180° Sud, partie 8 : le déclin

La situation des Whalers d’Hartford n’était d’emblée pas favorable après l’introduction de l’équipe dans la Ligue nationale de hockey suite à la débâcle de l’Association mondiale de hockey. Coincée entre les marchés de Boston, New York et New Jersey, la franchise du Connecticut a eu une peine immense à se développer et à construire une formation à succès.

Avec une capacité de moins de 16’000 places, l’ancien Civic Center d’Hartford a toujours représenté un problème, d’autant plus que son accès était loin d’être optimal. Durant les années quatre-vingt, les Whalers parvenaient encore à enregistrer sporadiquement des saisons intéressantes, mais certains échanges malheureux plombèrent net les perspectives de l’équipe ; en 1991, le pire d’entre eux a impliqué l’envoi de Ron Francis à Pittsburgh, lequel remporta dans la foulée la Coupe Stanley avec les Penguins. Quatre ans plus tard, l’échange entre Shanahan et Pronger fut tout aussi désastreux. Démotivé à l’idée d’évoluer dans une équipe ne présentant aucun potentiel, Brendan Shanahan avait émis le souhait d’aller voir ailleurs s’il y était. Il fut alors envoyé à Detroit en 1996 contre Keith Primeau et le vieillissant Coffey. Cette ultime transaction avait sonné le glas pour les Whalers.


Des adieux toujours déchirants…

Promise à une inéluctable relocalisation, la franchise fut rachetée en 1994 par un groupe mené par Peter Karmanos Jr, avec la promesse faite de rester dans le Connecticut encore quatre ans en attendant des solutions au problème de l’enceinte du Civic Center. Mais à peine deux ans après son intronisation, Karmanos menaça de déménager l’équipe si les Whalers ne parvenaient pas à vendre 11’000 abonnements annuels pour la saison suivante. Une grande mobilisation des supporters sous fond de campagne «Save the Whale» ne leur permit pas d’atteindre cet objectif, mais cela a tout de même montré un net regain d’intérêt pour la franchise. Parallèlement, les discussions au sujet d’une nouvelle arène devisée à 147 millions de dollars échouèrent définitivement : d’un côté, le gouverneur de l’état du Connecticut John G. Rowland refusa toute participation du contribuable au financement de la nouvelle enceinte. De l’autre côté, Peter Karmanos demanda une rallonge de 45 millions afin de couvrir les pertes pendant la période de construction, sachant qu’Hartford avait perdu 11 millions de dollars durant la saison 1995/1996 et qu’une perte de 20 millions était projetée pour la saison suivante.

Une équipe sans domicile fixe

Le coup de Grâce fut donné peu de temps après, lorsque Peter Karmanos racheta la dernière année du contrat de location qui liait la concession au Civic Center, l’autorisant ainsi à transférer l’équipe. Pour la première fois de l’histoire de la Ligue nationale de hockey, une équipe annonçait son déménagement sans avoir de destination future. Contrairement à d’autres d’équipes, la taille modeste de l’organisation avait favorisé le développement d’une véritable et authentique connivence entre le public, les joueurs et les membres du staff ; les Whalers étaient avant tout une famille. Le dernier match joué à domicile fut donc d’autant plus douloureux que les joueurs eux-mêmes avaient paradé longtemps sur la glace à la fin du match tout en se succédant au micro devant une foule de plus de 15’000 personnes qui pleuraient tous le départ de leur équipe de cœur.
Minneapolis et Nashville étaient sur les rangs pour accueillir les défunts Whalers, mais c’est une fois de plus dans une contrée atypique – berceau de la NASCAR – qui n’a jamais vu de glace ailleurs que dans un frigidaire que la franchise va installer ses quartiers : en Caroline du Nord. Ce déménagement n’a pas pour autant signifié la porte d’entrée du paradis pour Peter Karmanos et son équipe. En attendant la construction de leur amphithéâtre à Raleigh, les fraîchement renommés Hurricanes furent contrains à l’exil à plus d’une centaine de kilomètres de là, à Greensboro, dans une enceinte pouvant contenir 21’500 spectateurs, mais avec une capacité déjà réduite à 15’902 places pour le hockey. Ce choix fut catastrophique à tous les niveaux pour la concession : personne à Raleigh ne voulait s’y déplacer, les résidents de Greensboro snobait superbement cette équipe qui n’était de toute manière pas la leur et seule une poignée de rencontres étaient retransmises à la télévision. Après une rencontre inaugurale où plus de 18’000 personnes avaient pris place dans l’arène, l’affluence chuta spectaculairement pour atteindre parfois 4’000 spectateurs à peine. Durant cette première saison, les Hurricanes vendirent 3’000 abonnements annuels, soit trois fois moins de ce que les fans d’Hartford avaient vendu…


C’est Peter Karmanos lui-même qui avait choisi le nouveau nom de la franchise.

