joueront le jeu. Ensuite, si tout se passe bien, les gens seront demandeurs d’avoir leur drapeau, la distribution devrait dons se dérouler sans trop de problèmes. De fait, une vingtaine de supporters quadrillent la tribune lausannoise, et à l’exception des (trop nombreuses) familles bâloises qui se retrouvent dans notre secteur, les présents jouent admirablement le jeu. Dans le même temps, la bâche – magique ! – est déroulée, qui sera finalement ôtée par la sécu en cours de première mi-temps, car elle gênait la vue des derniers rangs au parterre. Rien de grave : un tifo est fait pour être éphémère, la banderole n’avait pas vocation à rester tout le match même si, évidemment, cela nous aurait fait plaisir.
Il ne restait plus alors qu’à se regrouper et à chanter. Malheureusement, bien peu sont ceux qui ont suivi les encouragements, malgré quelques frémissements en début de match. Les gens se sont tout simplement assis, et on vu le match comme s’ils étaient devant leur TV. Ceux qui critiquent le manque d’ambiance aujourd’hui en pointant du doigt le BWFK auraient pu se joindre à nous pour encourager l’équipe. La réalité actuelle est la suivante : nous sommes un petit groupe, qui faisons avec nos moyens. On peut bosser comme 100 sur la longueur afin de démouler une belle animation. Mais on ne peut pas chanter comme 1’000 pendant la rencontre.

Avant, pendant ou après le match, toute la tension est retombée d’un coup. Chacun gère cela à sa façon. Pour ma part, les nerfs ont craqué à l’entrée des joueurs, quand j’ai vu que tout avait fonctionné. J’ai pleuré cinq bonnes minutes. Je n’avais donc plus de larmes pour accueillir les goals qui tombaient comme des fruits pourris. Une intense émotion m’a tout de même envahi à la fin, quand nos gars sont venus nous saluer, accablés par l’ampleur de la claque. Ça puait la tristesse, alors j’en ai repris un peu.
J’arrive au terme de cet article. Il n’est assurément pas drôle, et probablement pas tellement intéressant. Mais j’avais envie une fois, alors que mon expérience avec CartonRouge.ch arrive gentiment à son terme, d’expliquer ce que cela représente en termes d’heures et d’implication que d’essayer de supporter son club au maximum de ses possibilités. Tous les autres supporters de tous les autres clubs en Suisse et ailleurs savent ce que cela implique. Pour cela, je les respecte infiniment, y compris ceux des équipes que je déteste absolument. Ils ont tous passé des heures à peindre, découper, porter, plier, scotcher, dessiner… puis ils ont pris des trains, des cars, des voitures, des avions pour se déplacer… enfin, ils ont chanté, vibré, hurlé, ri et chialé. Ils ont au cœur le fol espoir que leur travail soit utile, que leurs joueurs se sentiront pousser des ailes quand ils se verront soutenus, quand ils nous entendront chanter durant le match. Ils pensent qu’ils peuvent influencer le déroulement des matches.
Ce sont des fous.

Photos Pascal Muller, copyright
www.mediasports.ch

Bâle – Lausanne 6-0 (2-0)

Parc St-Jacques, 30 100 spectateurs.
Arbitre : M. Kever.
Buts : 28e Stocker 1-0. 30e Shaqiri 2-0. 46e Zoua 3-0. 52e Chipperfield 4-0. 75e Stocker 5-0. 89e Huggel 6-0.
Bâle : Costanzo; Inkoom (54e Zanni), Abraham, Ferati, Safari; Huggel; Zoua, Da Silva, Shaqiri (79e Almerares); Chipperfield (67e Frei), Stocker.
Lausanne : Favre; Borges (53e Geiser), Buntschu, Meoli, Sonnerat; Ndzomo, Marazzi; Carrupt, Tosi, Pimenta (70e Stadelmann); Gaspar (83e Hélin).
Notes : Bâle sans Streller ni Cagdas (blessés). Lausanne privé de Katz (suspendu).

A propos Yves Martin 247 Articles
Cette Nati a deux vertus : celle de faire rêver quasi tout son peuple, et celle d'emmerder les connards de la fachosphère. Longue vie à elle.

