Chronique d’un échec

Ce n’est une secret pour personne : Sion ne sera pas champion cette année ! Force est de constater que le résultat est très décevant compte tenu de l’investissement consenti. Sion s’en sortira au mieux à la troisième place, au pire bien plus bas dans les abîmes de la Super League. Tentative d’explication en cinq points.

1. Le manque de respectLorsque six entraîneurs se succèdent sur le banc en moins d’une saison, il est naturel de se poser des questions. Ces questions doivent être de nature diverse. Qui a choisi ces gens visiblement peu taillés pour l’emploi ? Pourquoi ont-ils été licenciés ? Comment se fait-il qu’aucun n’ait su correspondre au profil idéal d’entraîneur ? On peut répondre à ces questions de manière assez simple et synthétique puisque tous les éléments nous ramènent à un homme. Plus que l’homme, c’est la notion de respect qui devrait être évoquée. Comment peut-on porter aux nues un individu dans la presse pour le licencier quelques matchs plus tard ? Est-il concevable de parler d’«homme de la situation» quand il s’agit en fait d’intérimaire ? Peut-on douter des capacités de six professionnels du terrain au nom d’une vision personnelle et égoïste ?

Sion a vu défiler sur un banc branlant des personnes de renom, portant avec elles savoir-faire, expérience et humanité. Aucune n’a fait l’affaire aux yeux du boss… Les choix de ce dernier sont subjectifs mais le respect qu’il aurait dû accorder à plusieurs d’entre eux devrait aller au-delà de leur contrat. Contrairement à lui, eux possèdent un sésame qui leur donne une certaine légitimité, pas seulement un pouvoir dérivé d’avoirs financiers.
2. Ingérence
S’installer sur le banc à la place de son entraîneur, lui interdire d’effectuer des changements, prendre les décisions sportives à sa place, pénétrer dans l’intimité du vestiaire, gérer les transferts sans le consulter, tels sont les habitudes d’un président trop souvent mêlé à des affaires qui devraient ne pas l’atteindre. La gestion sportive d’un groupe doit revenir à son manager, et lui seul devrait en être responsable. Cette maxime aussi simple que limpide a permis aux plus grands clubs d’obtenir des résultats. Croyez-vous que Glazer dicte à Ferguson ses remplacements ? Ou que Perez s’immisce dans le vestiaire de Mourinho à la mi-temps ? Dans les grands clubs, les frontières sont bien définies et surtout respectées. A Sion, elles sont relatives et bafouées avec les conséquences que l’on connaît.
3. Choix financiers plutôt que stratégiques
La conquête du titre n’était visiblement pas l’objectif majeur de la saison actuelle. Si c’était le cas, il faut m’expliquer comment Sion a accepté de céder son meilleur joueur à son plus grand adversaire à la pause hivernale ? Donner Serey Die à Bâle relevait du suicide sportif. Meneur affirmé et dépositaire du jeu valaisan, l’Ivoirien pouvait certes être cédé mais certainement pas à notre plus sérieux adversaire dans la course au titre.
Et quitte à jouer ce jeu de «je te vole tes meilleurs joueurs», pourquoi Sion, dont les moyens financiers sont assez conséquents, ne s’aventure-t-il pas sur ce terrain ? Dérober Zuber à GC ou Scarione à Saint-Gall ? La réponse est simple : ces joueurs confirmés demandent des salaires et investissements élevés. Il convient donc plutôt de s’aventurer en Afrique du Nord ou à l’est pour recruter des stars au rabais. Ou de débourser une fortune pour vendre des maillots à l’effigie d’une gloire passée…
L’idée de dénicher des pépites est intéressante, encore faut-il disposer d’une cellule de recrutement digne de ce nom. Et cela requiert également des investissements que la direction n’est pas encline à consentir. A force de trop vouloir économiser, Sion se retrouve avec Manset, Danilo ou Prijovic en réserve.
4. Absence de projet
GC végétait encore en queue de classement la saison dernière. On parlait même de possible faillite du club zurichois. Depuis son dernier titre en 2003, le club réfléchit et construit un vrai projet. Il recrute des joueurs affirmés et habitués aux conditions de jeu suisses, mise sur ses talents et investit de manière ciblée. Tout l’inverse de ce qui est fait à Sion. Avec un budget largement inférieur à celui du FC Sion, GC est aujourd’hui 13 points devant Sion et ses stars… Toujours en course pour le titre et certainement qualifié pour le tour préliminaire de la Champion’s League.

