Sur un air de déjà-vu

Depuis 20 ans, à chaque tournoi international, la presse nous ressasse sans cesse la fameuse phrase de Gary Lineker «…à la fin c’est l’Allemagne qui gagne». Gageons que du côté de Berlin, Dortmund ou Munich, quelqu’un ne se fie plus à cette maxime, surtout quand l’Italie se dresse sur le chemin de la Mannschaft.

RésuméLorsqu’il s’agit de résumer un match, le rédacteur en herbe peut se retrouver devant deux cas de figure diamétralement opposés. Le match soporifique et la peur de la feuille blanche qu’il peut provoquer (toute référence à un autre finaliste n’étant que fortuite) ou la rencontre palpitante et le souci de tout raconter sans rien oublier. Heureusement pour les amateurs de football, c’est une belle partie à laquelle qui a eu lieu à Varsovie. En effet, cette demi-finale italo-allemande restera, en partie du moins, l’un des plus beaux matches de cet Euro 2012. Mais pouvait-il en aller différemment pour une affiche qui réserve à chaque fois de grandes émotions ?
Comme attendu, l’Allemagne fait une entame de match conquérante. Mais après le quart d’heure initial de stérile domination teutonne, Montolivo et Cassano sonnent la charge et l’Italie qui montre qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration. Quelques minutes plus tard le même Cassano enrhume un Hummels bien passif et sert magistralement Balotelli qui se joue du marquage laxiste de Badstuber pour ouvrir le score de la tête avant de finalement laisser exploser sa joie. Et la Nazionale est bien décidée à ne pas en rester là. Elle subit certes quelques logiques réactions allemandes, notamment par Özil et Khedira, mais elle a toujours un Buffon impérial qui veille au grain. De plus, elle fait preuve d’une grande maîtrise, n’abandonnant pas le jeu aux hommes de Jogi Löw et multipliant les passes avec un Pirlo une nouvelle fois en état de grâce. Quelques minutes après s’être emmêlé les pinceaux dans la surface, Montolivo trouve SuperMario dans la course et celui-ci envoie un missile dans la lucarne de Neuer. Pas préparée à tel scénario, la Mannschaft disparaît jusqu’à la fin de la première période et rentre aux vestiaires littéralement assommée. L’entame de la deuxième mi-temps voit l’Allemagne tenter de revenir dans le match par ses nouveaux entrés Klose et Reus qui ont remplacé les inexistants Podolski et Gomez. Mais cette Italie nouvelle et joueuse qui mène contre toute attente avec deux longueurs d’avance n’en a pas pour autant oublié ses fondamentaux tactiques. Bien organisée et solidaire, elle peut désormais défendre pour agir en contre-attaque et elle aurait tort de s’en priver puisqu’elle peut compter sur les ouvertures lumineuses d’Andrea Pirlo et la vitesse de Balotelli. Reus essaie de redonner de l’espoir aux siens, mais son très joli coup franc de la 62ème est capté par l’inévitable Gigi Buffon. Puis, plus le temps passe et plus les Allemands se font brouillons. Ils tentent de nombreux centres mais sans tromper la vigilance de l’arrière-garde italienne. De leur côté, les Azzurri n’en profitent pas pour tuer définitivement le match sur l’un de leurs nombreux contres et demeurent donc toujours sous la menace d’un retour germanique dans les derniers instants de la rencontre. Et cette épée de Damoclès se fait sentir encore plus intensément lorsque Özil transforme un penalty à la 91ème minute. Mais c’est déjà trop tard pour la Mannschaft qui laisse une fois de plus filer la Squadra Azzurra en finale, comme un air de déjà-vu. Après sa défaite en match de préparation contre la Suisse, l’Allemagne démontre une fois de plus qu’elle n’est pas à l’aise lorsque la mécanique s’enraye et qu’elle doit courir derrière le score. Mais peut-elle vraiment nourrir des regrets sur ce match ? En face d’elle, l’Italie a réalisé un très beau match, dans la lignée de ses prestations précédentes durant ce tournoi. Cette Nazionale est belle à voir, elle offre des émotions et elle arrive en finale de manière méritée et ayant fait taire même ses plus fervents détracteurs. Reste plus qu’à attendre le verdict final.
L’homme du match
Vous me direz que c’est facile : un mec plante deux goals en demi-finale contre l’Allemagne, alors forcément… Oui mais. Pour l’ensemble de sa prestation, SuperMario Balotelli a éclaboussé la rencontre par son talent. Toujours dangereux, il a pesé sur la défense allemande comme un sumo sur une adolescente anorexique. Ses co-équipiers ne sont cependant pas en reste : Pirlo se candidate toujours plus comme le rival de Cristiano Ronaldo à la course au Ballon d’or (même si lui n’en a pas fait une obsession) et Buffon après deux ou trois années en demi-teinte pour cause de blessures est à nouveau au sommet de son art, Reus & Co. vous le confirmeront.
La buse du match
Am-stram-gram… Pas facile de choisir à quel Allemand revient ce titre tant convoité. Parmi les nominés, Hummels et Badstuber y ont mis du leur, mais accabler les deux défenseurs face à la prestation du duo Balotelli-Cassano serait peu courtois. Podolski et Gomez n’ont rien montré durant la mi-temps qui leur a été impartie, mais on leur laissera le bénéfice du doute sur une hypothétique amélioration s’ils étaient resté sur le terrain au retour des vestiaires. Par contre, durant tout le match, on a bien tenté d’appeler tous les hôtels de Majorque, de Rimini et d’Ibiza pour savoir s’ils n’avaient pas vu un certain Bastian Schweinsteiger. Tous nous ont assuré que le munichois était bien sur la pelouse de Varsovie. Wirklich ? Nicht gesehen. Une année 2012 à oublier pour Schweini, es tut mir leid.
Le tournant du match
Le premier tournant du match, c’est le deuxième but de Mario Balotelli. À ce moment-là, c’est un tel coup d’assommoir pour les Allemands, qu’ils mettront beaucoup de temps à remettre la tête dans la partie. Le deuxième tournant du match c’est la parade de Buffon sur le coup franc de Reus à la 62ème, car psychologiquement elle est plein de sens. Gigi semble dire à ses adversaires et à la planète entière «da qui non si passa».

