Le FC Zurich en quinze questions

Le football suisse tourne un peu en rond depuis quelques années : si Bâle fait une nouvelle fois figure de grand favori du championnat, le FC Zurich, sur la base de son étincelant deuxième tour ce printemps, devrait être le club le plus à même de contester cette suprématie. A condition de digérer le départ de Josip Drmic.

Quels objectifs ?

Depuis une dizaine année et l’avènement du grand FC Bâle, le FC Zurich est le seul club à avoir pu contrecarrer les plans du FC Novartis en lui chipant trois titres en 2005, 2006 et 2009. Ce printemps, le FCZ s’est également montré le plus sérieux rival des Rhénans en finissant deuxième meilleure équipe du deuxième tour, à un seul point du FCB. Seul hic, un premier tour raté (avant-dernier) sous la houlette de Rolf Fringer avait placé les Zurichois tellement loin de la tête du classement que leur superbe deuxième moitié de saison n’a servi qu’à aller dérocher un ticket pour l’Europa League et non à lutter pour le titre. Néanmoins, ce printemps faste a montré au FC Zurich qu’il n’était pas si loin du quadruple champion en titre et qu’avec un effectif, à une (grande) exception près, inchangé, il peut à nouveau titiller les Bâlois. Une place sur le podium est donc le minimum que l’on peut attendre des Zurichois.

Quels sont les points forts ?

Depuis l’arrivée de l’entraîneur Urs Meier, Zurich a retrouvé son identité de jeu, son organisation, sa capacité à révéler des jeunes et sa confiance qui lui ont parfois permis de rivaliser avec Bâle par le passé malgré un budget inférieur. Il y a un mélange intéressant entre des jeunes en pleine ascension (Buff, Djimsiti, Benito…), des ex-espoirs en pleine relance après avoir pris quelques chemins de traverse (Koch, Gavranovic, Schönbächler, Glarner, Kukurozovic) et des has-been qui se voient offrir une chance de revenir au plus haut niveau (Chikhaoui, Teixeira, Chiumiento, Chermiti). La confiance et les automatismes accumulés ce printemps devraient permettre à l’équipe d’être rapidement dans le coup et, si elle arrive à surfer sur une vague positive, sa marge de progression, paraît intéressante. En outre, les retours d’Alain Nef et Jorge Teixeira, deux éléments d’expérience qui connaissent déjà la maison, vont consolider une défense trop perméable l’an passé, même lors du 2e tour.

Quels sont les points faibles ?

L’attaque perd son meilleur élément, Josip Drmic, qui n’a pas encore été remplacé jusque-là. Et les divers leaders de l’offensive doivent encore tous prouver qu’ils peuvent assumer un rôle de leader sur la longueur d’une saison. La défense pourrait parfois manquer de mobilité alors que le portier Da Costa est un honnête gardien de LNA, sans plus. Et le club n’est jamais à l’abri d’un coup de tête de son président Ancillo Canepa. Enfin, l’entraîneur Urs Meier va devoir assumer la pression de diriger un club qui vise ouvertement les premières places, ce sera plus compliqué à gérer que le printemps passé où le FCZ partait de tellement loin qu’il avait tout à gagner et rien à perdre. Cet éternel homme de l’ombre aura-t-il les épaules assez solides ?

Quelles sont les inconnues ?

La principale inconnue, c’est la capacité des Zurichois à faire oublier le départ de Drmic, soit par une solution interne (Schönbächler ou Chermiti), soit par une nouvelle arrivée, déjà actée (l’Israélien Rikan ou l’ancien saint-gallois Etoundi) ou encore à venir. Mais cela s’annonce compliqué. Sinon, la capacité d’un Chiumiento ou d’un Chikahaoui à revenir à leur meilleur niveau aura une grande influence sur la créativité du jeu zurichois mais il n’y a aucune garantie qu’ils y parviennent.

Quels sont les joueurs à suivre ?

Le champion du monde Buff, ainsi que les révélations Benito et Djimsiti ont vraiment le potentiel pour aller loin. Freinés par des blessures après un début de carrière tonitruant, Schönbächler et P. Koch peuvent également revenir à un très bon niveau. Et Mario Gavranovic a toutes les qualités pour devenir meilleur buteur du championnat, surtout si les Tunisiens Chermiti et Chikhaoui parviennent à hausser leur niveau de jeu pour l’épauler.

Quels seront les flops ?