Similairement, Saint-Gall a aussi galéré dernièrement. Relégué puis promu, le club du feu Espenmoos a lui aussi misé sur un vrai projet avec le succès que l’on connaît. Et quitte à passer pour un imbécile, j’ose aujourd’hui affirmer que Lausanne est certainement plus proche que Sion de remporter un titre de champion suisse durant les dix prochaines années.
Au-delà de l’éternel débat sur la formation, l’incompétence de la cellule de recrutement, l’instabilité au poste d’entraîneur, le manque d’ossature fixe et l’absence totale de solidarité et de combativité de cette équipe, les intérêts très divergents des acteurs du «projet» Olympique des Alpes ne permettent pas d’entrevoir autre chose qu’une Coupe chaque trois ans… Mais si cela satisfait le Roi, que demande le peuple ?
5. Instabilité
Bâle et Zurich ont tout raflé sur la scène helvétique depuis 2003. L’idée de se pencher sur leur réussite et de l’analyser semble être une évidence pour toute personne qui ambitionne d’avoir autant de succès que ces équipes. Un survol très bref permet aisément de constater, au-delà de projet bien ficelés (et des moyens financiers conséquents pour Novartis FC), que nos deux «winners» ont su adopter une relative stabilité depuis 10 ans.
Aussi bien au niveau de l’encadrement que de la formation, les lignes définies sont claires et rien ne saurait faire dévier les collectifs de leurs ambitions. Lors de passes difficiles, les entraîneurs sont soutenus, les fauteurs de troubles exclus et les aspirations du club toujours mis en avant par rapport aux intérêts personnels.
Le climat de confiance instauré par une gestion sportive saine et stable ne tarde jamais à porter ses fruits, surtout dans un championnat aussi peu compétitif que celui que nous connaissons en Suisse. La Suisse possède exceptionnellement deux places qualificatives pour la ligue de Champions et Sion aurait pu en prendre une cette année. Cependant, le travail nécessaire à cet accomplissement aurait dû commencer en 2006, lors du doublé promotion-Coupe Suisse. Malheureusement, depuis là, Sion a vu défiler plus de 100 joueurs sous contrat et 22 entraîneurs différents. A partir de ces deux chiffres, difficile d’espérer autre chose que des places d’honneurs !
Photo Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Ernest Shackleton

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4 Commentaires

  1. « Mais si cela satisfait le Roi, que demande le peuple ?  »

    Du jeu, du plaisir, des émotions bordel !

    Marre de bouffer de la merde tous les week-ends depuis 5 ans.

  2. Bonne analyse
    Tant qu’un président défend un entraîneur, il est respecté par les joueurs, donc « entendu » et le travail porte ses fruits. Tant qu’un président donne du crédit aux joueurs plus qu’à son entraîneur, c’est fini, mission impossible, plus de respect, plus de crédibilité.
    La preuve à Sion, aujourd’hui CC a son entraîneur comme gourou, donc les joueurs adhèrent et vénèrent leur entraîneur-joueur capitaine.
    Trop cool
    Pas d’accord pour Lausanne…la plus faible équipe du championnat

  3. Article intéressant et très pertinent. Mais d’une vue un peu plus éloignée, on apprécie ce genre de couleurs (médiatiques plus que sportives) dans le championnat. Mais dans ce cas, ma foi, une équipe doit en faire les frais.

  4. Je persiste a dire que les pigeons d’or ne devraient pas être fermés a ceux qui l’ont gagné une fois. Imaginez le palmarès qu’aurait CC… Depuis tout ce temps il aurait eu de bien plus belles victoires au pigeon d’or que sa première.

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