Quand le verrou ne veut pas sauter

«Si on avait voulu couper les pattes du FC Sion, je pense que c’était le meilleur moyen de s’y prendre. Malheureusement pour eux, on est forts, on est costauds et on sait où on veut aller», lâchait intelligemment Laurent Roussey au terme du match à Bâle. Autre match, autre confirmation et même contexte.

17 heures 44 et 58 secondes au Totomat. Les secondes se figent. D’un geste subtil et décisif, le sifflet s’approche de la bouche arbitrale. Roussey tremble. Un officiel lui confirme par oreillette que, cette fois-ci, aucun fax n’est arrivé. L’entraîneur français renvoie en tribunes les 5 équipes de jeunes, le facteur de Sembrancher et les banquiers d’Isérables prêts à rentrer en jeu. Les Séduois sont soulagés, les nouveaux peuvent jouer.

La «chance» du remplaçant

Mais un autre tremblement de terre venait néanmoins secouer l’avant-match. Fickentscher allait en effet reléguer sur le banc celui qui fut longtemps considéré comme le meilleur gardien de ce championnat. Et le moins que l’on puisse dire est que les débuts de son remplaçant furent plutôt compliqués. Dès la 4e minute de jeu, il laissa échapper le ballon au terme d’une sortie hasardeuse qui ne saurait être excusée par un léger contact. Ses défenseurs spéculèrent plus sur l’intox d’une faute trop évidente pour poursuivre leur action que sur un potentiel sauvetage in extremis. La messe était déjà partiellement dite, rappelant à quel point en football rien n’est acquis et à quel point le rôle de gardien est cruel. Car il faut bien le dire, le poste semblait le mieux à même de faire gagner des points à cette équipe. Mais plusieurs erreurs individuelles auront au contraire pesé lourd dans la balance. Choix sportif résultant de moins bons matchs du titulaire, choix tactique visant à le mettre au repos ou départ imminent… Les spéculations vont bon train.
Toujours est-il que les Sédunois débutaient leur match de la pire des manières. Ils se devaient dès lors de relever la tête afin de ne pas lancer une mauvaise dynamique à l’entame de leurs futures semaines anglaises. Mais face au béton lucernois, la mission allait s’avérer délicate.

Une partie de power-play

Car les Lucernois ont expliqué de plutôt belle manière les raisons de leur seul but encaissé depuis le début de l’année. Même réduits à 10 depuis la 37e, la famille Yakin aura trop bien maîtrisé son sujet. Malgré un jeu de power-play installé jusqu’au terme du match, les Sédunois ne parvinrent en effet pas à faire bouger le bloc lucernois. Ils buttèrent sur une trop bonne organisation tactique dans les 30 derniers mètres et manquèrent toutes les opportunités qui allaient tout de même se présenter. À Tourbillon, le scénario ne surprend plus. L’ancien leader allait encore se permettre le luxe de spéculer sur plusieurs contre-attaques meurtrières. Grâce aux nombreux espaces laissés par les multiples offensives valaisannes et de trop nombreux ballons perdus à mi-terrain, les Lucernois se montrèrent même beaucoup plus percutants que leurs homologues dans la phase offensive. C’est ainsi qu’à 11 contre 10, le match aurait pu tourner d’un côté comme de l’autre.

