Le FC Thoune en quinze questions

Thoune, c’est le miracle permanent. Avec une équipe type exclusivement composée de joueurs suisses et le plus petit budget de la ligue, en concurrence avec Lausanne, les Oberlandais ont réussi l’exploit d’aller chercher une qualification européenne. Pourtant, pas question de viser autre chose que le maintien pour la nouvelle saison, plus ce sera comme toujours du bonus.

Quels objectifs ?

A Noël dernier, Thoune était présenté comme la plus probable victime potentielle d’un éventuel réveil servettien. Et pourtant, malgré le départ de leur buteur Ngamukol et de l’entraîneur Bernard Challandes, les Bernois ont rapidement assuré leur maintien. Mieux, une fois le sauvetage acquis, ils n’ont pas relâché l’effort et se sont défoncés pour arracher une qualification européenne inattendue, au nez et à la barbe de Sion et YB dont les moyens et l’effectif étaient pourtant infiniment supérieurs. Pourtant, pas question de s’enflammer dans l’Oberland ni de répéter les excès qui avaient suivi la campagne 2005-2006 en Ligue des Champions et qui, quelques années plus tard, avaient mené le club en LNB avec de graves difficultés financières. L’objectif reste toujours le même, invariable : le maintien et rien d’autre. Après, s’il existe la moindre ouverture pour aller chercher quelque chose de plus, les Bernois ont prouvé la saison dernière qu’ils sauraient s’y engouffrer avec brio.

Quels sont les points forts ?

Dirigé de manière intelligence par une ancienne gloire du club, Andres Gerber, Thoune mène sa barque de façon exemplaire, sans éclat ni esbroufe mais avec beaucoup de savoir-faire et d’humilité. A Thoune, l’expression « la star c’est l’équipe » prend tout son sens. Car le contingent ne paie pas de mine mais vaut surtout par son homogénéité, sa combativité et sa solidarité. Alors que l’équipe était à la dérive en fin d’année 2012, le nouvel entraîneur Urs Fischer a su lui inculquer confiance, organisation et discipline qui en ont fait l’une des escouades les plus difficiles à manier du championnat au printemps 2013. Sur le deuxième tour, seuls Bâle, GC et Zurich ont fait mieux que les Oberlandais ! Avec un effectif demeuré stable, Thoune va tenter de surfer sur cette dynamique pour mettre le plus vite possible au chaud les points nécessaires au maintien. Les matchs amicaux ont été plus qu’encourageant puisqu’à part un 0-0 contre Dynamo Moscou, Thoune n’a remporté que des victoires, en encaissant très peu de buts et en dominant au passage deux des favoris du prochain championnat, YB et Zurich. 

Quels sont les points faibles ?

Le contingent reste quantitativement et qualitativement très limité, surtout pour une équipe qui va jouer la Coupe d’Europe. Sans minimiser la superbe saison du FC Thoune, sa cinquième place de l’an passé n’aurait pas été possible si des clubs comme Sion, YB, voire Lucerne, Lausanne ou Servette n’avaient pas connu de gros problèmes et commis de grosses erreurs durant la saison. A l’inverse, il suffirait de deux ou trois absences, quelques joueurs en peu moins en forme, un système de jeu qui fonctionne un peu moins bien, pour que le fragile édifice bernois tangue dangereusement. Car l’entraîneur Fischer n’a pas beaucoup de solutions de rechange sur le banc et il n’y a guère d’individualités qui pourront sauver l’équipe si le collectif venait à faillir.

Quelles sont les inconnues ?

On l’a dit, Thoune c’est le miracle permanent et la répétition d’un miracle comporte forcément une bonne dose d’inconnue. Ce n’est pas vraiment le genre d’équipe qui peut gagner des matchs en jouant sur une jambe, Thoune doit être à 120% pour être performant, sinon il devient vite très vulnérable. Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure les Bernois arriveront à tenir une saison entière en surrégime et comment ils réagiront s’ils devaient se retrouver en difficulté ? Car la marge de manœuvre est étroite.

Quels sont les joueurs à suivre ?

C’est très difficile de ressortir un joueur plutôt qu’un autre du collectif thounois. La preuve ? Malgré son brillant deuxième tour, le FC Thoune ne s’est pas fait piller durant l’entre-saison, tant les succès du printemps sont davantage dus au collectif qu’à des individualités ; finalement, le seul titulaire sur le départ est Renato Steffen. Les joueurs les plus connus de l’effectif sont Schneuwly et Ferreira. Sinon, on ne voit pas dans l’effectif thounois les dignes successeurs des Frei, Streller ou Klose, tous révélés dans l’Oberland. L’effectif se compose surtout d’anciens juniors du club ou d’ex-routiniers de LNB qui paraissent déjà plus ou moins au faîte de leur carrière avec une place de titulaire en LNA, le genre de mecs dont tu dirais « lui il ne pourrait pas être titulaire ailleurs qu’à Thoune ». L’exception, c’est peut-être Luca Zuffi, qui a mis un peu de temps pour franchir le palier entre la LNB à Winterthur et la LNA mais dont la technique raffinée pourrait permettre d’aller encore un peu plus haut.   

Quels seront les flops ?

Difficile de trouver des flops dans une équipe dont on n’attend finalement pas grand-chose et où quasiment tous les joueurs qui débarquent n’ont aucune référence et ne suscitent pas des expectatives démesurées. S’il y a eu des ratages en matière de recrutement ces dernières saisons à Thoune, c’est surtout au niveau des étrangers, c’est là qu’on peut chercher éventuellement quelques déceptions. Mais globalement, si Thoune gagne en équipe, il coulera aussi en équipe.  

Et si venait le tour de Marco Schneuwly ?

Champion d’Europe M-17 en 2002, Marco Schneuwly n’a pas forcément connu la carrière qu’on lui promettait. Il ne s’est pas forcément trouvé aux bons endroits aux bons moments, notamment à Sion et YB où l’on attend davantage d’un centre-avant un mec qui part seul balle au pied marquer des buts qu’un battant qui pèse sur une défense et fait briller ses coéquipiers. A Thoune en revanche, le Fribourgeois a trouvé comment exploiter au mieux son potentiel en leader et meneur d’une équipe de battants, à la fois pièce maîtresse du collectif et finisseur. Treize buts en 2012-2013, une activité inlassable et un pressing incessant sur la défense adverse, Marco Schneuwly est bien devenu un attaquant qui compte dans le championnat suisse. On peut même  se demander si son profil de guerrier ne pourrait pas rendre quelques menus services à la Nati dans les combats qui l’attendent à l’automne sur la route du Brésil.

Nelson Ferreira, le retour ?

Nelson Ferreira est le dernier rescapé de l’épopée thounoise en Ligue des Champions. Après une escapade de quatre saisons à Lucerne, il est revenu apporter son expérience à son club de cœur mais son retour n’est pas aussi triomphal qu’escompté. Au printemps dernier, il a même dû céder sa place de titulaire au prometteur Renato Steffen. Ce dernier parti à YB sous les huées des fans thounois, le Portugais devrait récupérer sa place dans le couloir droit de l’attaque. S’il ne va plus aussi vite que par la passé, à 31 ans, Nelson Ferreira peut sans doute encore apporter quelques buts et centres à son club. Comme à la grande époque où il défiait l’Ajax de Sneijder, de Jong et Heitinga ou l’Arsenal de Pires, Fabregas et van Persie aux côtés des Lustrinelli, Deumi, Jakupovic, Hodzic, Gerber et autres Aegerter

Le FC Thoune montrera-t-il une nouvelle fois l’exemple aux Romands ?

Thoune, c’est le club qui semble exister juste pour donner mauvaise conscience et démontrer l’innocuité du discours de certains dirigeants romands. Les Bernois montrent à Lausanne ou Servette que disposer d’un petit budget ne condamne pas forcément uniquement à lutter frileusement contre la relégation en geignant sur la modestie des ressources. Et il prouve au FC Sion que, même dans une région périphérique sans grandes ressources économique, il est possible de monter une équipe de football performante, allant même jusqu’en Ligue des Champions, sans être le jouet servile d’un millionnaire excentrique. Et les Thounois démontrent que, si la volonté est là, on peut construire une équipe compétitive en recrutant local. Bref, on imagine qu’il y a quelques têtes pensantes du foot romand qui ne seraient pas mécontentes de voir le miracle thounois se casser la gueule car celui-ci leur renvoie leurs propres errements en pleine figure.

Combien de fois Thoune alignera-t-il une équipe 100% helvétique ?

Thoune est le cauchemar de Jean-Marc Bosman, de tous les dirigeants qui, même en 1ère ou 2ème ligue, pensent qu’il est impossible de gagner un match sans aligner sept Français venus de CF2 et des ados gauchistes qui, dès qu’on parle de patriotisme ou d’amour du maillot, bêlent au fascisme (sans trop savoir de quoi il s’agit, des méchants dans les années 1930 ou un truc comme ça). Car Thoune a réussi son deuxième tour de feu en alignant une équipe type 100%  helvétique. Faivre, Lüthi, Reinmann, Schindelholz, Schirinzi, Bättig, Hediger, Steffen, Zuffi, Wittwer et Schneuwly, rien que des dignes descendants d’Arnold von Melchtal, Walter Fürst, Werner Stauffacher, Arnold Winkelried ou Guillaume Tell. A une ou deux exceptions près, cette helvétitude devrait perdurer en 2013-2014, avec peut-être quelques révélations sur le tard à prévoir comme Schenkel ou Sulmoni. Par quel miracle Thoune parvient-il à préserver cette identité locale qu’on nous présente comme utopique ailleurs ? Peut-être parce qu’à Thoune on n’a pas peur de confier des responsabilités à des joueurs sans référence (on n’a pas le choix aussi), qu’on sait faire preuve d’un peu de patience et qu’on ne va pas tout chambouler à chaque défaite. 

Junior Sanogo, l’exception ?

Si Thoune fait des miracles avec sa légion helvétique, il a la main moins heureuse avec ses quelques rares mercenaires. Certes, Anatole Ngamukol a suffisamment brillé pour être transféré à GC l’hiver dernier mais finalement Thoune a mieux performé après le départ de son buteur vedette qu’avant, comme si l’équipe était empruntée en présence d’une individualité trop brillante. Ce que n’ont certainement pas été les autres mercenaires thounois, puisque le Serbe Krstic, le Français Salamand, le Finlandais Sadik ou le Brésilien Cassio ont plutôt joué les utilités sur le banc des remplaçants. Et pas sûr que le Vénézuélien Josef (à ne pas confondre avec Jackson) Martinez, prêté par YB où il s’est montré bien discret, connaisse meilleur sort. En revanche, Junior Sanogo a montré quelques bonnes dispositions lors de son prêt à Lausanne, lui a les moyens de s’imposer au milieu de terrain. Le cas échéant, il aura la pression car il lui sera plus difficile de passer inaperçu dans cette formation thounoise qu’en équipe de France.  

A qui la suprématie bernoise ?

Compte tenu des moyens à disposition, la question ne devrait même pas se poser et Young Boys naviguer à des années lumières devant Thoune. Et pourtant, les Oberlandais ont déjà joué les phases de poules de C1 qui restent une chimère inaccessible pour le club de la capitale, dament régulièrement le pion à leur grand voisin dans les derbies et ont même eu l’honneur de disputer le premier match européen de l’histoire du nouveau Wankdorf (Thoune – Dynamo Kiev). La saison dernière, le petit Thun s’est payé le luxe de devancer le grand YB au classement et d’ainsi représenter le canton dans les joutes européennes que les Bernois de la capitale ne connaîtront que sur Playstation (© Jean-Michel Aulas). Inutile de préciser que terminer une nouvelle fois derrière le petit rival cantonal serait très mal perçu du côté du Wandkorf. Pourtant, l’opération reconquête n’a pas très bien débuté pour YB puisque c’est bien le FC Thoune qui vient de remporter, pour la troisième fois en quatre ans, la Burkhalter Cup, en devançant ses rivaux cantonaux Bienne et Young Boys.

La Coupe d’Europe, excuse pour une future relégation ?

En 2012, le TAS, en refusant curieusement de redonner à Lucerne, Lausanne et Thoune, les points perdus contre un Sion alignant ses recrues illégales, avait offert un ticket en Europa League à Servette au détriment des Oberlandais. A défaut d’avoir fait vibrer la Praille, cette qualification européenne aura permis aux Grenats de larmoyer et pleurnicher durant des mois et d’imputer leur catastrophique saison 2012-2013 à la fatigue causée par quatre malheureux matchs de Coupe d’Europe. Thoune sera-t-il aussi Caliméro qu’Hugh Quennec et consorts ? A priori, ce n’est pas le genre de la maison et, contrairement aux Grenats, les Bernois ont toujours fait honneur au foot suisse en Europe, avec notamment une qualification pour la Ligue des Champions en 2005-2006 et une victoire contre Palerme en 2011. Le périple thounois aurait dû débuter par un déplacement lointain, aventureux et exotique à Vaduz mais les Liechtensteinois se sont fait sortir et Thoune aura droit à la place à un déplacement en Géorgie.

Thoune sera-t-il la première victime estampillée LNA du FC Echallens ?

La Coupe de Suisse n’a jamais vraiment réussi au FC Thoune. Il y a eu une finale perdue en 1955 contre La Chaux-de-Fonds et c’est tout. De son côté, le FC Echallens Région a déjà accueilli plusieurs pensionnaires de LNA dans son stade des Trois-Sapins, Servette, Sion ou Zurich, mais n’a jamais réussi l’exploit d’éliminer une formation de l’élite, même si le coup était passé tout près en 2009 contre le FC Sion. Face à cet adversaire pas trop à l’aise dans cette compétition et qui sera en pleine campagne européenne, Echallens aura sans doute un coup à jouer le dimanche 18 août prochain, histoire d’inaugurer son nouveau logo et sa nouvelle appellation par un exploit retentissant.

Quel classement ?

Mon pronostic : 8e.

Écrit par Julien Mouquin

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