16ème pays : l’Ukraine !

On termine ces présentations par le pays coorganisateur, l’Ukraine, qui tentera de faire beaucoup mieux que la Belgique en 2000 ou la Suisse et l’Autriche en 2008. Les Ukrainiens deviendront-ils les premiers à gagner l’Euro à domicile après la France de Platini en 1984 ? Julien Mouquin y croit (et y sera !), Sacha Clément beaucoup moins.

Pourquoi l’Ukraine ?

Ne me demande ni pourquoi ni comment, ce serait trop long à expliquer mais, à la Coupe du Monde 2006, je me suis retrouvé avec des billets de fan ukrainien pour tous les matchs du 1er tour. Si j’avais lâchement laissé tomber un excellent Ukraine – Arabie Saoudite (Suisse – Togo avait lieu le même jour dans un stade qui m’est cher), j’avais en revanche assisté aux parties Ukraine – Espagne à Leipzig et Ukraine – Tunisie à Berlin. Dans le kop ukrainien et avec un maillot Jovto-Blakytni (bleu et jaune) moulant, j’étais presque crédible en fan venu de Kiev ou Dniepropetrovsk. Du moins tant que je n’essayais pas de chanter en ukrainien.
 
Mais le meilleur souvenir, cela reste ce camping à Hambourg où, exténué après quatre jours de foire autour de Suisse – Togo, je décide d’aller me coucher tôt (style 4 heures du matin). Trois heures plus tard, alors que le jour se levait, je suis réveillé par des hurlements, il s’agissait de fans ukrainiens qui s’essayaient aux «Chappi, Chappi, Chapuisat» sous la direction experte de mon ami Denis, en buvant du vin blanc importé d’Ukraine après avoir épuisé les stocks de vodka. Je ne suis malheureusement pas en mesure de te dire ce que valait ce blanc parce que boire du Côtes du Dniepr tiède au réveil, c’était au-dessus de mes forces ce matin-là. A l’époque, on ne savait pas encore dans quel désarroi cette équipe d’Ukraine et nos nouveaux amis allaient nous plonger quelques jours plus tard…
Accessoirement, j’ai prévu d’aller visiter quelques églises à Kiev à la fin du mois, écrire la partie pro Ukraine est un bon moyen de s’attirer les faveurs des innombrables Ukrainien(ne)s qui lisent CartonRouge.ch.

Pourquoi pas l’Ukraine ?

Parce ce qu’ils nous font bien rire, ces pays où porter un toast et prier sont les mêmes mots. Parce que là-bas, loin à la ronde, de Lougasnk à Uzhgorod, un joueur ne peut être de foot que s’il est corrompu ; si une fois au moins, un mafieux cabochard a menacé femmes et enfants, la crainte d’être désigné volontaire pour truquer quelques matchs, à moins de vouloir se faire péter les genoux à coups de bar de fer. Parce qu’une nation agrémentée de joueurs évoluant presque intégralement dans le championnat national, corrompu et pusillanime, faut pas rêver, y’a des limites, ça ne fait rire ni jaune ni bleu, mais ça fait broyer du noir.

Fais-nous rêver avec un souvenir du foot ukrainien !

Camp Nou, 5 novembre 1997, Ligue des Champions. Laporta, Rosell et Guardiola ne sont pas encore passés par là, le FC Barcelone est encore un club éminemment respectable. Mais ce soir-là, le Barça de van Gaal, Figo et Rivaldo est balayé à domicile par une tornade blanche venue de l’est. Emmené par un entraîneur légendaire, Valeriy Lobanovskiy, le Dynamo Kiev s’impose 4-0 sous les yeux ébahis de l’Europe entière qui découvre une jeune génération au talent fou dans le sillage du duo Andriy Shevchenko (3 buts) – Sergueï Rebrov (1 but). Vitesse, simplicité, efficacité, verticalité, le Dynamo réussit ce soir-là l’une des démonstrations de football les plus éblouissantes jamais vues au Camp Nou, un peu aidé aussi il est vrai par les approximations du portier catalan Vitor Baia. Cette flamboyante génération du Dynamo aurait mérité de gagner une C1 avant de voir ses meilleurs éléments partir à l’étranger. Malheureusement, elle se fera surprendre cette année-là en 1/4 de finale au sortir de la longue pause hivernale par le froid réalisme de la Juventus, puis la saison suivante en 1/2 par la puissance et la volonté du Bayern Munich après un match aller qui reste comme l’un des plus beaux de l’histoire de la C1 (3-3).

