Unser Ottmar, conclusion : juste un problème culturel

Il est temps d’essayer de faire la synthèse de notre longue discussion au sujet d’Ottmar Hitzfeld, sélectionneur de l’équipe de Suisse. Ne serait-ce que pour recentrer le débat.

Premièrement, si je vous ai donné l’impression que je voulais tirer à boulets rouges sur l’Allemand, cela n’était pas le but. Hitzfeld est un grand entraîneur et rien n’est moins sûr qu’un autre que lui ferait mieux avec les joueurs à disposition. L’exercice était uniquement celui-ci : poser des questions précises, après deux ans de règne du sélectionneur, sur des aspects particuliers.En cherchant à synthétiser, nous avons vu qu’en l’absence d’un contre-pouvoir – par choix ou par manque de caractère dans l’équipe –, Hitzfeld était peut-être à ce moment un mauvais choix pour la Suisse, parce que trop impressionnant pour permettre l’instauration d’une discussion (comprenez contradiction) au sein du groupe.
Sa personnalité même, à laquelle s’ajoutent celles de son staff et de tout l’ASF, ne fait rien pour favoriser une certaine joie de vivre dans le groupe. Or, comme son approche tactique est elle aussi rigide et stricte, la Suisse ne peut compenser son déficit technique par le grain de folie et de créativité qui lui serait nécessaire.

La plus grande réussite de l’Allemand est d’avoir donné à la Suisse une rigueur défensive qui peut faire envie à bien des grandes nations, et cela en étant privé la plupart du temps de ses deux meilleurs centraux (Senderos et Djourou). On reconnaît bien là la patte du fin tacticien qu’il est. Il a cependant commis plusieurs grosses erreurs de coaching, que ce soit en match ou avant les rencontres, et n’a pas toujours été aussi fin psychologue qu’on pouvait l’attendre. Provoquant plusieurs malaises dans l’effectif.
Finalement, tenter de comprendre Hitzfeld et l’équipe de Suisse passe forcément par l’évocation, même de manière totalement imaginaire, de ce qui peut se tramer en coulisses, dans les hautes sphères des décideurs. Lesquels ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.
J’espère en tout cas que ce tour d’horizon vous aura intéressé et permis de vous poser quelques questions, peut-être d’autres questions que celles que vous vous posiez sûrement déjà. N’oublions cependant pas une chose : la Suisse est et restera un petit pays du football.
Dans ce contexte, le bilan de Hitzfeld n’a rien de catastrophique. Une qualification directe pour la Coupe du Monde 2010 (ceux qui me cassent les c… en me disant que c’était le groupe le plus faible de l’histoire peuvent cliquer ici). Un Mondial certes manqué mais de pas beaucoup (si Derdiyok avait marqué contre le Chili à la 90e, Hitzfeld aurait été le roi du pays). Une campagne pour l’Euro 2012 qui a surtout connu un point noir : la défaite au Monténégro.

Ce qui peut arriver. Cela fait simplement depuis les éliminatoires de l’Euro 2004 que l’on avait perdu l’habitude de rater ces matches-la. Si la Suisse s’incline à Wembley puis bat le Monténégro, la Bulgarie et le Pays de Galles mais ne termine que troisième du groupe, peut-on vraiment le considérer comme un échec ?
Je reprends le commentaire de Com après le premier volet de cette série (je n’ai pas vérifié mais je lui fais confiance) : la Suisse est avec l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la France, le Portugal et l’Espagne, la seule nation à avoir été présente à chaque fois en phase finale entre 2004 et 2010. Plutôt flatteur.
Je peux tout à fait accepter un échec dans la course à l’Ukraine et la Pologne. J’ai en revanche plus de mal avec la manière. Pas tant dans le jeu, mais dans l’état d’esprit. Je voudrais tellement que les joueurs arrêtent de se prendre la tête. Qu’ils retrouvent le plaisir d’être internationaux. Je voudrais tellement que Hitzfeld, quand il introduit un remplaçant, lui donne cette simple consigne : «Vas-y, fous la merde !»
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch


Si tu as manqué le début :

Unser Ottmar, Teil 1 : une erreur de casting Unser Ottmar, Teil 2 : «Cette tristesse aride qui naît de l’isolement»* Unser Ottmar, Teil 3 : pour un fin tacticien… Unser Ottmar, Teil 4 : the Nati is brought to you by…

Écrit par Psyko Franco

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7 Commentaires

  1. Très bien tout ça, je dis pas que j’agrée à tout mais y a le fond, les arguments et une forme directe et relâchée plutôt agréable.

    Ceci dit, ‘est pas très malin d’utiliser le m^me exemple à la radio et sur un site où on écrit sous pseudo… Merci bien pour ce texte en attendant, à la prochaine!

  2. Comme Epi, j’écoute aussi la radio… Jolie surprise, un journaliste « officiel » écrit dans CR ! C’est peut-être pour ça que ses articles sont si bons ?