A 29 ans, Davide Chiumiento abat sans doute l’une des dernières cartes d’une carrière qui n’a jamais pris l’essor escompté mais on peut se demander s’il n’est pas déjà trop tard pour un joueur qui n’était plus forcément titulaire ce printemps. Autre talent gâché, mais lui avec la circonstance atténuante d’une malchance inouïe, Yassine Chikahoui court lui aussi après le temps perdu mais il a tellement peu joué ces dernières saisons que son corps reste fragile. Son compatriote Amine Chermiti demeure lui aussi une énigme, on lui promettait un grand avenir en Bundesliga mais il se contente d’exploits épisodiques en championnat suisse, lui également a déjà grillé pas mal de jokers.

Ancillo Canepa deviendra-t-il enfin un président crédible ?

Zurich a longtemps été un modèle de gestion grâce à son président et bienfaiteur Sven Hotz, qui mettait généreusement la main au porte-monnaie mais restait discret dans les médias, ne s’immisçait pas dans la direction sportive et savait faire preuve de patience même lorsque les résultats ne suivaient pas, comme avec Lucien Favre, maintenu en poste après avoir longuement occupé la dernière place du classement, avec le succès que l’on connaît par la suite. Comme quoi, le mécénat peut parfois aussi être éclairé. Son successeurs Ancillo Canepa (et son épouse) ont imposé un autre style, plus bling-bling, plus médiatique, plus impatient, plus impliqué dans la gestion sportive. Du coup, depuis le changement de président en 2006, le FCZ a connu beaucoup plus de turbulences, changements d’entraîneur, résultats en dents de scie et problèmes financiers. Toutefois, le président zurichois semble avoir tiré les leçons des erreurs du passé, en ayant nommé un entraîneur compétent mais peu médiatisé et en faisant, jusque-là en tous les cas, preuve d’une certaine sagesse sur le marché des transferts. Le FCZ a tout à y gagner. 

Les fans commenceront-ils à faire leur deuil du Letzigrund ?

Chacun son tour ! Les fans de GC ont dû avaler une sacrée couleuvre en devant disputer leurs matchs à domicile au Letzigrund, antre du rival de toujours Zurich. D’ailleurs, certains des supporters les plus fanatiques se contentent de suivre leur équipe en déplacement mais boycottent les matchs à domicile. C’est désormais officiel : à l’inauguration du nouveau Hardturm, prévue pour 2017, ce sera au tour des fans du FCZ de migrer, définitivement, dans la maison de l’ennemi Grasshopper. Certes, ce sera peut-être moins difficile de quitter le froid Letzigrund pour un vrai stade de foot, surtout que celui-ci, à part son emplacement, sera flambant neuf et n’aura pas le même passé lié à GC. Néanmoins, quitter le Letzi et partager le nouveau stade avec le rival honni, ça ne doit pas franchement ravir les fans zurichois dont les plus turbulents risquent bien de manifester leur désapprobation de manière plus ou moins véhémente avant le grand déménagement. Voilà qui promet encore quelques derbies un peu chaud.

Yassine Chikhaoui connaîtra-t-il enfin une saison sans blessure?

Yassine Chikhaoui est peut-être intrinsèquement le joueur le plus doué du championnat suisse. Lorsqu’il a débarqué à Zurich en 2007, ses qualités techniques hors-normes laissaient présager un transfert rapide vers l’un des plus grands clubs d’Europe. Puis les blessures sont passées par là : genoux, adducteurs, tendons, déchirure musculaire, fracture du tibia, le Tunisien a expérimenté tous les pépins de santé possibles et imaginables. Evidemment, avec moins de septante matchs joués en cinq saisons, c’est dur de revenir à son meilleur niveau. Mais ce printemps, l’Oussama Darragi du riche a pu jouer un tour plus ou moins complet, son meilleur depuis très longtemps avec deux buts et six assists. Si, à 26 ans, la poisse veut bien le lâcher, il peut à nouveau illuminer le football suisse de son formidable talent et emmener le FCZ vers les sommets.

Combien de buts claquera Mario Gavranovic ?

Mario Gavranovic a plutôt bien rebondi après son expérience ratée en Allemagne. Neuf buts au compteur, une place de titulaire qui lui tend les bras en équipe de Suisse, c’est pas mal pour un joueur qui était resté deux saisons et demi sans trop jouer. Néanmoins, je suis persuadé qu’il peut faire beaucoup mieux. Il a retrouvé la confiance, le rythme de la compétition et le départ de Drmic va l’investir de nouvelles responsabilités. Cela doit être sa saison, celle où il passe la barre des vingt buts, glane définitivement sa place de titulaire avec la Nati et, en fin de saison, peut envisager un nouveau départ à l’étranger beaucoup plus mûr qu’à l’époque. C’est dans ses cordes.

