«Në malet tona, kur dielli…»*

Ça y est ! A moins d’un cataclysme, ou d’un très mauvais sort aux barrages, l’équipe de Suisse va donc se qualifier pour l’Euro 2012 de football. A l’heure où Federer soulève plus souvent ses mioches que des trophées, où Xamax est en passe de devenir genevois et où Steve Jobs a quitté Apple, reconnais que ça met quand même du baume au cœur de voir la Nati redorer son blason ! Mais quel blason, en fait ?

Un brillant réveil

Elle l’a donc fait ! Après un timide début de campagne, notre fière équipe nationale a finalement réussi à renverser la vapeur, et va arracher sans trop de problème la deuxième place du groupe, synonyme de barrages. Objectif qui aurait d’ailleurs été atteint même avec une défaite face à la Bulgarie (ou une défaite à Cardiff, comme tu préfères), tant la nullité de l’équipe du Monténégro semble incurable à court terme. Yodlons en cœur !
A en croire ce qu’on a entendu ces derniers mois aux quatre coins du pays, ce réveil relève toutefois du miracle. Cette année, en effet, la presse helvétique nous a inlassablement bassinés avec des fatalités dignes du triste voisin de l’Ouest : «l’heure est à la reconstruction», «tout est perdu», «vive le hockey», etc. Et là, quoi ? Hitzfeld et ses joyeux lurons seraient de retour aux affaires ? Les médias suisses, romands en particulier, auraient-ils trop hâtivement peint le diable sur la muraille ? Se seraient-ils trompés ? Se poser la question, c’est y répondre.
En fait, si l’on regarde tout cela d’un peu plus près, on se rend compte que la problématique ne se limite pas à un simple pessimisme helvétique (pléonasme). A trop vouloir la tête d’Hitzfeld, à trop prôner le changement à tout prix, les grands esprits de notre nation ont en effet mené une véritable campagne anti-Nati, entamée concrètement au terme de la défaite à Podgorica : dramatisation, désunification, tout y était pour décourager même le plus fervent des Uranais. Seuls deux petits matches avaient pourtant été joués, et les exploits monténégrins faisaient davantage penser à un vulgaire feu de paille qu’à une machine de guerre. Les conséquences de ce complot, tu les connais : départs de Frei et Streller, moral de l’équipe en berne et manque de soutien populaire. La faute à qui ?

Les beautés de la patrie

Si l’opinion publique à l’égard de l’équipe de Suisse s’est à tel point dégradée ces derniers mois, c’est donc en grande partie à cause des penseurs les plus influents de certains grands périodiques dont nous tairons ici les noms. Pourquoi ? Pourquoi avoir mis une telle pression sur ce groupe et son entraîneur dès les premiers matches, pourquoi ne lui avoir pas laissé le bénéfice du doute dans les moments délicats, pourquoi une telle impatience et une telle intolérance ?
Pour trouver une explication il faut remonter quelques années en arrière, c’est-à-dire jusqu’en automne 2002. A cette époque, un renouveau s’annonce dans le football helvétique : les efforts consentis par l’Association Suisse de Football en terme de formation commence enfin à porter leurs fruits (titre européen pour les M17), Bâle tient tête aux grosses cylindrées de la Ligue des Champions et de nouvelles naturalisations émergent. L’équipe nationale, nouvellement dirigée par Köbi Kuhn, suit logiquement le mouvement de cette spirale positive et se qualifie coup sur coup pour l’Euro 2004 et la Coupe du Monde 2006, où elle atteint brillamment les 1/8èmes de finale, avant d’organiser l’Euro 2008. Puis Hitzfeld arrive, et le succès continue : qualification pour la Coupe du Monde 2010, tandis que les jeunes continuent à flamber (les M17 champions du monde en 2009, les M21 finalistes de l’Euro en 2011) et que les clubs suisses se qualifient régulièrement pour la Ligue des Champions. Une génération dorée pour notre petit pays, dont l’effet pervers était inévitable : des bons résultats découlent trop souvent des attentes trop élevées.
Voilà comment le football suisse est tombé dans son propre piège. Son public, accoutumé au succès, s’est progressivement créé une constante insatisfaction et ne lui pardonne désormais plus rien. Il a oublié que de 1954 à 1994 la Nati n’a participé qu’à deux Coupes du Monde sans savoir à quoi ressemblait un Euro, il a oublié que la Suisse était un petit pays, il a oublié l’humilité qui a fait sa force lors de la dernière décennie. Et pourtant, l’équipe a tenu bon. Tous ces bien-pensants qui ont incendié Hitzfeld et son groupe ces derniers temps se sont tout simplement plantés, tant sur le fond que sur la forme, heureusement sans conséquence ; il est maintenant temps pour eux de prendre leurs responsabilités en allant dispenser leur science sous d’autres latitudes.