Le geste technique du match
On pourrait parler du joli dribble de Cassano sur l’ouverture de la marque ou de la coordination de Balotelli pour son boulet de canon du 2-0. Mais l’envolée de Buffon mentionnée ci-dessus est d’une pureté incomparable. Sa main ne tremble pas et le geste est parfait. Souvent, les poètes observent et décrivent le travail manuel des artisans, cet art du touché qu’ils ont avec leur matière de prédilection. Eh bien, cette parade est une véritable poésie à elle toute seule.
Le geste pourri du match
Une fois n’est pas coutume, le geste pourri du match a eu lieu hors de la pelouse : les habituels gros titres stéréotypés et provocateurs de la presse allemande avant un match contre l’Italie. Spaghetti et mandoline dans les bons cas, fainéantise et mafia lorsque le nauséabond est de rigueur : gageons que la nombreuse communauté italienne qui réside outre-Rhin aura su prendre ceci avec ironie, surtout au moment de célébrer la victoire.
Les anecdotes
– Sur son deuxième but de la soirée, SuperMario enlève son maillot et l’on voit apparaître trois bandes dans son dos. Il s’agissait de pansements musculaires et non pas d’une reproduction du logo de la marque fondée par Adolf Dassler. Mais si cela avait été un coup de pub pour l’équipementier partenaire de l’UEFA et de la FIFA depuis de nombreuses décennies, les instances faîtières du football auraient-elles réagi de la même manière qu’avec Bendtner ?
– On ne sait pas si Angela Merkel et Mario Monti ont fait une pause durant le sommet européen d’hier (débuté à 15h et terminé tard dans la nuit) afin de suivre la ensemble la rencontre (avec François Hollande comme arbitre peut-être). Mais au petit matin, l’axe Rome-Paris remportait une «victoire» d’un autre type face à la rigide rigueur allemande. Encore un accord à Lannoy ?
Le match vu par les Allemands
Sur une plage de Rimini, 35°C. Heinrich, le corps recouvert par une couche de crème solaire de 3 cm d’épaisseur, s’adresse à sa femme : «Il fait trop chaud. Liesel, donne-moi un peu de bière pour me rafraîchir. J’ai soif de victoire, ahahah. Tout le monde le dit, nous sommes les plus forts et nous allons gagner l’Euro». Une heure et demie plus tard: «Berk, cette bière n’a plus aucune saveur. Aie, j’ai la peau toute brûlée. Je comprends Frau Merkel, depuis 2004 ce sont toujours les Grecs, les Espagnols et les Italiens qui nuisent au bon déroulement des opérations et plombent le cours de l’Euro. Et ce Gary Lineker, il n’aurait pas pu se taire ?!? Depuis qu’il a ouvert la bouche, on ne gagne presque plus.»
Le match vu par les Italiens
«On n’est pas superstitieux eh, vous le savez, mais il faut admettre qu’il y a des signes qui ne trompent pas. Les scandales, l’Allemagne battue en demi-finale : c’est des signes, je vous dis. Par contre ça m’énerve tous ces gens qui disent qu’on joue finalement bien alors qu’on gâche autant d’occasions de buts, même le Chievo n’est pas si mauvais. Mais non, je rigole.»
Le match vu par Super Mario (le vrai, celui de Nintendo)
«Et hop, je prends le champignon magique. Et hop je rentre dans le tuyau. Et hop, je cours contre le méchant qui est toujours plus grand et plus fort que moi. Et hop, je lui lance une carapace de tortue verte. Et hop, je lui lance une carapace tortue rouge. Et hop je gagne. Contre Bowser, c’est un peu comme contre les Allemands. Il semble plus fort, il montre les crocs, il grogne, mais à la fin c’est toujours une victoire facile.»

Écrit par Mirko Martino

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8 Commentaires

  1. Bel article Mirko, mais fous-voir la paix à ces pauvres adolescentes anorexiques, elles ont déjà assez de soucis comme ça ;-P
    Disons que certes Shcweini n’a pas brillé du tout durant cet euro, mais revenant de blessure ce n’est pas le premier de l’histoire. Et sans aucun doute le fait que le moins naturellement doué des trois milieux allemands ait été le meilleur est une clé de ce nouvel échec. Mais pour moi la buse du match, et somme toute de l’euro allemand, c’est prioritairement Löw. Qui s’est amusé à changer son trio offensif face à la Grèce mais n’a vraiment plus su qu’en faire après, à se demander s’il n’a pas joué aux dés à l’heure de choisir entre Podolsky, Reus, Schürrle, Müller, Kroos pour deux postes, Gomez et Klose pour celui de devant (bon, ça c’est plus habituel). En 2010 l’absence de Müller pour suspension avait pesé face à l’Espagne, et il n’aura certes pas brillé de mille feux, mais que Löw s’en soit privé reste un mystère pour moi, surtout au vu qu’il ait aligné Podolsky?!? Müller il a quand même cette « tronche » d’allemand, ce côté sanguin, on ne lâche rien, et bien qu’il joue sur l’aile, son profil me semble plus celui d’un attaquant, mais justement, en partant de l’aile il est très bon pour venir se greffer à Gomez ou Klose en renard des surfaces. Bref, c’est incompréhensible pour moi de s’en priver, surtout, j’insiste, en mettant Podolsky. Parce que s’il met un trio Kroos-Ozil-Reus, je vois qu’il opte plutot pour la technique et le jeu intérieur en demandant aux latéraux d’élargir le terrain. Mais là, ce n’était pas le cas. Enfin, je ne sais pas si c’est purement subjectif, mais en conférence de presse j’ai vu un Löw bien trop arrogant et sûr de soi, et comme qu’il avait la tête en finale déjà! Et à ce niveau là, tu ne peux te permettre de telles frivolités.
    L’Italie a pour sa part tous les ingrédients de sa recette victorieuse, bazar extra-sportif avant la compét, suspense pour sortir du groupe, montée en puissance au fur que la compétition avance. Et trois fuoriclasse aux postes clé, Buffon, Pirlo et Balotelli, une équipe globalement organisée, et deux joueurs un peu différents et atypiques, Cassano et Montolivo. Au premier manque la condition physique, au second une dose de testostérone, mais si bien ce ne sont pas les piliers de l’équipe, ils ont cette touche de technique et créativité qui encadrée par une équipe organisée peut être létale. Un match de football est long, 90 min, mais il se décide sur de courts instants, des détails, et Montolivo et Cassano ont cette capacité de créer le détail (2 ballons de Cassano, un but et sur l’autre Montolivo s’enroule les pinceaux, un pour Montolivo sur le 2è but). Bref, objectivement je vois l’Italie lever la coupe demain soir, même si subjectivement, vu que je suis un sale espingouin ;-P j’espère que ce sera l’inverse.