Une tête en or

Mais l’égalisation semblait également écrite. Car à l’heure actuelle, il ne s’agit plus de savoir si Vanczak ira de son but, mais plutôt de parier sur la minute. Et le numéro gagnant du jour fut le 63. Le gradin nord scanda son nom sur de nombreuses balles arrêtées et il s’imposa de la mêlée comme à l’accoutumée. Plus les buts se suivent, plus l’exploit devient difficile à répéter. Mais pour l’heure, personne ne lui résiste. Même aidé des bras et des poings, Zibung aura encore dû s’arracher par la suite afin d’éviter le pire. Si le super guerrier sauve clairement les meubles depuis le début du championnat, on ne saurait cependant se voiler la face devant les problèmes offensifs du club. Dans le jeu, les Sédunois auront surtout dû se contenter de frappes lointaines, à l’image du gros tir de Feindouno et des nombreuses tentatives de Mutsch. Malheureusement et malgré quelques intéressantes actions au cours de la seconde période, seules les balles arrêtées auront véritablement pu semer la panique dans les rangs lucernois. La déviation à bout portant, la frappe en pivot et le tir d’Afonso, ainsi que la bicyclette et le coup de tête de Sio auront tous manqué d’un brin de killer instinct. Les statistiques peuvent rassurer, mais sont trompeuses. Le problème pourchasse le FC Sion depuis le début du championnat. Sur 9 goals en 5 matchs, plus de la moitié d’entre eux furent inscrits de la tête des défenseurs et le meilleur buteur du club s’appelle Vanczak. Que sa femme prenne soin de sa tête…

Nouvelles recrues et déception

Il serait certainement trop léger d’en tirer un parallèle direct, mais force est de constater que les nouvelles recrues sont là et que la qualité de jeu n’a jamais été aussi mauvaise. En manque de temps de jeu, les nouveaux doivent prendre leurs repères et au niveau de l’équipe, des automatismes doivent encore se faire. Si l’on ajoute à cela des adversaires extrêmement bien en place, faisant le bloc et dans le haut du classement, il serait injuste de faire porter aux nouveaux venus l’entière responsabilité d’un jeu en régression.  Quoi qu’il en soit, armé des nouvelles recrues et plus d’une mi-temps à 11 contre 10, le résultat n’en demeure pas moins décevant.
Doté d’une grande aisance technique, Feindouno aura montré son potentiel sans forcément pouvoir le mettre au service de l’équipe. Il aura systématiquement cherché la passe décisive en début de match, donnant lieu à de lourdes contre-attaques. De son côté, Gabri aura fait le job en se montrant beaucoup plus sobre, mais peut-être un peu trop discret. À la grande surprise de tous, Mutsch fut peut-être le plus convaincant des trois nouveaux. Il aura d’emblée montré  ses intentions avec un gros tacle lâché à mi-terrain et un centre-tir qui aurait pu faire mouche après moins de 2 minutes de jeu. Une action à l’image d’un match extrêmement engagé, malgré des centres encore à travailler.

Des débuts mal payés

Que ce soit face à Zurich, Bâle, YB ou Lucerne, les Sédunois se sont montrés en mesure de surpasser les plus grands avec une constance retrouvée. Mais au final, la réalité chiffrée ne se monte qu’à 5 petits points sur les 12 qui auraient dû être engrangés au vu de la physionomie de ces matchs. Elle peut faire mal au moral si l’on songe aux efforts consentis. L’équipe fait plaisir à voir, mais il manque encore ce petit brin de détermination et de confiance supplémentaires dans les 16 derniers mètres. Un infime détail qui pourrait faire toute la différence, mais qui risque d’être difficile à corriger face au très grand Celtic…

FC Sion – FC Lucerne 1-1 (0-1)

Tourbillon, 13’200 spectateurs.
Arbitre : M. Gremaud.
Buts : 5e Winter  0-1. 64e Vanczak 1-1.
FC Sion : Fickentscher; Vanczak, Adailton (58e Afonso), Dingsdag, Bühler; Serey Die; Obradovic, Mutsch; Feindouno (73e Zambrella); Sio, Prijovic (46e Gabri).
FC Lucerne : Zibung; Thiesson, Sarr, Puljic, Lustenberger; Renggli, Kukeli; Winter (64e Wiss), Hochstrasser, Ferreira (84e Kryeziu); Yakin (55e Hyka).
Cartons jaunes : 23e Kukeli. 26e Mutsch. 30e Puljic. 31e Obradovic. 35e Bühler. 36e Dingsdag. 68e Thiesson.
Carton rouge : 37e Puljic.

Écrit par Eric M.