HCC – Thurgau : la quinzième, la plus belle !

Etre supporter du HC Thurgau est une véritable philosophie de vie, un long sacerdoce durant lequel il est impératif de trouver un savant équilibre entre autodiscipline et second degré, sous peine de sombrer irrémédiablement dans une profonde dépression pouvant mener à la folie la plus totale.

De désillusion en désillusion, le supporter thurgovien a appris, au fil des années, à porter un regard différent sur le championnat de LNB, et à savourer les petits riens de l’existence. Un apéro sympa lors d’un déplacement à Malley, la découverte d’une nouvelle sorte de saucisses au Schoren, ou, pourquoi pas, un petit point récolté contre telle ou telle équipe, suffisent largement à son bonheur. Le supporter thurgovien sait se contenter de peu, il a le sens de l’humour et a réussi à ériger la défaite en véritable art de vivre. Son amour pour ses couleurs est aussi absurde qu’indéfectible. Lorsqu’il entend un supporter d’une équipe normale se plaindre de quelques malheurs (deux défaites consécutives ou une position en milieu de classement, par exemple), le supporter thurgovien ne peut se retenir de rire sous cape. Comment pourraient-ils comprendre ? Comment pourraient-ils imaginer l’état dans lequel on se trouve après des années passées sous la barre ? Ah, le milieu de classement ! Quel luxe!
Il existe un cas encore plus hallucinant que le cas du supporter thurgovien classique qui habite au bord du lac de Constance : c’est le cas du supporter thurgovien qui habite à La Chaux-de-Fonds ! Le sommet des sommets ! De par sa situation géographique, le supporter thurgovien qui habite à La Chaux-de-Fonds sait que le 90% des matchs de son équipe préférée auxquels il pourra assister se déroulera aux Mélèzes, une patinoire fatale dans laquelle le HC Thurgau ne gagne absolument jamais. Même une défaite en prolongations, synonyme d’un petit point, semble inimaginable.
Alors que les Suisses Orientaux créent parfois quelques surprises à la Liternarena ou au Kleinholz, patinoires jugées pourtant difficiles, ils repartent inlassablement bredouilles des Mélèzes, souvent avec un total de buts encaissés proprement sidérant, comparable au nombre de fruits sur un pommier de leur charmante contrée. A l’heure actuelle, on en est à 14 défaites de suite ! Et dans le temps réglementaire, s’il-vous-plaît ! Pour que le lecteur de Carton Rouge puisse se faire une petite idée de cette ahurissante collection, les voici, de la plus récente à la plus ancienne : 8-2, 4-1, 4-3, 6-3, 4-0, 8-1, 7-3, 9-4, 6-2, 5-3, 8-0, 8-4, 5-3 et 5-1.

Le supporter thurgovien qui habite à La Chaux-de-Fonds n’a d’autre choix que d’y assister impuissant, d’une saison à l’autre, accablé par un profond sentiment de fatalité. Au fil du temps, il a même appris à savourer ces défaites à répétition car il a remarqué qu’elles avaient toutes un petit quelque chose d’unique, une personnalité bien à elles, de la bonne vieille râclée des familles à la défaite frustrante alors que le score était encore favorable à dix minutes de la fin. Autour d’une bonne bière ou d’un thé-rhum à la buvette, il subit avec un certain plaisir masochiste les railleries d’après-match de la part de ses amis supporters du club local, conscient de son héroïque résistance à la douleur.
La dernière victoire de Thurgau aux Mélèzes remonte au 1er février 2005. Sept ans et demi, une éternité ! Il fut une époque bénie, encore plus lointaine, celle des Mike Posma, des Dan Daoust et autres Rolf Schrepfer où le déplacement à La Chaux-de-Fonds, comme dans beaucoup d’autres patinoires de LNB, s’apparentait à une ballade de santé, une petite victoire de plus, en somme… Une époque difficile à concevoir.
Avant le début de cette nouvelle saison, les dirigeants thurgoviens ont gratifié l’assistance du discours habituel : la campagne des transferts a été bonne, les étrangers sont performants, les jeunes bien intégrés et cela fait de longues années que l’équipe n’a pas été aussi compétitive. Après deux journées de championnat et autant de sèches défaites, contre les cadors que sont Martigny et Grasshoppers, le HC Thurgau occupe déjà seul cette bonne vieille dernière place, ce petit nid douillet dans lequel on se sent si bien. On avait presque eu peur ! En Suisse Orientale, les conservateurs n’aiment pas trop que les habitudes soient chamboulées.
Telle est donc la situation avant ce HCC-Thurgau, cuvée septembre 2012. A noter encore que la petite spécialité du jour est le retour de Marco Charpentier dans la Cité Horlogère, sous les couleurs vertes et jaunes. Pour le reste, la question était de savoir quelle saveur aurait cette quinzième défaite de rang : une bonne grosse pâtée comme la dernière, ou quelque chose de plus subtil, de plus raffiné ? Les plus éclairés d’entre nous étaient impatients d’obtenir des réponses à leurs interrogations.
Et ne seront pas déçus. 9 à 7, un véritable petit bijou d’absurdité. Cette quinzième défaite de suite, au soir du 22 septembre 2012, est assurément la plus belle de toutes, tant elle frise l’irréel, et tant sa cruauté est digne des 120 Journées de notre divin Marquis. Perdre la totalité de l’enjeu après avoir mené 6 à 2 et avoir présenté du hockey acceptable, est statistiquement impossible, sauf si le HC Thurgau joue aux Mélèzes. Les sortes d’encouragements à l’accent rocailleux des gens du coin n’y sont pour rien, ni leurs commentaires éclairés, et encore moins la qualité des joueurs chaux-de-fonniers. Le résultat du match de samedi soir relève d’un ordre dont le spectateur lambda n’a absolument aucune conscience. Des forces obscures sont à l’œuvre, on les entend comploter dans l’ombre et leurs desseins sont aussi noirs qu’un pantalon d’arbitre. Satan lui-même est impliqué, c’est évident.
(Cet article est soutenu par la diaspora thurgovienne de Suisse Romande et par les merveilleux T-Shirts Spartak)
Photo Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Magnus Schmid

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4 Commentaires

  1. un seul mot….courage pour ton pensum annuel a suivre ton équipe et reviens partager tes états d’ame sur CR car c’est a la fois émouvant et drole a la fois !!!

  2. Superbe article Magneute, digne des plus beaux de carton rouge! On se réjouit dors et déjà de la 16e, avec, espérons le, un dénouement encore plus beau!

  3. Le plus drôle c’est quand Satan prend possession du cerveau des joueurs adverse et dans une manipulation des plus fines et calculée, les fait se « charger » derrière leur propre cage! Tout un symbole! Mdrrrrrr

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