Interdisons le foot en Suisse !

11 juin 1955, Le Mans : 84 personnes sont tuées après que la voiture de Pierre Levegh s’est envolée dans la tribune de la ligne droite des stands. Ce jour noir reste l’accident le plus meurtrier de l’histoire du sport automobile.

L’interdiction d’effectuer en Suisse des courses automobiles sur circuit ayant un caractère public a été prononcée à la suite de cet événement tragique. 57 ans plus tard, tant les mesures de sécurité en général que la technologie des véhicules ont fait d’importants progrès ; mais cela, ajouté au fait qu’une telle tragédie ne s’est jamais reproduite, n’a pas suffi à ce que le Parlement accepte enfin de lever cette interdiction désuète en 2011. 

En revanche, depuis ce 11 juin 1955, le monde du foot a pris le relai en termes de tragédies, à la différence près que celles-ci furent plus souvent le fruit de la bêtise humaine que de la fatalité. Si l’on considère uniquement les 30 dernières années, le football a directement coûté la vie à 56 personnes à Bradford et 39 à Bruxelles en 1985, 96 à Sheffield en 1989, 18 en France en 1992, 126 au Ghana et 43 en Afrique du Sud en 2001 et au moins 73 en Egypte en 2012. 451 personnes en moins de 30 ans, et la tendance n’est pas à la baisse.

A cela s’ajoutent les valeurs que véhicule ce sport pour la jeunesse innocente mais ambitieuse de notre pays : il suffit de menacer les plus faibles pour obtenir ce que l’on veut, comme l’ont bien montré la FIFA et l’ASF. Faire preuve de mauvaise foi et se faire passer pour une victime est la stratégie à adopter pour être un héros populaire. Ne pas payer ses fournisseurs n’est pas grave, on n’est pas inquiété avant de cumuler près de 10 millions de dettes. En revanche, donner de sa personne et de sa poche durant des années n’apporte aucune reconnaissance autre que des injures et menaces le jour où l’on souhaite passer à autre chose. Enfin, ne pas dépenser plus que l’on n’a, c’est être un con, attentiste du malheur d’autrui.
La sagesse populaire dira que le sport n’est que le reflet de la société, mais cela minimise passablement son rôle social et éducatif. Comme disait Aristote, lorsque l’ignorance est la cause d’une action, celui qui agit le fait de manière involontaire et est par conséquent innocent, sauf s’il est lui-même la cause de sa propre ignorance. En d’autres termes, en refusant de voir l’aspect dangereux du foot et son rôle éducatif, les personnes qui laissent des matchs de foot avoir lieu sur le territoire suisse sont coresponsables des tragédies qu’il engendre et des valeurs que ce sport inculque à la population. Ou alors ce sport n’a aucune valeur éducative, et il est donc indécent pour une société soi-disant avancée de laisser ses pairs prendre des risques inconsidérés en se rassemblant dans des stades et laisser autant d’argent dans un système qui n’apporte rien d’autre en retour. Dans les deux cas de figure, l’interdiction pure et simple semble être la seule mesure qui s’impose.

Ce d’autant qu’il est maintenant question d’interdire le VTT en forêt sous prétexte que cela endommage les sentiers et fait peur aux promeneurs. La pratique du football endommage les pelouses, parfois aussi les trains, bus et autres infrastructures, et cela fait peur aux fournisseurs qui ont des factures ouvertes, aux résidents proches des stades, aux arbitres qui se font agresser, etc. A l’heure ou le foot occupe plus de place dans les rubriques «faits divers» et «people» quand dans les pages «sports», il serait temps de prendre conscience qu’il n’en est bientôt plus un, et se concentrer sur les vrais problèmes plutôt que faire des diversions avec l’état de santé des sentiers de nos forêts ou des tragédies vieilles de 57 ans.

Ce qui fait la force et la crédibilité d’une société aussi bien que d’une personne, c’est la cohérence. Et dans le contexte actuel, il n’y en a aucune dans la politique sportive de la Suisse, où d’autres choses intéressent plus nos élus que le seul bien-être de ceux qu’ils sont censés représenter. Et cela échappe aux quidams ?

Écrit par Sébastien Junod

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11 Commentaires

  1. Dans mon village d’enfance (dans le gros-de-vaud), il y avait jamais de baston durant la messe. Pourtant, il y avait de l’alcool et des ultras (religieux, mais ultra quand même). Et je vous raconte pas les chants du kop. Faudrait voir pour adapter ça au sport…
    C’est bon, je vais rejoindre Jérémie.

  2. ça me dérangerais pas de voir le championnat suisse de foot se dérouler intégralement à l’étranger, tout comme quasi tous les championnats suisses auto et moto.

    Non mais!

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