L’élève a dépassé le maître

Le Pigeon d’Or du mois de mai a tourné au duel entre deux entraîneurs de foot régional réputés ni pour leur fair-play ni pour leurs bons résultats. Finalement, après une seule saison (calamiteuse) sur le banc, Stéphane Henchoz est parvenu à devancer Gabet Chapuisat, qui a lui pourtant une carrière d’insuccès bien plus longue.

Je sais que c’est la Coupe du Monde mais notre Pigeon d’Or est au-dessus de ce genre de contingences et il faut bien annoncer les résultats du mois de mai. Me voilà donc contraint d’interrompre brièvement les si intéressants débats entre ados espagnols et italiens persuadés de la perfection absolue de leur équipe favorite et courroucés que le monde entier ne tombe pas béat d’admiration devant elle, vous m’en voyez navré.

Gabet, l’éternel perdant

Décidément, Gabet Chapuisat est maudit. Pourtant, l’occasion semblait belle d’inscrire enfin une ligne à son palmarès d’entraîneur avec ce Pigeon mensuel. L’entraîneur du Mont avait tout du candidat idéal avec une longue carrière où les échecs et les polémiques ont été bien plus nombreux que les succès et les réussites et une attitude détestable sur le banc qui ne s’arrange pas avec les années, bien au contraire. Le fiasco, que ce soit au niveau des résultats, du jeu présenté ou du comportement, de son passage au Mont semblait lui ouvrir la voie royale vers le succès.

Le succès…

Mais voilà, est arrivé un jeune loup très ambitieux qui, en une saison, est parvenu à surpasser, dans un style assez similaire, les échecs passés de Gabet : Stéphane Henchoz. Après une carrière de joueur et un palmarès qui forcent le respect, l’ancien Scouser entendait bien entamer triomphalement sa carrière d’entraîneur à la tête d’un FC Bulle qui affichait ouvertement le plus gros budget du groupe 1 de 1ère ligue et ambitionnait clairement une ascension en LNB avec une armada de mercenaires. Mais l’expérience a tourné au cauchemar et «l’équipe qui devait ramener le FC Bulle en Challenge League» a ramené le club gruyérien en 2e ligue interrégionale, qui plus est l’année du centenaire du club. Fatalement, quand tu vises l’ascension et que tu termines bon dernier du classement, l’entraîneur n’a pas bonne mine. En général, d’ailleurs, dans un tel fiasco, l’entraîneur ne finit pas la saison mais Stéphane Henchoz avait sans doute, à l’instar de Raymond Domenech, un contrat suffisamment onéreux pour être aussi indéboulonnable qu’un fonctionnaire du service des sports de la TSR. Pour le plus grand malheur des supporters du FC Bulle qui ont assisté impuissants à la longue descente aux enfers de leur club.

…et l’humilité

Si le FC Bulle n’est, à aucun moment, paru en mesure de redresser la barre, c’est aussi parce que l’autocritique n’était manifestement pas le point fort de son entraîneur. Stéphane Henchoz appartient à cette catégorie d’anciens joueurs au passé international qui ont la fâcheuse tendance à prendre de haut les catégories de foot plus ou moins régional où ils débutent leur carrière d’entraîneur et à tenter de jouer sur leur réputation pour intimider adversaires et arbitres. Après un match nul contre Malley, futur finaliste, qui consacrait la relégation de son équipe, le Fribourgeois aux 72 sélections en équipe nationale déclarait dans la presse régionale : «Encore aujourd’hui, on a marché sur la tête des Vaudois toute la deuxième mi-temps alors qu’ils vont jouer les finales. L’arbitre, une fois de plus en 1ère ligue, a été nul et nous prive d’un penalty, tout comme il nous a privés de deux points à Chênois.» C’est sûr, quand tu vises la première place et que tu finis bon dernier du classement, c’est que ton équipe était bien meilleure que les autres mais ce sont les arbitres qui ont tout foutu en l’air. On ne sait pas si, avec telle capacité d’autocritique, Stéphane Henchoz pourra rebondir ailleurs après son échec bullois. Pour l’instant, il joue les consultants pour la TSR. On ne va pas tirer sur l’ambulance mais entendre un joueur qui, en quinze ans de carrière, a dû faire en tout et pour tout deux relances propres dans les pieds d’un coéquipier, critiquer la médiocrité technique des participants à la Coupe du Monde fait doucement sourire.
Nous sommes donc heureux de décerner le

Pigeon d’or de mai 2010 !

à Stéphane Henchoz, le premier trophée de sa prometteuse carrière d’entraîneur. Nous serons bientôt de retour pour les très attendus Pigeons de la Coupe du Monde qui, je ne te le cache pas, donnent déjà bien du fil à retordre à la rédaction, vu l’abondance de candidats potentiels, entre Helvètes stériles, divas françaises, vétérans italiens, danseuses portugaises, passoires anglaises, tricheurs espagnols, comédiens chiliens, arbitres folkloriques, entraîneurs frileux et on en passe.
Election du Pigeon d’Or du mois de mai – Classement final :
1. Stéphane Henchoz : 206 votes – 35.8%
2. Gabet Chapuisat : 161 votes – 28%
3. Richard Chassot : 65 votes – 11.3%
4. Laurent Blanc : 63 votes – 11%
5. Sidney Crosby : 62 votes – 10.8%
6. Marco Wölfli : 18 votes – 3.1%
Nombre de votes : 575

Écrit par Julien Mouquin (texte) et Robert Johanson (dessin)

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10 Commentaires

  1. En même temps, c’est normal d’aller bosser à la tsr, entre nuls, on préserve les égos….il peut former une dream team avec PAD

    « Me voilà donc contraint d’interrompre brièvement les si intéressants débats entre ados espagnols et italiens persuadés de la perfection absolue de leur équipe favorite et courroucés que le monde entier ne tombe pas béat d’admiration devant elle, vous m’en voyez navré. »

    pareil, quelle tristesse d’interrompre de si intéressants débats de type « gnignigni, ma équipe n’est la meilleur, la nati c’est caca, gni le mienne, nest la gagné la coupe 25 fois durant la préhistoire », vous voulez pas leur créer un site spécial pour qu’ils puissent s’ébrouer sans nous faire chier ?

  2. Fabuleux dessin et très bon texte !

    Dommage qu’il fallait désigner un vainqueur entre Henchoz et Gabet, le second nommé aurait également mérité une distinction. Gageons que ce n’est que partie remise…

    Et sinon, vivement les Pigeons de la CM… Faudra faire une liste de 23 les gars 😉

  3. C’est frais, c’est très bien écrit, ça pique ou il faut, le dessin est comme d’hab superbe (et bien joué la rédac d’avoir agrandi le format), bref ça fait du bien après la pitoyable foire d’empoigne sous l’article Espagne-Portugal ( bonne idée, Mork, le site spécial pour ados frustrés 😉 ) et bravo à Stéphane-monocorde-Henchoz pour ce trophée mérité.

  4. Suis-je le seul avoir éclaté de rire en voyant Mouquin se moquer des échanges puérils sous un autre article, lui l’apôtre de « Bayern ou Hoffenheim, c’est des gros méchants », « les Italiens sont pas beaux », ou autre « Dortmund, rentrez dans le stade, et vous serez guéri du cancer et marcherez sur l’eau »?

    Paille, poutre, toussa quoi.

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