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20 Commentaires

  1. Bravo pour votre passion, Yves. Toujours un immense plaisir de vous lire.

    Comme les autres lecteurs, je suis très déçu de votre futur départ de CR…mais comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, alors ?!?…

    Salutations du Valais,
    FF

  2. Bravo au BWFK et aux Lausannois présents ce dimanche.

    Oui 1890, c’est bien beau ton 2ème paragraphe mais bon pour avoir une grosse ambiance il faut aussi présenter une spectacle qui donne envie de s’enflammer car quand on voit le niveau du foot suisse (équipe nationale ou clubs) c’est un peu pénible à trouver une certaine motivation. Soyons francs.

  3. Oui, encore une fois magnifique article et également extrêmement dommage que tu arrêtes. C’est vraiment définitif ?

    Egalement chapeau pour ces tifos qui paraissent simples à réaliser lorsque l’on a le « ptit » drapeau dans les mains mais qui représentent en fait un travail de titan. Et encore plus pour un petit groupe. Vous réussissez à faire à 15-20 (?) ce que d’autres font à plusieurs centaines. Et pour ça, whaw, chapeau ! Je me demande d’ailleurs toujours où vous avez réussi à étaler cette énorme banderole. Si le comité se décide enfin à mettre autant de bonnes énergies dans le recrutement que vous n’en mettez à préparer vos tifos, alors là, c’est sûr, en 2011-2012 on joue en LNA !

  4. Merci Martin et un merci chaleureux à tous les membres du BWFk, même pas nombreux vous êtes l’âme de ce club. Pour cette finale, j’étais avec mes enfants dans le Kop et je ne le regrette pas. Longue vie au BWFK et au LS en route pour la ligue A.
    Jean-marc Béguin, vice-président de la Confrérie

  5. Du bel article, ca nous change de lire un enieme compte-rendue de Vaudois en goguette a l’etranger pour vampiriser la passion d’autres personnes pour leur club…

    Si un 1/10eme des gens qui en Suisse passent leur temps a raler que l’ambience c’est pas ca, moquent les efforts de ceux qui y croient et n’ont d’yeux que pour les grosses tribunes d’Europe, ca nous assuraient une sacre belle ambiance dans nos stades…

  6. Contraste saisissant au niveau des 2 forces en présence: d’un côté un groupe de supporters qui se démène et en face, son boulet, un comité qui ne semble pas très concerné… Ce n’est pas une société s’occupant de l’événementiel qui gère ce club!?!
    Bref, n’étant pas connaisseur du LS, passons!

    Bel article, magnifique passion! Au final, peu importe que vous soyez le seul groupe de supporters et que dans la tribune d’en face il y en aient une vingtaine, que vous soyez 7’000 face à 10’000 fans… C’est peut être con et ringard, mais ce qui importe en fin de compte, c’est la passion, celle qui, comme tu le dis si bien, uni les « supporters de tous les autres clubs en Suisse et ailleurs ». Et dimanche passé, on en a justement vu dans la tribune Gellert !

    LG

  7. Suis vraiment pas fan du LS, et plutôt content du résulat en fait, mais chapeau pour ce que vous fête pour votre club ! Si ça c’est pas de l’amour 🙂

    Et sinon bon le stade n’était pas plein, mais on ne peut pas tout mettre sur le compte des vaudois non plus, le match se jouait à domicile pour Bâle, et il me semble qu’il n’y avait largement pas que les secteurs visiteurs qui n’étaient pas pleins.

  8. Bravo et respect à toi Yves et à tous les BWFK. Je vous spuhaite plein de succès pour l’année prochaine, vous le méritez bien, et la concurrence bien moindre que dimanche qui vous fera face laisse augurer quelques belles victoires!
    Continuez votre chemin et qui sait, peut-être vous amènera-t-il bientôt en Super League et à la Maladière… C’est toujours un plaisir de te revoir cher Martin comme de te lire… on te regrettera.

  9. Total respect Martin!

    Ton engagement pour ce club qui m’est très cher force l’admiration.

    Tes déceptions, tes larmes, tes espoirs,… je les partage tous. Mais, crois-moi, tu as un immense avantage sur moi: tu n’aimes que le LS!

    Moi, je double cette souffrance de nous savoir dans cette putain de LNB et tout ce qui va avec, puisque j’éprouve cette même passion aussi pour le LHC…

    Old School, « vieux » LAUSANNOIS!

