Les pépins s’accumulent

Je vous avais laissé alors que Petacchi avait remporté son premier succès… Et bien me revoilà après une nouvelle victoire de l’Italien, puis enfin un succès de Mark Cavendish. De notre côté, cela va de mal en pis. Notre leader a été grotesque sur les pavés, tandis que mon sprinter a eu l’air très con ! Ce Tour commence vraiment mal…

Mardi, pour l’étape si redoutée des pavés, on avait une tactique. Notre but premier était de protéger notre leader Miguel Darthvador, guère à l’aise sur ce terrain, afin qu’il conserve toutes ses chances d’intégrer le top 10 du classement général final. Mais on avait aussi une petite idée derrière la tête et on voulait envoyer Philippe Aleauclair, notre Français qui est en plus le local de l’étape, aux avant-postes pour essayer de jouer la gagne. Au final, on a une nouvelle fois tout perdu…D’abord, cet imbécile de Français, il n’en a fait qu’à sa tête. Il est parti au sein de l’échappée matinale et a voulu faire le malin au ravitaillement. Pendant que ses compagnons de fugue prenaient des victuailles pour la route, ce petit rigolo a attaqué et s’est retrouvé tout seul à plus de cent kilomètres de l’arrivée. Lui qui aime les pavés et les difficultés, il a eu l’air bien con.

Foutu Français !

Bjarne Gianetti avait beau l’insulter dans l’oreillette et lui dire de ne pas se griller afin de pouvoir rendre des services à son leader sur les secteurs difficiles, il n’a rien voulu savoir. Lui, il passait sur France 2 et rêvait de se faire interviewer par Gérard Holtz à l’arrivée. Tant pis pour lui, car au final il a crevé dans le premier secteur pavé, avant de faire une fringale dans la foulée. Pour le punir on a décidé de ne pas le dépanner. Il a fini sur la gente, deux heures derrière la voiture-balais. On n’est plus que sept dans l’équipe, mais bon, il faut savoir se faire respecter…
J’ai profité de cette étape pour tenter de développer un nouveau concept. Comme je n’étais pas très sûr que ça marche, j’ai utilisé le p’tit jeune de l’équipe Marcel Strauss afin de voir si ça fonctionnait avant d’éventuellement le donner aux leaders l’année prochaine sur Paris – Roubaix. De toute façon, cet Appenzellois ne joue rien au général, c’est un peu la chair à canon de l’équipe, le porteur d’eau… Au premier secteur, je lui ai dit de changer de vélo et lui ai donné une machine avec des pneus carrés. Ça n’avais jamais été fait auparavant, imaginez comme j’étais fier !

Grosse Belge

Sauf que j’ai vite déchanté… Trois mètres plus tard, il s’est vautré contre une grosse Belge et est resté coincé entre ses miches. Il a fallu cinq bonnes minutes pour arriver à le désincarcérer ! Heureusement qu’il n’y avait plus de moto de télévision à ce moment-là, parce que sinon on était dans le zapping pour dix ans. Au final, on a donné à Strauss un vélo normal et il a pu rallier l’arrivée dans les délais.
Darthvador a quant à lui plutôt bien géré au départ cette spécialité qui est pourtant loin d’être la sienne. Il s’est dit que suivre Lance Armstrong serait une bonne idée. A 39 ans, l’Américain connaît sur le bout des doigts ce genre de difficultés et comme il avait promis d’attaquer Contador, rester dans son sillage était juste. Problème, Miguel n’a pas encore une vraie science de la course. Alors quand l’Américain a crevé dans l’avant-dernier secteur, notre Espagnol est resté derrière lui sans bouger. Comme un stoppeur de football qui doit suivre son attaquant «même quand il va pisser», comme le disait Guy Roux.

Sprinter à la peine

Du coup, il a lui aussi perdu trois minutes sur les tous meilleurs au classement général. C’est un peu ballot, mais cela lui permettra peut-être de bénéficier d’un bon de sortie prématuré lors des premières étapes de montagne. Un mal pour un bien, même s’il est toujours mieux de gagner du temps que d’en perdre… Mercredi et jeudi on était dans le prototype même des étapes dévolues aux sprinters. Notre spécialiste Mauro Mavazi est certes un peu âgé pour ce genre de péripéties, mais bon, bien lancé il peut toujours tirer son épingle du jeu. Le truc c’est que tout le monde est tellement nerveux ces temps dans les dix derniers kilomètres que ça frotte un maximum et ça, Mauro, il a de la peine.
Le premier jour, il était encore tout traumatisé de la défaite de l’Italie à la Coupe du monde. Non, franchement, ça l’a miné un maximum. Alors qu’on venait de passer la flamme rouge, Mavazi était dans son petit monde, comme le sont souvent ces funambules du bitume dans les derniers hectomètres. Vous voyez le flic qui fait partir les voitures des directeurs sportifs de côté 300 mètres avant la ligne d’arrivée ? Et bien oui, ce farceur de Mauro est parti directement, à plus de 60 km/h, en direction des pullmans…
Littéralement la tête dans le guidon, c’est seulement quand il est arrivé à un carrefour où deux camions attendaient à un feu rouge qu’il s’est aperçu de sa méprise. Trop tard pour pouvoir freiner à temps. Il est allé s’empaler à l’arrière d’un transporteur de légumes. Autant dire que son étape du lendemain était d’ores et déjà fortement compromise. Heureusement, le Transalpin a réussi à rester au sein du peloton, mais n’a pas eu le courage d’aller frotter sur la fin. Comme personne n’a réussi à s’immiscer dans l’échappée du jour, autant dire qu’on a même pas pu montrer le maillot. On m’a dit que le sponsor était déjà sur les dents…

Écrit par Iñigo Sorensen Montoya

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1 Commentaire

  1. Excellents ces articles sur le Tour de France… Vivement la montagne pour que l’allemand Bergsteiger et le polonais Yaval Lecol puissent se mettre en évidance…

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