Andy, celui qu’on adore détester

Il est grand. Il est beau. Il est riche. Il est drôle. Il est doué. Il est footballeur, mais pas tatoué. Il est talentueux, mais jamais reconnu comme tel. Présentation d’Andy, né dans le Tyne and Wear anglais. Un incompris dans le monde du foot, qui a compris ses valeurs.

C’est l’histoire d’un homme, que nous appellerons ici Andy*. Il est grand (191 centimètres). Il est beau (même si les hommes – quels ignares – le jugent souvent comme quelconque, un brin désarticulé estiment les uns ; une coupe de cheveux à écourter au plus vite jugeront les autres, ces mecs que nous qualifierons ici, très poliment, de machos arriérés).Andy, il a également un passé chérot (les gérontes au pouvoir, du côté de Liverpool, ont payé cher pour sa crinière : 35 millions de pounds. Un montant astronomique à amortir incessamment – c’est le monde des affaires qui le veut ainsi, dit-on dans le milieu du foot).
Andy, il a cette faculté de faire rire l’assistance masculine, à défaut de la séduire (en janvier 2011, il s’est blessé à la hanche en tombant d’un… tabouret de bar après une série de Jägerbombs).
L’homme que nous appellerons donc Andy, malgré cette image cabossée, en a enfilé des pions, du côté de la région morne des Geordies, à Newcastle. 31 buts en 80 matchs pour être précis. Corollaire : le chevelu fait alors son apparition sur la scène internationale, à 22 ans. On le découvre sous toutes les latitudes, à la télé, en mondovision. Là encore, il ajuste le cadre et claque quelques buts, deux en neuf sélections, quand même. L’homme aux cheveux trop longs, physique honni des hommes frustrés, le voilà qui cartonne subitement auprès de la gente féminine. Bel hidalgo aux fesses rebondies, le muscle idoine, corps hybride, poil tondu à ras, le mec qui renvoie aux fantasmes ubuesques, les femmes rêvent de le voir frapper à leur porte en tenue de plombier, tordre ses biscottos sur le carrelage de leur salle de bains, la chevelure transpirante qui lui plaque le t-shirt sur son buste glabre. C’est qu’il est beau comme le diable, notre hidalgo, que nous appelons donc Andy.

Mais seulement voilà. Ces mâles qui ont du succès – l’être humain est ainsi fait –, on se décide à les saborder. Par jalousie, peut-être. Ou par inclairvoyance. Subitement, Liverpool ne veut plus de son talent, les Scousers n’en peuvent plus de sa tronche. Son entraîneur Rodgers (que nous appellerons ici, par simplification, Brendan) a d’autres plans.
Andy le long Anglais, l’immense dandy, il est bien trop grand. Il n’est pas assez agile dans les petits périmètres, pas assez technique dans la surface, pas assez vif dans sa prise de balle, pas assez bon, en somme. Du moins v’là l’avis du bon Brendan.
Andy est donc cloué au banc, sur le pilori du business, l’étiquette à 35 millions qui lui colle à la peau. La honte. L’infamie. La catastrophe. Pire, Brendan ne dispose que de deux authentiques attaquants dans ses rangs : un simulateur de vol uruguayen (que nous appellerons ici Luis) et un baroudeur italien (que nous nommerons ici Fabio). Malgré le manque d’utilités offensives, en quantité comme en qualité, Brendan veut à tout prix chasser Andy. L’excommunier. Le renvoyer sur ses terres natales du Tyneside chez les Magpies, voire ailleurs s’il le faut. N’importe où, du moment que ce n’est plus à Liverpool, là où l’effet Brendan interdit les longs ballons aériens.
Celui que nous nommons désormais Andy, il fait pourtant énormément pour se repentir, pour trouver enfin grâce aux yeux de Brendan. Il va représenter son pays sur le front ukrainien, inscrit un but merveilleux face à la Suède sur une offrande de son (futur ex-)capitaine à Liverpool, Steven Gerard. Ce but a toutes les vertus d’un ballet aérien, le coup de tête à Andy est parfait : détente, timing, justesse, équilibre. Mais il en rajoute quelques couches, pour la forme et la beauté du geste : puissance, détermination, conviction. C’est but. Et pas n’importe comment. Une mine. Une obole. Une pétufle. Une mandale. Un coup de boule hallucinant. Andy envoie de la tête comme peu envoient des pieds. Il inscrit là l’un des plus beaux buts de la tête de l’histoire du sport qu’on vous dit (regardez bien le ralenti), peut-être juste derrière un olympien qu’on nommera ici Basile.
Mais Brendan ne veut toujours rien savoir. Il faut le larguer ailleurs, Andy.
Et c’est là que les Hammers le débusquent, opportunistes. Andy est (enfin) prêté à un club à la hauteur de sa stature, un club grand par la tradition, par le cœur et par l’histoire : West Ham United. West Ham, ce n’est évidemment pas aussi huppé que Liverpool. Bien moins glamour, certes. Et durant une bonne partie de la saison, les blessures turlupinent Andy, le tracassent, mais peu à peu, il trouve ses marques. 18 matchs, 6 buts.
Très vite, il devient un fan favorite parmi la meute du Booby Moore Stand. Sa volonté en fait une force reconnue. Son agressivité le confine au rang des mecs à surveiller absolument. Sa passion débordante pour le jeu le hisse aisément dans la catégorie des meilleurs attaquants anglais du moment.

Mercredi dernier face à Manchester United (2-2), il a catapulté Evra et De Gea dans un duel aérien (45e) carrément violent. Les deux pauvres Mancuniens sont au sol, Andy, lui, est debout, et il réclame déjà un corner. Acclamations du Sir Trevor Brooking Stand. Clameurs de l’Alpari Stand.  L’ovation rugit de l’East Stand. Andy, il met la misère à la paire Vidic-Ferdinand, 90 minutes durant. Sur l’ouverture du score (17e), il offre un assiste impeccable à Vaz Té sur un centre de Matt Jarvis. Quelques minutes auparavant, sa frappe frise le montant de De Gea (5e). A forcer de piller la paire défensive de United, Sir Alex Ferguson fait reculer le cerbère Phil Jones sur les duels aériens avec Andy (27e). Inutile. Andy continue de gagner ses duels. Il dévie de la tête, joue juste des pieds. A l’unisson on reconnaît sa prédisposition à l’excellence : Eurosport UK, The Guardian, The Daily Mail et The Mirror lui offrent le titre de Man of the Match.
Les fans de West Ham rêvent désormais de signer le bel Andy, le fan favorite, le récompenser d’un transfert définitif à Upton Park. Mais il est trop cher. Logique, car ce qui est rare est cher.  Brendan le considère si peu, qu’il pourrait bien faire un effort financier, non ?
* prénom d’emprunt

Écrit par Sacha Clément

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5 Commentaires

  1. Dieu le coup de boule que ramasse De Gea sur l’occasion contre ManU. Carroll est une machine qui ne s’arrête jamais. Liverpool en demande 17 millions, j’ai pas l’impression que ce soit vraiment trop parce que les clubs anglais ne font pas de cadeaux quand ça parle de joueurs anglais. Je ne suis pas fan de West Ham mais ils font un jeu honorable. Très bel article aussi, c’est agréable d’en lire des pareils!

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