Fais-nous rire avec un souvenir du foot ukrainien !

Pour l’Ukrainien moyen, le meilleur reste à venir. Sa propre histoire est si courte qu’il ne jubilera qu’au moment où, revanchard, il aura épluché les archives de l’UEFA, histoire de se rendre compte qu’avant lui et depuis l’avènement de l’Euro, trois pays organisateurs avaient modiquement échoué au premier tour : la Belgique en 2000 et l’empire austro-suisse de 2008. L’Ukraine sera ce quatrième larron, honteux de ne pas être prophète en son pays. Ou alors, le meilleur souvenir ukrainien pourrait être suisse (encore), surtout après ce huitième de finale de la Coupe du Monde 2006, où les Jovto-Blakytni étaient les seuls à avoir su enfiler des buts au brave Zubi – quel exploit. Entre honte et fierté, l’ukrainien moyen optera pour les deux. Peut-être aucun.

Pourquoi l’Ukraine va être championne d’Europe ?

Des seize participants, l’Ukraine est la seule équipe à être invaincue dans une phase finale de l’Euro. Alors ce n’est pas à domicile que cette formidable invincibilité va prendre fin. Et puis, l’Ukraine enchaîne grande catastrophe et victoire à l’Euro avec une périodicité de vingt-six ans : en 1934, le pays sortait meurtri des deux ans de famine causés par la terreur socialiste, vingt-six ans plus tard, en 1960, l’URSS était championne d’Europe avec un latéral ukrainien dans ses rangs, Iouri Voïnov ; en 1986 c’était Tchernobyl et donc, vingt-six ans plus tard, l’heure d’un nouveau titre européen pour l’Ukraine est venue. Tiré par les cheveux ? Si peu…

Pourquoi l’Ukraine va se vautrer lamentablement au 1er tour ?

Dans le foot, on dit qu’on joue comme on s’entraîne. Espérons que l’axiome tienne bon, car si une nation est tributaire de sa propre compétitivité nationale, ça suinte l’élimination précoce pour l’Ukraine. Pour faire face à la pénurie d’hôtels à Kiev, les autorités ont réquisitionné les cités universitaires de la capitale, expulsé les pauvres indigènes à coups de bâtons et manu militari, histoire de les remplacer par des touristes assoiffés, les bourses pleines mais prêtes à se vider. Il en faudra une bonne ribambelle, de ces visiteurs avinés, pour éponger une quelconque dette : 10 milliards accumulés pour l’organisation de cet Euro. Nonobstant cette achronie dépensière, l’Ukraine a eu l’outrecuidance d’imposer une flambée corruptrice du prix des hébergements – jusqu’à 10 fois les tarifs habituels – comme si le touriste de l’Ouest était risiblement idiot, voire sottement dépensier, peut-être grossièrement riche. 
Autre aberrance : le coût du stade de Lviv a passé de 100 à 200 millions d’euros. On sait que les architectes ont été conçus pour que les météorologues ne soient pas les seuls à se tromper, mais bon, 200% de marge d’erreur, y’a des limites. Et puis il y’a l’allocation financière destinée à la réalisation de ce tronçon d’autoroute de 84 kilomètres entre Krakovets et Lviv, qui est passée de 150 à 400 millions d’euros (ça fait du 266%, là…). Au pays des corrompus, le football ne sera jamais roi ; même si les primes des Ukrainiens en cas de victoire finale à Kiev frisent le ridicule, 195’000 euros par joueur. Au pays de Viktor Ianoukovytch, entre les autoroutes et les primes, il n’y a qu’un pont que l’argent ne comblera point.

Comment l’Ukraine va être championne d’Europe ?