En route pour l’Europa League ?

Depuis 2007, la FCZ joue les phases de poule d’une Coupe d’Europe une année sur deux : l’UEFA à l’automne 2007, la Ligue des Champions à l’automne 2009 et l’Europa League à l’automne 2011. Logiquement, on devrait donc retrouver les Zurichois en phase de groupe cet automne, surtout qu’ils auront la chance d’être tête de série lors des deux tours préliminaires qu’ils auront à disputer. Il y a juste quelques adversaires qu’il faudra éviter au tirage comme l’OGC Nice, le Vitesse Arnhem ou le Kuban Krasnodar de Djibril Cissé…

Davide Chiumiento choisira-t-il l’Italie?

Il fut une période assez lointaine où Davide Chiumiento avait fait scandale en déclinant une sélection en équipe de Suisse, dans l’espoir d’être ultérieurement appelé en équipe d’Italie. Il faut dire qu’à l’époque ce brillant espoir de la Juventus paraissait promis à un bel avenir. De l’époque où je fréquentais assez assidument les stades italiens (si, si, c’est arrivé..), j’ai le souvenir d’un Juventus – Milan où il avait été assez étincelant dans l’entrejeu turinois. Mais il n’a jamais vraiment confirmé et a fini par accepter une sélection en équipe de Suisse lors d’un amical contre l’Uruguay. Il semblerait que le règlement a changé et qu’un amical ne suffit plus pour être définitivement bloqué avec une sélection. Voilà les fans italiens rassurés : en cas de blessure d’Andrea Pirlo, Cesare Prandelli peut toujours appeler Chiumiento pour le remplacer.

Le FCZ peut-il récupérer la suprématie locale ?

Pendant longtemps, Zurich a vécu dans l’ombre de son rival GC, qui trustait titres et exploits européens pendant que le club du Letzigrund végétait dans les profondeurs du classement, avec même quelques escapades en LNB. Depuis une dizaine d’années et les problèmes financiers des Sauterelles, la tendance s’est inversée et c’est bien le FC Zurich qui défendait les couleurs de la plus grande ville de Suisse au sommet du championnat, avec trois titres en 2006, 2007 et 2009. Toutefois, la saison passée, Grasshopper comme, il y a deux ans, a récupéré la suprématie locale, en terminant devant son rival local et en l’éliminant en demi-finale, sur la route de son triomphe en Coupe de Suisse. Faut-il y voir une nouvelle passation de pouvoir durable à Unique City ? Non. Certes, GC est en train de revenir vers les sommets mais Zurich a encore largement les moyens de devancer son ennemi et devrait le prouver dès cette saison.

Qui est vraiment Urs Meier ?

Urs Meier, ce n’est pas le patronyme le plus original du football suisse. Alors, non, le nouvel entraîneur à succès du FC Zurich n’est pas l’ancien arbitre qui promène désormais son brushing sur les plateaux de TV allemandes en débitant des inepties et qui passe toutes ses vacances au Portugal depuis qu’il a évité au pays une élimination prématurée de son Euro en 2004 contre l’Angleterre. Il ne doit pas non plus être confondu avec Urs Fischer, ancien capitaine emblématique et entraîneur du FCZ qui fait désormais le bonheur du FC Thoune. En fait, l’entraîneur zurichois est l’ancien latéral moustachu, combattif et un peu besogneux qui a longtemps sévi à… GC (notamment) et dont la carrière restera à jamais entachée par cet autogoal spectaculaire contre la grande Sampdoria de Boskov, Vialli et Mancini. Comme entraîneur, Urs Meier est longtemps demeuré dans l’ombre, à la tête d’équipes de jeunes ou de séries inférieures (Baden, Soleure, Alstetten) ou comme adjoint de Bidu Zaugg à la tête du Liechtenstein. En charge de la relève zurichoise depuis 2008 et après un premier intérim en 2012, il s’est vu offrir ce printemps, à 51 ans, sa première chance dans l’élite, qu’il a jusque-là su saisir avec brio. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas brûlé les étapes et, avec ses fonctions passées au club, il connaît parfaitement toutes les jeunes pousses de la maison. Il doit maintenant confirmer mais Zurich a peut-être eu la main heureuse en confiant sa première équipe à un homme du sérail plutôt qu’à un nom prestigieux débauché à l’étranger.

Quel classement ?

Mon pronostic : 2e.

Écrit par Julien Mouquin

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