Ali Bubba (de Bagdad) et les 40 golfeurs

Le dernier jour du Masters d’Augusta 2012 n’a pas vu la confrontation espérée entre Tiger Woods et Rory McIlroy, tous les deux relégués samedi déjà dans les profondeurs du classement. Cependant, il a vu un final passionnant où deux joueurs, aux styles complètement opposés, ont peu à peu lâché le reste du peloton, dont Phil Mickelson et tous les européens, pour en découdre dans un play-off (en mort subite) dramatique.

Finalement, c’est au deuxième trou du play-off (trou no 10) que l’Américain Bubba Watson, un gaucher d’une longueur exceptionnelle mais au style peu conventionnel, habillé de blanc avec un driver rose (en soutien pour une oeuvre d’utilité publique), l’a emporté sur le Sud-Africain Louis Oosthuizen, vainqueur du British Open 2011, gentlemen au swing parfait. Bubba a réalisé un deuxième coup qui restera à jamais gravé dans l’histoire : sa balle reposant en pleine forêt à droite du fairway, sur un épais tapis d’aiguilles, Bubba a miraculeusement trouvé une ouverture dans les arbres, en faisant un haut hook (effet gauche droite pour un gaucher) d’environ 40 mètres, sa balle retombant à 3 mètres du drapeau. 5 minutes plus tard, le jeune Floridien de Bagdad (sic) au grand coeur était le nouveau Champion du Masters, en larmes dans les bras de sa mère; sa femme étant restée à la maison avec son fils, très récemment adopté.Afin d’illustrer la magie du Masters, et du sport en général, voici une traduction libre d’un extrait d’article apparu lundi sur le site de Sports Illustrated, écrit par le journaliste sportif Joe Posnanski, dont c’était la dernière colonne pour ce magazine prestigieux.   

Un homme nommé Bubba, qui n’a jamais pris une leçon de golf de sa vie, a gagné dimanche le Masters, après un coup avec une espèce de hook de folie, réalisé depuis un tapis d’aiguilles au milieu des arbres. Voilà  pourquoi j’adore le sport. Ce coup ne résume-t-il pas pourquoi on se passionne pour le sport, pourquoi on revient toujours et toujours, pourquoi on n’en a jamais assez ?

J’ai l’impression que le reste du monde du divertissement essaie depuis des années de capturer l’immédiateté du sport, de capturer la raison pour laquelle le sport nous capture, nous les fans de sport. Toutes ces émissions de TV réalité, ce n’est en effet rien d’autre qu’un effort pour reproduire les drames et les tournants imprévisibles d’un évènement sportif. Les émissions de cuisine tentent d’imiter le sport. Le Poker télévisé tente d’imiter le sport. Les films essaient de faire des retournements de situations surprises, comme on n’en trouve que dans le sport. Ces questions (Va-t-il le faire ou non ? Peut-il le faire ou non ? Victoire ou défaite ?) nous surprendront, nous passionneront, nous frustreront pour toujours. Voilà pourquoi j’aime écrire sur le sport. Bubba est sur le tapis d’aiguilles, entre les pives. Il pense qu’il visualise un moyen pour faire arriver la balle sur le green. Il puise au plus profond de ses ressources, de tout ce qu’il a appris, de toutes ses heures entraînements et de ses rêves, et il frappe la balle.
Et maintenant : Arrivera-t-il ou n’arrivera-t-il pas à mettre sa balle sur le green ?
(…)
Je n’ai jamais joué au golf, considérant que c’était un sport de riche. Je n’ai jamais rêvé de gagner le Masters. Mais, en regardant Bubba sur le tapis d’aiguilles, j’ai regretté de ne pas l’avoir fait. C’est ça qui est génial avec le sport, pas vrai ? Le déroulement du tournoi dimanche à Augusta était tellement fascinant et incroyable, beaucoup mieux que les scénarios tirés par les cheveux imaginés par les films et les émissions de la TV réalité. Louis Oosthuizen a réalisé un albatross/double eagle (soit un 2 sur un par 5, coup le plus rare en golf, puisqu’il en a eu 4 dans l’histoire du Masters), et voir cette balle rouler  le long du fairway, sur le green, puis prendre la pente et traverser le green, tourner lentement, tranquillement, rouler, rouler vers le trou puis plop – dans le trou, c’était électrifiant. Pourquoi ? Quoi d’extraordinaire de voir une balle de golf rouler vers le trou, la chose la plus ordinaire et simple au monde ? C’est électrifiant, parce que dans la vraie vie, un double eagle, ça n’arrive pas souvent.
(…)
Sois-tu vois l’ouverture dans le feuillage, soit tu ne la vois pas. Soit tu crois au miracle, ou tu n’y crois pas. Les enfants ont la capacité de s’émerveiller, et d’y croire. Bubba aussi. Il s’est rendu compte que tout ce qu’il avait à faire, c’était de frapper sèchement cette balle empêtrée dans les aiguilles, d’une manière à ce que la balle fasse un brusque virage à droite, atterrisse sur le green et roule vers le trou. « J’ai vu un coup de folie dans ma tête » a-t-il dit.
Il frappa ce coup de folie, et la balle fit tout ce qu’il avait espéré : sorti des aiguilles, par le trou entre les branches, un virage à droite, sur le green et vers le trou, alors que le soleil venait de disparaître, créant le délire au sein de la galerie (public). Encore deux putts, et c’était la veste verte. Comme j’ai dit, c’est la raison pour laquelle tous les jours, je me rappelle à quel point j’ai de la chance, à quel point j’ai eu de la chance d’écrire pour Sports Illustrated. Voilà ce que le sport peut faire.

Écrit par Andy Tschander

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