Un derby de feu !

Cela faisait des lustres que le Léman n’avait pas vibré comme il s’apprête à le faire samedi, sur le coup de 19h00. Devant les caméras de la TSR (mais qu’est-ce qu’on se réjouit…), les deux équipes aux potentiels les plus crédibles de Suisse romande vont se rencontrer pour un match au sommet. Malheur au vaincu, qui perdra ainsi des plumes face à un adversaire direct dans l’optique de la promotion.

A l’occasion de ce derby qui devrait déplacer la foule des grands jours dans le vilain Stade de la Praille, CartonRouge.ch a eu la bonne idée de réunir les présidents de ces deux équipes, qui ont une vision diamétralement opposée de leur formation et de leur avenir respectif. Nous avons donc invité Majid Collet, président du Lausanne FC, et Jean-François Pishyar, qui préside aux destinées du Servette-Sport, pour l’apéro aux alentours de Nyon (et accessoirement, on s’est tirés dans la foulée à Genève pour tenter de trouver une place de parc pas trop loin du stade). Interview exclusive !

Majid, Jean-François, que vous inspire ce derby ?

Majid Collet : C’est vraiment génial pour le football romand. Ces deux équipes historiques en haut du tableau, cela prouve qu’il y a un vrai potentiel financier dans le coin. Mais c’est dommage, j’ai demandé à Jean-François de déplacer le match ici, à Nyon, pour pouvoir économiser un peu en essence parce que le trajet est long jusqu’à Genève… On est en Challenge League, il faut garder les pieds sur terre ! Au moins, avec Young Boys on pouvait discuter.

Jean-François Pishyar : Pfff… Cela fait tellement longtemps que j’attendais un tel moment. Personnellement, j’avais appelé Arsène Wenger pour savoir s’il pouvait nous louer l’Emirates, mais malheureusement, Arsenal joue samedi après-midi et cela n’a pas pu se faire. J’ai aussi essayé de nous faire prêter l’Estádio da Luz, mais on ne pouvait pas déplacer cette enceinte dans les délais. Le partenariat avec Benfica n’a finalement pas que du bon.

Qui est le favori de cette rencontre à votre avis ?

Majid Collet : On joue quasiment tous les trois jours depuis le mois de juillet et nous allons bien finir par le payer un jour… On ne peut pas privilégier le match à Palerme, à Langenthal ou à Genève. On fait avec nos petits moyens et on prend match après match. Par exemple, à Palerme on doit y aller en char à voiles, sinon ça ne rentre pas dans notre budget. Par rapport aux Genevois qui roulent sur l’or… Pffff ! Je me rappelle d’un de leurs présidents qui avait décidé de mettre 22 millions dans le centre de formation et dix pour finir le stade grâce à des puits de pétrole, nous sommes à des années lumières d’eux en termes de moyens.

Jean-François Pishyar (qui s’allume un gros cigare et nous en propose un) : Nous qui avons l’ambition d’aller défier les grands d’Europe dans les trois ans, nous sommes clairement les favoris. En plus, nous avons le meilleur entraîneur du monde. Vous saviez que c’est lui qui a tout appris à José Mourinho ? Si je n’étais pas sûr de moi, je n’aurais pas placardé partout en ville de Genève nos bobines avec le slogan : «Objectif Super League». Bon ça va, ça ne m’a coûté que 2 millions de francs, mais je serai remboursé le jour où je verrai le Servette-Sport en Ligue des Champions.

Plus que les résultats sportifs, c’est une vraie opération reconquête de publics déçus, non ?

Majid Collet : Ah oui, c’est sûr ! Quand on voit que seule une centaine de Lausannois avait fait le déplacement à Berne pour un quart de finale de Coupe de Suisse et que là on a réussi à en amener plus de 11’000 à la Pontaise, c’est une vraie réussite. Le lifting de la Pontaise n’y est d’ailleurs pas étranger. Le Stade Olympique est aujourd’hui un vrai lieu de vie. Les files aux guichets sont fluides, les buvettes tournent très bien, la restauration est exemplaire. Il y a même des gens qui chantent de temps en temps. Mieux : nous avons même eu plus de dix degrés une fois en août aux Plaines-du-Loup ! Non, vraiment, on nage dans le confort et c’est ça qui fait revenir les gens.

Jean-François Pishyar (il commence à être bourré) : Moi qui sors plus d’un million par mois pour cette bande d’ingrats !! Euh pardon… Je voulais dire : j’ai tout fait pour rendre la Praille aux Genevois. Pour amuser les petits et les grands, j’ai même engagé Ronald McDonald pour faire des apparitions au stade et divertir les journalistes lors des conférences de presse. Bon, il s’est avéré que c’était un Ecossais et qu’il s’appelait Rob en fait… Mais il fait quand même bien rire les reporters, alors je l’ai gardé. A 20’000 balles par mois, c’est cadeau.

Qu’avez-vous promis à vos joueurs en cas de victoire ?

Majid Collet : Ah vous savez, au LS un franc est un franc. Pas de folie donc ! On leur a quand même promis de doubler la prime de victoire, qui passera de 50 à 100 francs pour les 11 titulaires (les remplaçants se contenteront d’une entrée gratuite aux Bains de Saillon) ainsi qu’un nouveau training de notre sponsor SportX.
Jean-François Pishyar (qui, ivre, commande un magnum de Dom Pérignon) : En cas de victoire ? On va gagner, point final, on est 100 fois supérieurs à cette équipe de campagne. J’ai déjà réservé la meilleure table du Java samedi soir et les limousines pour amener les joueurs et le staff. Moi j’irai en hélico. Quant à la prime de victoire, ce ne sera exceptionnellement pas de l’argent, mais une Mercedes SL pour chacun des 33 joueurs de notre contingent !

Donc l’objectif, c’est clairement la montée ?

Majid Collet : Oui et non mais plutôt oui. Déjà l’année passée, nous étions dans cette optique. Malheureusement, pour améliorer notre contingent, on avait décidé de vendre notre meilleur joueur Antoine Rey. Je sais pas pourquoi ça n’a pas fonctionné, le football n’est pas toujours logique.
Jean-François Pishyar (qui vient de payer une tournée à tout le bistrot et débauché le serveur pour le secteur VIP de la Praille, parce qu’il trouvait qu’il avait une bonne tête) : Obligé ! Si j’ai même réussi à l’Admira Wacker, c’est que c’est possible. Cette année on monte, la saison prochaine on est champions et celle d’après on explose Barcelone et Chelsea à la Praille, qu’on agrandira peut-être à 50’000 places. A moins qu’on joue nos matches à domicile au Stade de France !

Que souhaitez-vous à votre opposant ?

Majid Collet : Moi j’aimerais juste demander à Jean-François s’il souhaite inverser le match retour en championnat. Lui pourra recevoir et nous venir gagner à Genève tout en encaissant une recette supérieure…

Jean-François Pishyar : Moi j’ai envie de demander au Lausanne FC s’il souhaite, quand on sera en Super League, devenir notre club-ferme. Ça marche tellement bien au hockey et entre Benfica, l’Admira Wacker et nous, que je pensais qu’on pourrait faire pareil.
Photos J.F. Collet + équipe de Servette de Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch