Sacha Weibel est là où il voulait être

S’il existait le Trophée Calder de l’absurde, Sacha Weibel l’emporterait aisément. N’étant qu’une récompense virtuelle, l’ancien numéro 85 du LHC se contentera du Pigeon d’Or de mars. Au sein d’une sélection particulièrement relevée, Sacha Weibel a fait valoir ses qualités d’antipathie, de déclarations à l’emporte-pièce et de manque de considération envers les adversaires du LHC de même que ses propres partisans. Un effort respectable qui le propulse à la première place de l’élection avec 22.3% des suffrages. Mais le combat fut rude !

Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie des supporters du LHC qui ne finiront sans doute jamais d’avaler des boas constrictors cul sec, le Lausanne Hockey Club n’avait jamais été aussi proche de l’élite depuis sa culbute en 2005. Kevin Lötscher était alors passé par là, à moins de trois minutes du terme de la rencontre numéro 7 disputée au Eisstadion. Dans la continuité d’un travail de longue haleine reposant sur les concepts essentiels de stabilité et de régularité, Barry Alter, le boss fantôme du club lausannois, décide de congédier l’intégralité du conseil d’administration et remplace Gérard Scheidegger par l’ancien joueur du LHC Sacha Weibel, lequel ne possède bien évidemment aucune expérience dans ce type de poste. Nous avons donc cru au début à une bonne vieille blague ! Le rire a pourtant méchamment viré au jaune lorsque la nouvelle fut confirmée lors d’une conférence de presse organisée en grande pompe (manquait juste les putes).

Au cours de cette fameuse conférence, il a bien fallu essayer de comprendre. À la question «mais pourquoi diable Sacha Weibel à ce poste ?», un Barry Alter un poil gêné s’est contenté de répondre laconiquement qu’il mène avec succès la gestion d’un restaurant. Élémentaire et ô combien comparable ! On se demande d’ailleurs toujours pourquoi Wayne Gretzky s’est planté dans sa reconversion dans le coaching alors que McSorley y excelle, toutes proportions gardées. Pis bon, McSorley, lui, il a ouvert son resto après… Dans une atmosphère teintée de perplexité, personne n’osait se demander si cet argument choc avait une once de crédibilité. L’ami Sacha allait-il être vraiment capable de concocter la meilleure recette pour mener le club de Malley en LNA ?
Moins d’un an plus tard, l’échec est cuisant. Non seulement le LHC milite toujours en Ligue Nationale B, mais il a en plus perdu son titre de champion LNB, une partie de ses spectateurs courroucés par l’attitude de son directoire ainsi que ses illusions. Ce n’est plus un secret, le Lausanne Hockey Club est devenu un sketch se déclinant en plusieurs épisodes dont Sacha Weibel est la malheureuse marionnette principale. En guise d’amuse-gueule, voici quelques exemples dont la liste est loin d’être exhaustive :
Épisode arrogance : le début de saison. Afin de bomber le torse d’emblée et d’être certain qu’aucun retour de manivelle ne sera pris en pleine poire en cas de fiasco, le club vaudois décide d’appliquer la méthode Pishyar. De grands panneaux estampillés «objectif LNA» ont garni les travées de Malley, provoquant un certain malaise chez les amoureux du club. Annoncer ses ambitions, d’accord, mais il reste la manière. Sur ce coup, Weibel aurait eu mieux fait de la mettre en veilleuse car Dieu que le LHC a l’air con.
Épisode arrogance bis : le LHC, cible privilégiée. Le Golden Boy du LHC l’affirmait tout de go : «nos adversaires sont toujours archi-motivés contre nous car Lausanne est l’équipe à battre. Chaque équipe rêve de gagner contre nous». Ah ces sparring-partners sont vraiment ingrats. En particulier Viège qui a eu l’insolence de battre le maître en 4 matches secs. En tout cas, ce fut une belle marque de respect envers les autres clubs, surtout ceux qui se sont montrés supérieurs aux Lions au cours de la saison. Et ils sont nombreux.
Épisode naïveté : là aussi, Sacha Weibel et ses sbires se sont vautrés en beauté. «Pas de problème au niveau de l’effectif, nous allons nous renforcer en cours de saison par la venue de joueurs de LNA en provenance de Genève et d’ailleurs.» Le hic, c’est que l’infirmerie des Vernets fut plutôt bien remplie et que ces hypothétiques renforts, hormis Florian Conz, ne sont jamais venus. Eh oui Sacha, le Père Noël n’existe pas.
Épisode navigation par sextant martien : avant le début des play-off, en dépit des performances sportives bien en-deçà des attentes, cette phrase surréaliste est soudainement apparue : «On est exactement là où on voulait être». Vis-à-vis des sponsors et des spectateurs, le message est très judicieux. Et quoi de tel que de s’auto-saborder en saison régulière pour ne surtout pas trouver l’alignement et les automatismes nécessaires. Prononcée par l’entraîneur John van Boxmeer et cautionnée par le Steve McQueen de Malley, cette diatribe doit encore résonner très fort dans les bureaux du club.

Épisode éléments virtuels : autre décision géniale de Sacha Weibel, singer la méthode servettienne consistant à prendre en compte les détenteurs d’abonnements même si ces derniers sont absents dans la détermination du nombre de spectateurs. Même si la baisse des affluences est criarde, le décompte sera forcément plus haut que la saison passée, de quoi justifier toutes les décisions prises par notre golfeur préféré et prouver que le LHC «est un bon produit». Bien joué Sacha.
Épisode vache à lait : comble de malchance, le brillant DG de Malley a eu l’idée de majorer les prix des places debout à un niveau indécent en play-off. Heureusement que le LHC n’est pas allé en barrage de promotion, à 35 balles la demi-marche pour voir un seul des deux buts, ça coûte cher ! Pas dupes, les supporters lausannois ont boudé les séries, faute de moyens également, avec à la clé l’affluence misérable de 5’265 pelés lors de l’acte I de la finale. Du coup, la baisse de spectateurs en play-off par rapport à la saison dernière fut remarquable. Moins bien joué Sacha, en dépit d’un poignant mea-culpa.
Bref, pour toutes ces raisons et pour toutes celles qu’on a oubliées, le Silvio Calderari des temps modernes reçoit donc le

Pigeon d’Or de mars

Sacha Weibel rejoint ainsi Fabio Celestini et Massimo Busacca à la grande finale de fin d’année. Si le LHC continue dans la voie des promesses non-tenues et de la communication foireuse, nul doute qu’il sera un sérieux prétendant à la victoire finale ! Un peu comme le LHC chaque début de saison…
Pigeon d’Or de mars – classement final :
1. Sacha Weibel : 161 votes – 22.3 %
2. Ottmar Hitzfeld : 146 votes – 20.2 %
3. Mario Balotelli : 140 votes – 19.4 %
4. Jan Alston : 111 votes – 15.4 %
5. Christian Maillard : 110 votes – 15.2 %
6. Louis van Gaal : 29 votes – 4 %
7. Pierre-Alain Ançay : 25 votes – 3.5 %
Nombre de votes : 722

Écrit par Alexandre Krimine (texte) et Robert Johanson (dessin)