Un gala dont on se serait bien passé

Le Borussia Dortmund et le VfB Stuttgart ont livré un match d’anthologie vendredi soir. Mais on ne l’a pas vraiment savouré en raison de l’égalisation de Christian Gentner dans les arrêts de jeu. Le BVB égare deux points qui pourraient cruellement manquer à l’heure du décompte final.

Depuis deux saisons, on peut résumer le quotidien de cette jeune équipe du Borussia Dortmund par cette ritournelle enfantine : «Voici venu le temps des rires et des chants, dans l’île aux enfants c’est tous les jours le printemps, c’est le pays joyeux des enfants heureux, des monstres gentils, oui c’est un paradis». On a donc pris l’habitude de quitter le stade après un match du BVB avec un grand sourire, comblé par le spectacle présenté par notre équipe favorite et par le résultat. Et les rares défaites sont plutôt du genre indolores, soit parce que le classement les permet soit parce qu’elles interviennent dans des compétitions jugées non prioritaires. Alors fatalement, lorsqu’il y a un couac, et le match nul de vendredi en est un, qui pourrait avoir des conséquences extrêmement fâcheuses en fin de saison, ça fait mal, très mal même. J’ai voulu aller boire pour oublier mais même la bière du Anton’s Bierkönig avait le goût de cette satanée égalisation de la 92e, je n’ai pas insisté et je suis rentré dormir, les videurs de la boîte n’en revenaient pas de me voir partir si tôt. 

Et pourtant…

Pourtant, pendant plus d’une heure de jeu, le BVB semblait se diriger vers une victoire assez tranquille, presque plus facile que prévu. Car on redoutait cette équipe de Stuttgart, la meilleure équipe de Bundesliga sur les cinq journées précédentes avec Dortmund (13 points pris sur 15 possibles), et qui était invaincue depuis trois ans et demi au Westfalenstadion où il n’a perdu que deux fois lors des dix derniers matchs. Mais, à part une frayeur en début de match, lorsque Schieber n’a pas cadré devant le but vide, et un tir de Kvist sur le poteau à l’heure de jeu, les Souabes paraissaient bien inoffensifs. La domination dortmundoise a été récompensée par deux buts, une remise de Sebastian Kehl pour une reprise à bout portant de l’inévitable Shinji Kagawa, et un tir de Jakub Blaszczykowski après une ouverture inspirée de Mats Hummels. 2-0, c’était un salaire minimum, si l’on songe notamment au sauvetage sur la ligne de Niedermeier devant Lewandowski, à la reprise de Grosskreutz sur la latte, au tir sur le poteau de Pisczek ou au sauvetage du gardien Ulreich devant Blaszczykowski qui arrivait seul.

Le naufrage

J’étais tellement sûr de la victoire, et comme nos choppes étaient vides, que je suis parti chercher une tournée pour célébrer ce succès qui se dessinait. Las, quand je suis revenu de la buvette, Stuttgart avait réduit le score par Vedad Ibisevic. Le début d’un incroyable black-out de la meilleure défense d’Allemagne depuis deux saisons. Une double intervention pas assez franche de Piszczek et d’Hummels permet à Julian Schieber de partir seul au but égaliser. On n’était pas encore remis du choc que ce même Julian Schieber profitait d’un ballon perdu par Kehl et Hummels et d’une ouverture de Zdravko Kuzmanovic pour donner l’avantage au VfB. Longtemps blessé, le jeune attaquant souabe confirmait qu’il est bien l’un des grands espoirs du foot allemand.

Wahnsinn !

Mais la Südtribüne, face  à laquelle le BVB attaque – comme d’habitude – en 2ème mi-temps voulait voir une victoire. Alors l’ambiance, déjà exceptionnelle, est encore montée d’un cran. Porté par les monstrueuses clameurs venues des tribunes, Dortmund va reprendre les commandes. C’est tout d’abord Mats Hummels qui égalise d’un tir dans le petit filet. Puis le stade bascule définitivement dans l’hystérie collective lorsqu’Ivan Perisic inscrit le 4-3 d’une superbe volée à la réception d’un corner de Marcel Schmelzer. C’était parti pour quatre minutes de pure félicité. Très honnêtement, on n’a pas pensé une seule seconde que Stuttgart pouvait revenir encore une fois. Dortmund n’avait pas encaissé plus de deux buts dans un match de Bundesliga depuis le 8 mai 2010, alors en prendre quatre le même soir ça paraissait inconcevable. On était déjà en train de se dire que c’est le tournant de la saison et qu’une équipe qui gagne 4-3 en étant menée 2-3 à dix minutes de la fin ne peut que finir championne. Mais c’était oublier que la meilleure défense d’Allemagne était dans un très mauvais soir. Et le drame est survenu à la 92e : Hummels et Schmelzer se gênent sur un centre anodin et Christian Gentner peut inscrire l’égalisation au milieu d’une forêt de joueurs jaunes et noirs. Dans le genre douche froide on ne fait pas mieux ; c’est comme si tout d’un coup on avait débranché la prise et coupé le courant aux quelque 75’000 fans en jaune.

