Derby sieg !

Pour beaucoup d’amateurs de hockey sur glace, le seul et vrai derby en Ligue nationale B c’est LHC-Martigny. Pour beaucoup de Genevois, cela semble aussi être le cas. Les 4’819 spectateurs annoncés hier – quand le LHC cessera-t-il cette farce grotesque d’annoncer des affluences «abonnements comptés» ? – en ont eu pour leur argent. Sur la glace, mais aussi dans les gradins.

Derby dans les gradins

On le sait, dès l’année prochaine, les matchs classés «à hauts risques» dans la plus haute catégorie de jeu en hockey sur glace (tout comme en football) seront sans alcool. On sait depuis longtemps la débilité et l’inutilité d’une telle décision, on en connait aussi la raison réelle. Il s’agit de débarrasser les stades et patinoires des vrais supporters populaires pour laisser le champ libre à la cohorte de VIP qui envahissent toujours plus les travées des enceintes sportives. La preuve: les invités ne seront pas touchés par cette mesure idiote. Ils pourront continuer à siroter leur champagne en se demandant quel est le rôle du type avec un brassard orange ou pourquoi le monsieur en noir siffle-t-il avec le bras levé. Cette stratégie a parfaitement fonctionné au Royaume-Uni. Ceux qui se sont aventuré une fois dans les travées huppées d’Old Trafford ou d’Anfield comprennent parfaitement ce que je veux dire. Si en plus ils ont eu le privilège d’avoir assisté à une rencontre de Championship, au mythique Elland Road par exemple, ils savent encore mieux comment on fait pour fusiller la légende avec un tel choix politique crétin.
Cela dit, si la CCDJP (Conférence Cantonale des Directeurs des Départements de Justice et Police) s’est vu contrainte de répéter l’erreur politique majeure des Britanniques, c’est qu’il y a une raison. On a pu en apercevoir un subtil exemple hier soir au CIGM. Le ton était donné dès l’entrée: barrière, renforcement de sécurité, dispositif des rambos policiers aux endroits stratégiques; le match du soir était classé à «très hauts risques». La raison: une petite dizaine de «supporters» martignerains accompagnés pour l’occasion d’une délégation des Irréductibles Grenats, de loin pas les plus malins (y en a-t-il ?), qui se sont comportés en véritables animaux. Jets de bière et de verres, insultes, bras levés. Soyons honnête, si cette faune ne venait pas polluer les gradins des patinoires et stades, on pourrait encore fraterniser avec les vieux des Red Lions (ceux du Forum, pas les Indiens) autour d’un godet de blanc – vaudois ou valaisan – à chaque derby. Mais comme souvent, une ridicule minorité emmerde l’écrasante majorité. Pourtant la solution est limpide : au gnouf pour la durée des rencontres de «son» équipe à celui qui s’est chopé une interdiction de patinoire.

Derby sur la glace

Le diesel lausannois a quelques ratés en ce début de saison, c’est un euphémisme que de le dire. L’évolution des résultats des parties entre le LHC et les Valaisans du coude du Rhône en est symptomatique. Défaite 5-3, victoire aux tirs aux buts 4-3 et victoire fleuve 6-1. Pour qui a assisté aux trois rencontres, la dégringolade de la performance du HC Martigny est encore plus flagrante que l’évolution positive du LHC. Cela n’enlève pas le mérite des boys de Gerd, ni celui du néo-promu. Hier, la copie rendue a été presque parfaite. Puissance dans les checks, passes arrivant presque toujours au destinataire et domination territoriale des Lausannois. Les Valaisans, eux, ressemblent de plus en plus à un HC Ajoie du pauvre: un gardien moyen, une première triplette de feu et une grosse masse de joueurs qui ne font qu’un shift ou deux par match. A ce rythme-là, les deux premiers tiers ont été à l’avantage des Lausannois. 1-0, 2-0, 3-0, 4-0, 5-0 facile. Les doigts dans le nez. Un second bloc Conz-Helfenstein-Berthon splendide de justesse qui montrait la voie à suivre et qui a scoré la moitié des réussites lausannoises (dont l’une en infériorité numérique !), et un Huet des grands soirs (quel arrêt !). En face, à l’exception d’une ou deux rares incursions du premier trio, on subissait et on admirait la glace vierge de toute griffure devant le brave Todeschini remplacé après le second but lausannois par Lory.
Le match semblait se diriger vers un standard LHC-HC Desmarais Valais avec victoire fleuve vaudoise au bout, comme à l’habitude. Il a fallu un véritable pétage de plomb de Kelly pour que le match se transforme en véritable derby. Kelly quasiment seul face à Huet tire, Huet dévie sur l’extérieur de sa cage ce qui a le don d’énerver le Topscorer martignerain. C’est le tournant du match. Une nervosité qu’il a transmise à ses coéquipiers: petits coups de pute, cannes «là où il faut», charges dans le dos… Les coups se sont mis à pleuvoir à l’orée de la 47e minute, les pénalités aussi. Pendant un moment on s’est pris à rêver de revoir le merdier que ce fut il y a 20 ans contre cette équipe qui s’appelait alors HC Martigny, ou un peu plus tard contre le SC Langnau. Une baston générale. Des matchs qui restent gravés à tout jamais dans les mémoires de ceux qui les ont vécus. Hier soir, la victoire fut lausannoise, pour le derby on reviendra… Un derby d’hommes oui, mais un derby historique non.
Photo Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne – HC Etoile Rouge Red Ice Verbier Mont-Fort Entremont Martigny-Croix Chemin-Dessus Sembrancher 6-1 (2-0, 2-0, 2-1)

Malley, 4’819 spectateurs.
Arbitres : Küng, Huguet, Wermeille.
Buts : 3e Augsburger (Dostoinov) 1-0, 8e Berthon (Conz, Helfenstein) 2-0, 36e Setzinger (Genoway) 3-0, 39e Berthon (Helfenstein, Conz) 4-0, 45e Helfenstein (Stalder, Conz) 5-0, 47e C.Kelly (MacMurchy) 5-1, 55e Le Coultre (Setzinger, Bürki) 6-1.
Pénalités : 7 x 2’ contre LHC + 10’ (Genoway) ; 5 x 2’ + 10’ (Savary) contre Red Ice.
Lausanne : Huet; Fröhlicher, Kamerzin; Leeger, J.Fischer; Chavaillaz, Borlat; Reist, Stalder; Antonietti, Augsburger, Conz; S.Fischer, Helfenstein, Le Coultre; Setzinger, Dostoinov, Genoway; Bürki, Berthon, Primeau.
Red Ice : Todeschini (7e Lory); Maret, Flückiger; Girardin, F.Stephan; Ryser, Iglesias; Vermeille, Sutter; Spolidoro, Portmann, Dähler; Depraz, Rimann, Malgin; Grezet, Wirz, Bartlome; Savary, McMurchy, C.Kelly.

Écrit par Vincent Keller