Lors de la saison 1998/1999, toute la partie haute du stade de Greensboro fut couverte de bâches afin de réduire une nouvelle fois la capacité à 12’000 places. Malgré cela, l’affluence moyenne fut de 8’188 spectateurs, de loin la plus faible de la LNH. Ceci véhicula une image terrible pour la formation, ainsi que pour la Ligue nationale de hockey par dommages collatéraux. Heureusement pour les Hurricanes, cette situation ne fut que transitoire, mais rien ne pouvait cependant être garanti, avec toujours la possibilité de retards pris dans les travaux et autres événements exceptionnels.
Finalement, les «Canes» purent rejoindre leur toute nouvelle Raleigh Entertainment & Sports Arena dans les délais. Bien que nettement meilleure, l’affluence ne fut pas optimale puisque l’arène ne fut remplie qu’à 76% de sa capacité lors de cette première saison. Paradoxalement, les Hurricanes se montrèrent à leur avantage, allant même jusqu’à remporter la Coupe Stanley en 2006. Mais comme dans tout marché non-traditionnel, le moindre grain de sable est capable de démolir toute la machine. Ainsi, l’équipe cherche toujours un candidat susceptible d’acheter les 49% de la franchise.

Au tour d’Edmonton

Et ce n’était pas terminé ; la situation des Oilers d’Edmonton était également devenue morose. Malgré son palmarès éloquent obtenu sous l’ère des Gretzky, Kurri, Coffey et autres Tikkanen, la concession se retrouva en plein milieu de la tempête économique. Les raisons furent toujours les mêmes : Une vétuste arène – la toujours actuelle Rexhall Place –, l’envolée des salaires, un prix des places prohibitif pour des fans déjà étranglés, ainsi que des charges devenant de moins en moins supportables pour un marché aussi petit. Le propriétaire d’alors Peter Pocklington songea d’abord à transférer la franchise à Minneapolis où le récent Target Center pouvait être une cible idéale (ça ne s’invente pas). Depuis la disparition des North Stars, l’État du Minnesota fut systématiquement cité en tant que relocalisation probable de franchises en difficulté, contrastant avec la volonté affichée de la Ligue nationale de hockey de s’exporter vers le sud. Les tractations n’étaient pourtant jamais allées  plus loin. «Deadmonton» n’avait jamais mieux porté son surnom qu’à ce moment.


Un logo revisité datant de l’époque où les Oilers ne faisaient plus peur.

En 1998, un accord entre Pocklington et Leslie Alexander, propriétaire de l’équipe NBA de basket des Rockets de Houston fut à bout touchant ; l’équipe fut alors à deux doigts de déménager à Houston. Cette fois, c’en était trop : il fallait absolument stopper cet exode massif au sud. Plus qu’une hérésie, il était impensable que cette franchise titrée cinq fois allait prendre le chemin d’un État qui ignorait ce qu’était le hockey. Cela s’apparentait comme une véritable insulte pour les témoins de la «dynastie», cette époque où les Oilers raflaient tout sur leur passage. Le soulèvement populaire et la mobilisation fut sans précédent. Quelques heures avant l’officialisation de la vente, un consortium de plusieurs investisseurs de la région, englobé sous le nom d’Edmonton Investors Group Ltd. se porta acquéreur de la concession avec la garantie de la maintenir à Edmonton. Les Oilers venaient d’être sauvés, l’honneur fut sauf.
À suivre : 180° Sud, partie 9 : un espoir nouveau
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;
180° Sud, partie 2 : le lancement ;
180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;
180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise ;
180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable ;
180° Sud, partie 6 : erreur corrigée ;
180° Sud, partie 7 : au revoir Québec

Écrit par Mathieu Nicolet

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