En route pour l’Europa League

Si l’on était supporter neutre, on serait reparti ravi de notre soirée : un match somptueux, huit buts, des rebondissements, une ambiance grandiose, il y avait de quoi se réconcilier avec le football après le spectacle affligeant des quarts de finale de la Ligue des Champions. Mais tu l’as compris, je ne suis pas complètement neutre quand je vais voir un match du BVB et j’aurai largement préféré assisté à un terne 1-0 sur autogoal au terme d’une partie insignifiante. Ceci dit, il faut rendre hommage à cette équipe de Stuttgart qui a montré des ressources morales insoupçonnées, surtout pour une formation dont on dit souvent qu’elle manque de caractère. Dortmund avait deux fois le match en main, à 2-0 puis à 4-3, parvenir à revenir deux fois dans cette ambiance-là, c’est un authentique exploit. Depuis qu’il a débuté sa carrière sur le banc, l’entraîneur souabe Bruno Labbadia n’a jamais réussi à faire une saison pleine avec les différentes équipe qu’il a dirigées (Fürth, Leverkusen, Hambourg et Stuttgart), il y a toujours un passage à vide à un moment ou un autre. Cette saison, Stuttgart a déjà connu sa période creuse, entre la fin du premier tour et le début du second mais maintenant il a retrouvé son rythme de croisière. Ils sont cinq (Hanovre, Stuttgart, Leverkusen, Brême et Wolfsburg) à se battre pour trois places en Europa League, j’ai bien l’impression que le VfB fera partie des heureux élus.

Fini les jokers

Lorsqu’il a compté sept points d’avance sur le Bayern Munich, le BVB avait deux jokers, il les a utilisé, avant même la série infernale qui l’attend ces trois prochaines semaines avec un déplacement vénéneux à Wolfsburg qui vient d’enchaîner quatre victoires, le choc des titans contre le Bayern, le Revierderby à Gelsenkirchen et le Borussen-Derby contre Mönchengladbach qui n’a jamais perdu contre le BVB depuis l’arrivée de Lucien Favre. Ce match contre Stuttgart, qui est définitivement la bête noire du Borussia au Westfalenstadion, a peut-être constitué un tournant dans la saison mais pas forcément dans le sens espéré. Ce qui est sûr, c’est que le Bayern Munich est redevenu maître de son destin ce week-end en réduisant son retard à trois points. C’est dire que ce titre, il va falloir aller le chercher au courage. En espérant bien qu’au soir de la 34e journée je pourrai reléguer ce match contre Stuttgart au rang de péripétie sans importance et joyeusement rigoler de mon état dépressif à la sortie du stade.

Borussia Dortmund – VfB Stuttgart 4-4 (1-0)

Signal Iduna Park, 80’720 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Weiner.
Buts : 33e Kagawa (1-0), 49e Blaszczykowski (2-0), 71e Ibisevic (2-1), 77e Schieber (2-2), 79e Schieber (2-3), 82e Hummels (3-3), 87e Perisic (4-3), 92e Gentner (4-4).
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Subotic, Hummels, Schmelzer; Gündogan (67e Bender), Kehl; Blaszczykowski, Kagawa (81e Barrios), Grosskreutz (79e Perisic); Lewandowski.
VfB Stuttgart : Ulreich; Sakai, Maza, Niedermeier, Boka (61e Molinaro); Kvist, Kuzmanovic; Harnik, Hajnal (70e Gentner), Schieber (84e Bah); Ibisevic.
Cartons jaunes : 54e Kuzmanovic, 82e Lewandowski, 87e Perisic.
Notes : Dortmund sans Koch, Götze ni Santana (blessés), Stuttgart sans Cacau (suspendu), Boulahrouz, Delpierre, Audel ni Okazaki (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. en effet, gros coup de massue au terme d’un match magnifique

    Bravo au Vfb, qui n’a pas fermé le jeu mais joué au foot et tenté sa chance, c’est qui n’est pas toujours le cas des équipes qui affrontent le BVB

    Par contre, Weidenfelder, même s’il n’est pas fautif, est loin d’être décisif sur les buts 2, 3 et 4.

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