  3. J’ai bien aimé ces articles, tout particulièrement cette conclusion qui tempère un peu le propos. Je ne cache pas qu’après le premier volet, j’étais franchement sceptique. Mais la qualité de l’argumentation et l’angle d’approche très large m’ont semblé de plus en plus convaincants au fur et à mesure de l’avancement de cette véritable saga ^^. Sérieusement.

    Ceci dit, de mon point de vue, qui n’a pas véritablement changé (CF commentaire après le Teil 1), si l’état d’esprit a souvent été déplorable (le frein à main tiré, la peur au ventre, le peu de créativité et de « folie », d’accord avec toi sur ces points), j’ai tendance à penser que c’est avant tout en raison de la faiblesse des joueurs.

    Je ne vois pas vraiment comment la Suisse pourrait avancer sans une assise de fer derrière (et en fonction des joueurs à disposition, Hitzfeld a très, très bien géré cet aspect, on est d’accord) car devant… C’est le désert. Or, si l’aspect défensif a été si bien mis en place, c’est aussi grâce à deux milieux axiaux à vocation essentiellement défensive, qui ne sont pas de nature à amener une grande créativité. Inler souvent intraitable défensivement, mais pas besoin d’être devin pour comprendre qu’il ne sera jamais un « numéro 10 », un créateur, précisément.

    Je ne vois pas quel joueur suisse est caractérisé par sa « folie », exception faite de l’homme de verre Behrami, voire de Lichsteiner, qui ont systématiquement été alignés quand ils étaient disponibles… D’ailleurs, en l’occurence, la « folie » de Behrami nous a coûté très cher contre le Chili. On pourrait éventuellement penser à Dzemaili, mais il n’a pas souvent été valide. Ceux qui ont peut-être le caractère n’ont pas le niveau, je pense, par exemple à Regazzoni (bonne blague) et ceux qui ont peut-être le niveau n’ont pas le caractère, Margairaz par exemple. Yakin n’est pas vraiment une solution d’avenir, je pense que personne ne me contredira.

    Si le jeu est aussi pauvre, et même si j’adhère aux critiques s’adressant au système de jeu, c’est sans doute à cause du manque d’alchimie au sein de l’équipe. Le tandem Frei-Streller avait probablement été maintenu à ce titre, et la continuité dans le système de jeu visait probablement à donner des repères au groupe sur lequel s’appuie Hitzfeld.

    Je te suis très reconnaissant de remarquer que le mondial 2010 n’a pas été très loin d’être une réussite… au contraire de 2008. Ok, match pitoyable contre le Honduras, mais était-ce vraiment une surprise, et en cas de résultat différent face au Chili, qu’en aurait-il été? Spéculations que tout cela.

    Néanmoins à aucun moment je ne regretterai Trossero, Jorge ou même Kuhn (dont la gestion de l’euro 2008 m’est restée en travers de la gorge, sans vouloir insister lourdement). On a jamais eu un tacticien de cette qualité, et il a été…. entraîneur toute sa carrière et non pas sélectionneur. Laissons-lui le temps d’apprendre de ses erreurs à ce niveau, même si « il coûte cher » et même si « il est pas souriant ». Loin de moi l’idée de nier certaines erreurs d’Hitzeld, parfaitement relatées dans ces articles.

    Ceci dit, bien que très probablement minoritaire, je suis d’avis qu’il serait difficile de trouver un entraîneur plus adapté (je ne crois pas du tout à l’argument selon lequel la personnalité d’Hitzfeld écraserait la créativité des joueurs, parce que…. de quelle créativité parle-t-on?) et j’ai accueilli la prolongation de son contrat comme une bonne nouvelle. Je ne comprends absolument pas la vague de critiques qui appellent à la démission d’Ottmar. Ce n’est pas Gottmar, certes, mais je ne vois pas qui aurait mieux géré ce groupe limité et certains de ses cadres vieillissants ou dotés de peu de volonté.

    N’oublions pas d’où on vient (les tréfonds du classement FIFA!), ni les années exceptionnelles qui ont précédé, comme très justement relevé dans cet article! Maintenant qu’on va très certainement passer à côté de la Pologne et de l’Ukraine (tant pis pour les filles de joie), Hitzfeld aura l’occasion d’expérimenter. Si au terme de cette période de reconstruction le projet de jeu n’a pas avancé, alors on pourra demander à grand cris la démission de Hitzeld et pleurnicher en pensant à Roy Hodgson. Mais à l’heure actuelle, ça me semble prématuré, in-con-scient et in-con-séquent, con tout cours en fait, remarque adressée aux pleureuses habituelles. Car Hitzeld a de mon point de vue sélectionné les meilleurs éléments à disposition, et c’est principalement ce que j’attends d’un sélectionneur même si la gestion du groupe aurait sans aucun doute pu être meilleure.

    Mais je ne prétends pas savoir mieux que les autres et cet avis n’engage que moi.

  4. @ Lüd Van+Kha

    Tout a fait d’accord avec ton analyse. Hitzfeld peut continuer a apporter beacoup à cette équipe nationale. Beaucoup plus que Frei et Streller!

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