  2. bla bla bla

    7 losers du Bayern,
    1 loser de Köln (bientôt loser à arsenal)

    il ne faut pas aller chercher plus loin…
    avec Müller : 1 loser de plus

    pourquoi se priver de joueur qui gagnent pour faire jouer des losers arrogants ???

    Löw ne peut que se trouver un nouveau club, n’importe qui fait une demi finale avec son effectif

    Et surtout… bravo à l’Italie

  3. Assez d’accord avec Denis, J’ai de la peine à comprendre pourquoi le double champion d’Allemagne et vainqueur de la Coupe n’avait qu’un titulaire sur le terrain et le Bayern, qui a perdu tous les titres possibles cette année, entre 6 et 8 joueurs…d’ailleurs je crois que ce qui a perdu la Mannschaft, entre autre, contre l’Italie, c’est qu’a aucun moment ils n’avaient intégré dans leur esprit la possibilité d’être mené au score. Donc à 0-2, ils se sont trouvés tout perdus, ne sachant quoi faire pour remonter ce handicap ! Et ça , ça engage aussi complètement la responsabilité du coach.

    Bon à leur décharge, cette Italie là est vraiment très forte et mériterait pleinement d’aller au bout ! On leur tient les pouces pour mettre fin à l’hégémonie espagnole !

    P.S. : Croyez moi ou pas, même un certain Julien M. , chroniqueur régulier sur notre site favori, et grand supporter de la Mannschaft sera dans le stade, affublé d’un T-shirt aux couleurs de la Squadra Azzura !!
    (sorry Julien, j’ai pas pu m’empêcher…)

  4. Nous nous réjouissons d’avance de lire le prochain article de Julien Mouquin suite à la magnifique démonstration de l’ Espagne en Finale. A moins que Mouquin soit en dépression?

  5. Oh oui, oh oui, oh oui…Julien où es-tu ? On t’attend de pied ferme !
    Viens nous dire à quelle point cette équipe d’Espagne a été ennuyeuse à regarder et outrageusement favorisée par l’arbitre…hi, hi, hi…Vive l’Espagne…vive la meilleure équipe de l’histoire !!!

  6. Ton gage si l’Espagne est championne d’Europe ?

    Cela n’a aucune chance d’arriver, alors je triple la mise : 1) je m’engage à ne pas revendre mon billet pour la finale, même si l’affiche c’est Espagne – Italie (en même temps, qui voudrait racheter un ticket pour une affiche aussi moisie ?) 2) je resterai dans les travées de l’Olimpiyskiy pour assister à la remise du trophée au capitaine espagnol 3) je m’engage à m’infliger le pénible «spectacle» d’un match du Barça dans la non-ambiance du Camp Nou la saison prochaine avec un maillot floqué Iniesta.

    1) moisie, la finale?
    2) en buvant une San Miguel?
    3) oublie pas de mettre des sparadraps sur les tétons.

  7. Oui en effet, j’avoue que je suis en train de faire une grosse déprime !
    Mais quelle HORREUR l’ Euro 2012. Cela a commencé avec l’élimination de la Mannschaft contre l’Italie…puis, le pire a été cette victoire éclatante de la Roja hier soir qui a écrit l’histoire en gagnant un 3 ème trophée de suite en réalisant un festival de beau football !
    Le plus terrible c’est qu’il n’ y a eu aucune décision arbitrale en faveur des espagnols. De plus, les crevettes à l’ail ont tellement bien joué, que si j’ose dire qu’ils ont eu de la chance relevrait de la mauvaise-foi…et la mauvaise-foi, vous le savez, ce n’est pas mon genre.
    Bon, vous comprendrez aisément qu’avec tout ce que j’ai pu écrire sur le foot espagnol depuis 4 ans, je ne peux vraiment pas emmettre des éloges aujourd’hui…c’est au-delà de mes forces.
    Et même si je suis le seul au monde à le penser, je continuerai à clamer haut et fort que les joueurs espagnols sont tous des tricheurs, dopés, simulateurs, aidés par les arbitres, et qu’ils ne méritent aucune de leurs nombreuses victoires et aucun de leurs titres…booouuu !

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