Les accents d’un coeur

Certes, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’équipe de Suisse actuelle, que certains considèrent comme la meilleure de tous les temps sur le papier, n’apparaît pas forcément flamboyante à quiconque regarderait jouer le FC Barcelone deux fois par semaine, et les miracles d’Hitzfeld se font toujours attendre. Il n’empêche que les faits sont là : seuls six pays européens ont réussi à se qualifier à toutes les grandes compétitions depuis 2004, et la Suisse en fait partie. Et lorsqu’on jette un œil au tirage au sort des qualifications pour la Coupe du Monde 2014, on ne peut s’empêcher de penser que la série pourrait bien se prolonger encore un peu.
Afin d’aller de l’avant, afin de continuer à tenir tête aux meilleurs comme elle l’a si brillamment fait à Wembley ou face à l’Espagne entre autres, la Nati a besoin de retrouver la confiance et la fierté de son public. Celui-ci doit faire le deuil de ses fantasmes de titre mondial et l’accepter telle qu’elle est, avec ses différents accents, ses forces et ses faiblesses. En un mot, il doit se réidentifier à une équipe qui n’attend que ça. Et si vraiment un jour la Suisse doit renverser des montagnes, c’est dans l’unité et l’humilité qu’elle le fera.
Cher lecteur, n’écoute pas les autoproclamés illuminés qui prétendent le contraire : ta Suisse va bien ! Elle te pardonne tes infidélités de ces derniers temps, mais te demande une chose en échange : détourne-toi des siffleurs, moqueurs et autres persécuteurs qui tentent de la salir, et sois fier de ton équipe. Le 11 octobre face au Monténégro, puis en novembre lors des barrages, elle aura plus que jamais besoin de toi ! Quant aux opportunistes du dimanche, qu’ils aillent faire un tour de l’autre côté de la frontière : il se murmure que les Bleus recrutent, eux aussi. On se retrouvera en juin 2012.
* «Sur nos monts, quand le soleil…» en albanais.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Raphi Stollé

Commentaires Facebook

12 Commentaires

  1. Rien à dire sur cet article, parfait! Seulement, maintenant, je te souhaite qu’ils réussissent, car il reste 2 matchs quand même. A ce moment-là, tu pourras triompher!

  2. ‘ part ça, le début de campagne raté, les critiques toussa toussa pour arriver au départ de Frei et Streller, c’est sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver à cette équipe.

    On voit bien aujourd’hui que l’absence du melon surdimensionné et du double pied carré est tout ce qu’il y a de plus bénéfique.

    HOPP SUISSE nom de bleu !

  3. je me joins à l’erection générale les amis et je partage aussi en grande partie l’analyse.

    Pour ma part, c’est plutôt le départ tant attendu de l’ancienne garde de l’équipe nationale qui m’a fait revenir au stade contre la bulgarie.
    Et le pur oppurtunisme du chacal bien entendu.

    hop schwiiz et tout le tralala et tous au stade !

  4. L’allusion sur Federer est totalement déplacée et facile après presque une décennie dans les 3 premiers du classement mondial et vu le niveau du tennis actuel. Mais après le passage de votre rédacteur sur la Télé, on a pu voir que vous aviez les dents longues…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.