  10. ouai… voilà quoi…
    respect pour votre boulot, mais ça n’enlève rien à ma pensée que les vaudois en ont décidément rien à blair du foot… franchement jouer une finale de coupe suisse dans un stand pas plein…

  11. Bravo pour l’article !

    Et d’accord avec toi, mon voisin Porcinet (si si j’vous jure!!!), m’a demandé si les supporters du LS étaient tous des sourds muets… Dommage de ne pas avoir plus donné de la voix, mais j’y ai vu un point positif !

    Dans les tribunes vides de la Pontaise, on voit une majorité de personnes « âgées », mais à Bâle, énormément de jeunes se sont déplacés pour soutenir le LS, moi j’y vois un public potentiel pour ces prochaines années. Bon faudra juste que certains s’achètent un nouveau maillot, parce que bon, le bleu avec AGIP comme pub…

    Alors bravo, malgré le résultat final, aux joueurs pour leur parcours et aux supporters qui se sont déplacés !

  12. Total respect, Yves. Même vue au travers de son écran TV par un flemmard comme moi qui a préféré regarder la finale assis sur son canapé plutôt que de se déplacer à Bâle, la bâche du BWFK avait une sacrée allure, crois-moi ! Dommage, elle n’aura pas suffi à transcender un LS un petit peu paralysé par le trac ce jour-là…

    Et lorsque tu dis dans ton article ci-dessus « …alors que mon expérience avec CartonRouge.ch arrive gentiment à son terme… » j’ai un peu peur de comprendre, j’espère que tu ne vas pas quitter le navire. Un tel talent, c’est rare , continue stp !

  13. Franchement bravo pour tout cet investissement. J’étais dans le train Deluxe (je parle du prix bien sûr), j’étais à Bâle avec mon drapeau blanc, j’ai vu la banderole, mais tout ce qui est fait derrière on ne le voit pas, alors chapeau-bas les gars… Si il y a une victoire a dédier, c’est bien a vous qu’elle doit revenir… Vive le sport lausannois!

  14. Bravo pour tout ce que vous avez fait!!

    C’est vraiment énervant cette molesse des vaudois!! J’étais dans le virage, et je n’entendais absolument pas les chants du LS!!!

    J’ai donc tenté d’en lancer un ou deux, ça a « marché » deux fois, puis les gens me regardaient comme si je sortais d’un asile de fous…
    Pourtant les vieux cons devant moi avaient de la voix pour insulter chaque joueurs à chaque erreurs… Triste, vraiment!!!…

  15. Non, c’est pas possible. Mon redacteur preffere va gentillement nous quitter? Quel dommage, car mon plaisir de te lire depuis deux ans maintenant na jamais cesse. Quel passion, quel amour pour son club le LS.
    « Ce sont des fous » oui, mais sans eux une equipe n’est plus la meme. Merci a tous les membres du BWFK qui ont pris part dans la realisation de cette magnifique animation.
    « Ce soir c’est l’Europe! » gardons courage et esperons une saison meilleure l’annee prochaine…
    dernier match a domicile contre Gossau, les « fous » seront la, LS partout et toujours!

  16. Malgré les certaines excellentes raisons qui te poussent à arrêter tes histoires d’un supporter solitaire … n’arrête pas!

    C’est la meilleure lecture footballistique que je connaisse. (bon ok avec quelques blogs anglais) C’est héroique, pathétique, assumé et drôle.

    Sans toi et quelques autres, le LS ne serait plus qu’un souvenir.

  17. Bravo pour votre article et votre engagement, cela me donne une autre vision du match de dimanche.. j’y étais avec ma cops et cela faisait bien quelques années que nous étions pas revenues voir le LS… Si au début du match, nous étions excitées par tant d’enthousiasme entre les drapeaux, la belle banderole et les chants d’encouragements (qui n’ont d’ailleurs pas changés), cela est vite retombé au vu du résultat et du manque de fair-play de certains spectateurs avec leurs doigts d’honneur, c’est nul… alors oui, je préfère rester silencieuse pendant le match et ne pas déverser ma haine (sans raison) aux joueurs de l’équipe adverse… Il faut un gagnant et un perdant, c’est pas l’école des fans… Mais encore merci pour tout votre boulot…
    Bref, on va revenir à la Pontaise avec ma cops, on aime le foot… c’est tout !!

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