Les Ukrainiens sont un peu nerveux en commençant par l’adversaire a priori le plus abordable du groupe, la Suède, mais l’expulsion d’Ibrahimovic leur facilite la tâche et ils l’emportent 1-0 sur le tard. Ensuite, l’Ukraine affronte une France déjà en voie de désagrégation après sa défaite initiale contre l’Angleterre : guerre des gangs, insultes entre joueurs et entraîneur, grève, même l’arrivée de Raymond Domenech et Nicolas Anelka comme médiateurs ne parvient pas à ramener le calme dans la maison bleue qui sombre 3-0 contre les Jovto-Blakytni. Ceux-ci réussissent le sans-faute avec un succès 4-0 contre des Anglais eux-aussi déjà qualifiés et qui se liquéfient par 35° à Donetsk. En quart, l’Ukraine joue une Italie qui n’a plus que 13 joueurs à disposition après de nouvelles descentes de police dans le cadre du Calcioscommesse ; malgré une bonne entrée en jeu de Salvatore Sirigu comme centre-avant en fin de match, le handicap est trop important et la Squadra Azzura est battue 2-0. Lors de la demi-finale, l’Ukraine s’en va à Varsovie battre la Pologne aux pénaltys après avoir égalisé à la 122ème, alors que des colonnes de blindés sont massées de part et d’autre de la frontière entre les deux pays.
En finale, l’Ukraine retrouve la sensation du tournoi, la Grèce. Et quand tu as la chance de jouer l’Euro à domicile et de tomber sur la Grèce en finale, tu ne peux décemment pas laisser passer l’occasion, sinon tu es vraiment le pire des losers et tu es définitivement voué à ne jamais rien gagner. L’Ukraine l’emporte 1-0 grâce à un but de Shevchenko, le dernier et le plus important de sa fantastique carrière. C’est la liesse dans les rues de Kiev. Et, après quelques vodkas, je finis perché sur le monument Kiy Shek Khoriv de la Maidan Nezalezhnosti (Place de l’Indépendance) à lancer des chants en ukrainien au milieu d’une foule en délire toute de jaune vêtu. Après tout, j’ai une certaine expérience des célébrations au cœur d’une marée jaune.    

Comment l’Ukraine va se vautrer lamentablement au 1er tour ?

L’Ukraine a l’habitude de crever au poteau. Pauvre hère. En 1998, 2000, 2002, elle s’écroule en barrages, trop haute cette ultime marche. En 2004, elle est tellement loin du compte. En 2006, elle sauve les meubles. En 2008 et 2010, elle gamberge encore. En qualification pour l’Euro austro-suisse, elle a même frisé l’horreur, terminant 4e de son groupe de qualification, un groupe composé, entre autres, de grandes formations du football, telles que l’Ecosse, les Iles Féroé, la Géorgie et la Lituanie. Alors comment, ne serait-ce qu’un seul instant, peut-on espérer mieux en 2012 avec un pilier nommé Anatoliy Tymoshchuk – remplaçant frivole du Bayern – qui dissèque cahin-caha le jeu défensif d’une équipe qui se frottera à la France, l’Angleterre et la Suède ?

Les forces de l’Ukraine

Comme la Nati avant 2008, les Jovto-Blakytni ont connu pas mal de remous dans la longue phase de préparation sans match officiel. Mais contrairement à nous et malgré deux derniers tests ratés contre l’Autriche de Marcel Koller (2-3) et la Turquie (0-2) soi-disant en raison d’une intoxication alimentaire, l’Ukraine semble monter en puissance depuis le retour aux commandes de la légende Oleg Blokhine, entraîneur excentrique mais très rusé. On en sait malheureusement quelque chose en Suisse. Malgré les absences des gardiens Dykan, Rybka et Shovkovskiy, ainsi que de l’ex-Barcelonais Chygrynskiy, cette équipe d’Ukraine devrait être assez difficile à bouger. On a tendance à sous-estimer ces Ukrainiens parce que la plupart d’entre eux jouent dans leur propre championnat. Mais si ces joueurs sont restés au pays, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas le talent pour partir à l’étranger mais bien parce qu’à Kiev ou Donetsk on peut désormais offrir des salaires qui n’ont rien à envier à ce qu’offrirait un club de milieu de tableau anglais ou espagnol. Avec l’avantage de pouvoir jouer le titre et la Ligue des Champions chaque année. Et le championnat ukrainien connaît une vraie trêve hivernale, cela pourrait apporter un soupçon de fraîcheur en plus, par rapport à de joueurs qui sont sur la brèche sans pause depuis août dernier.

Les faiblesses de l’Ukraine

Alors oui, François Hollande a raconté pas mal de bobards pendant sa campagne présidentielle. Mais il a également dit, dans un sursaut d’éloquence : «J’aime beaucoup le football, mais ce qui se passe en Ukraine est un problème».  Paraît qu’il parlait politique. D’une affaire morne et hypocrite, mêlant une certaine Ioulia Tymochenko. Parions plutôt qu’il parlait foot le boute-en-train, le ton finalement sincère, la faconde raffinée. Mais oui c’est un visionnaire le bon François, l’Ukraine a un sacré problème : ses joueurs sont des pinces.

Quels joueurs ukrainiens vont illuminer l’Euro ?

La grande star du football ukrainien, c’est bien sûr Andriy Shevchenko. S’il n’a plus forcément 90 minutes dans les jambes et est plutôt utilisé comme joker, Sheva est toujours capable d’un éclair à un moment ou un autre. Cet immense joueur mériterait de terminer sa carrière internationale sur un coup d’éclat. Sinon, dans les anciens, il y a aussi le vice-champion d’Europe bavarois, Anatoliy Tymoshchuk, et l’ex-buteur du Hertha Berlin de Lucien Favre Andriy Voronin, du solide. Et puis, il y a les deux grands espoirs du foot ukrainien à mi-terrain, Andriy Yarmolenko et Yehven Konoplyanka, tous deux 23 ans et pas mal de talent. A leurs côtés, on suivra également l’homme en forme du moment, Oleg Gusev, très efficace en matchs amicaux et doté d’une frappe de balle intéressante.

Quels joueurs ukrainiens vont faire rire l’Europe ?

On pourrait commencer par ses grands espoirs, les vrais, les beaux, ces génies du ballon censés porter la nation au pentacle, des soi-disant talents qui ne s’expatrieront jamais plus loin que Sébastopol, Dnipropetrovsk ou Kiev : nous parlons ici des Garmash, Yarmolenko, Koval, Konoplyanka ou Rakitskiy.
S’attaquer aux faibles, c’est lâche, a-t-on coutume de dire, même en Ukraine où la loi du Talion fait rage. Alors causons un instant d’Andriy Shevtchenko, Ballon d’Or 2004 de son état. 2004, ça date. C’était même une époque lointaine où, paraît-il, les équipes italiennes dominaient l’Europe. Pauvre de lui, il a mal au dos le bon Sheva. Peut-être que son dos à bon dos après tout, qu’il l’emploie comme prétexte pour se dédouaner de toute contre-performance, ou alors l’Ukrainien rêve encore de Suisse, tente le mal dorsal, histoire de s’exempter de service militaire, comme le fait si bien Federer. Pour Sheva, son contrat à Kiev arrive à terme. Mais sa carrière internationale l’est déjà. Et cet Euro sera de trop pour le brave de Dvirkivchtchyna.

Ton gage si l’Ukraine sort au 1er tour ?

Dans les quatre jours précédant la finale, défiler sur l’Avenue Kreshchatyk, les Champs-Elysées de Kiev, où l’on a semble-t-il loué un appartement, avec un maillot de l’équipe qui aura éliminé l’Ukraine. Suède, France, Angleterre, je dois tous les avoir en stock. 

Ton gage si l’Ukraine est championne d’Europe ?

Je porterai un toast à l’église, chaque dimanche matin que Dieu fait, pendant les trois mois qui suivront le sacre de l’Ukraine. Tantôt avec un maillot de l’Ukraine sous le costume, tantôt avec celui du Dynamo Kiev. Promis juré. Santé.

Écrit par Julien Mouquin (pro) et Sacha Clément (anti)

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7 Commentaires

  1. « Et quand tu as la chance de jouer l’Euro à domicile et de tomber sur la Grèce en finale… »
    Rooooooooooh, tu prends le risque de te faire noyer dans une fontaine de Sagrès toi…

  2. Super papier! Par contre de 100 millions à 200 millions c’est 100% d’erreur, 150 à 400 c’est 166%…un détails qui ne change rien sur l’article!

    Impatient de voir comment vont être traité les matchs de cet euro sur cartonrouge!!!

  3. « Camp Nou, 5 novembre 1997, Ligue des Champions. Laporta, Rosell et Guardiola ne sont pas encore passés par là.  »

    On va pas relance le débat, mais Guardiola a passé la majeure partie de sa carrière de joueur au Barça, avant 97, il était le capitaine de la dream team de Cruyff.

  4. « On sait que les architectes ont été conçus pour que les météorologues ne soient pas les seuls à se tromper, »

    La phrase de l’histoire sur cartonrouge!
    Bravo Sacha!

  5. Ouais c’était chouette, l’occasion de se marrer chaque jour. Me réjouis de la suite. Et pour votre pognon, je vais cliquer sur quelques pubs, tiens… ahahahah

    Bisous!

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