Young Boys en quinze questions

Young Boys dispute au FC Sion le titre de plus grand gâchis du football suisse avec beaucoup de moyens investis et peu de résultats en retour. Au sortir d’un exercice 2012-2013 calamiteux, les Bernois tentent de prendre un énième nouveau départ. Vraiment ?

Quels objectifs ?

Par son potentiel, ses infrastructures, ses ressources, son public et son histoire, Young Boys devrait être le seul club en Suisse actuellement capable de concurrencer sur la longueur le FC Bâle, il en est très loin. Les Bernois n’ont jamais vraiment digéré les titres perdus contre les Rhénans lors de la dernière journée en 2008 et 2010 et vivent depuis dans une sorte d’impatience fébrile qui les empêche de construire un projet sportif cohérent sur la durée. La saison 2012-2013 a été un cauchemar, avec un entraîneur, Martin Rueda, qui n’avait pas les épaules assez larges pour relever le défi, un effectif déséquilibré et un mental défaillant. On va donc une fois de plus faire table rase du passé et tenter de repartir de zéro dans la capitale. Cette fois sera-t-elle la bonne ? L’expérience et les brillants résultats avec GC et Zurich du nouveau directeur sportif Fredy Bickel et les succès à St. Gall et GC de l’entraîneur Uli Forte laissent à penser qu’YB est entre de bonnes mains. Il faudra juste que l’on laisse le temps aux deux nouveaux hommes forts du club de reconstruire quelque chose. Les dirigeants l’ont promis et on se dirige donc vers une année de transition. Toutefois, vu l’effectif à disposition, une place dans le trio de tête paraît un minimum ; après l’échec de l’an dernier, assurer au moins un retour en Coupe d’Europe doit être un impératif sur le chemin de la reconquête.    

Quels sont les points forts ?

Le duo Fredy Bickel-Uli Forte devrait amener une réelle plus-value à la tête du club. La défense est la meilleure de Suisse. Von Bergen est un immense atout pour le championnat suisse, son ancien compère du FCZ Rochat a un peu disparu des radars nationaux mais il amène son expérience et sa polyvalence et, comme son ancien compère, il a déjà remporté le titre de champion de Suisse. Malgré un échec en Allemagne qui ne lui est pas complètement imputable, je reste persuadé qu’Affolter a tout pour s’imposer, alors que Veskovac, Zverotic et Sutter, ça reste du solide. Derrière cette défense, Wölfli n’est pas si mal et Spycher amène son vécu en essuie-glace juste devant. Uli Forte a vraiment toutes les cartes en main pour faire de son nouveau YB une forteresse imprenable, c’est le point de départ de tous bons résultats. Si tu ne prends pas de goal, tu n’as pas besoin d’en marquer beaucoup pour gagner les matchs. Et puis, il y a une vraie ferveur et un réel engouement à Berne dans un stade magnifique qui ne demande qu’à se réveiller après les désillusions des saisons passées. 

Quels sont les points faibles ?

Un quart de siècle d’échecs marque les esprits et, à force de courir après un trophée, le club est plombé par une immense fébrilité dès qu’il est en position de gagner quelque chose. Et, une fois l’échec consommé, a tendance à tout brûler plutôt que de travailler dans la continuité pour gommer les petits détails qui l’ont privé du succès. Après l’échec de l’an passé, la pression sera énorme sur les Bernois et, même en phase de reconstruction, le public ne comprendrait pas qu’YB ne s’installe pas rapidement dans les premières places du classement. Uli Forte va devoir gérer des attentes mais aussi un effectif confirmé qu’il n’avait pas à GC. Et le secteur offensif apparaît, sous réserve de l’arrivée de l’un ou l’autre renfort, trop léger pour terminer tout devant.

Quelles sont les inconnues ?

Avec Frey Bickel et Uli Forte, YB a pris le pari de confier la responsabilité sportive du club à des personnes habituées au succès et de s’inspirer des modèles des deux clubs zurichois. Mais ce modèle-là est-il vraiment transposable dans la capitale ? En 2011, les Ours avaient tenté d’importer le modèle bâlois avec Christian Gross et l’aventure avait tourné au fiasco. Après la débâcle de la saison dernière et beaucoup de changements dans l’effectif, il faudra sans doute un peu de temps pour mettre les choses en place, avec un contingent qui paraît loin d’être bouclé à la reprise du championnat. Si le potentiel est là, il y a beaucoup de travail et d’impondérables pour arriver à former un groupe compétitif et les matchs amicaux ont montré que c’était encore loin d’être le cas. Combien de temps faudra t’-il à Uli Forte pour imposer ses idées et son jeu et combien de temps lui laissera t’-on pour le faire ?

Quels sont les joueurs à suivre ?

Je l’ai déjà dit la défense devrait être le point fort de l’équipe avec un Von Bergen dont on attend beaucoup. Sinon, Moreno Costanzo plafonne depuis son arrivée dans la capitale mais l’arrivée de l’entraîneur qui l’avait lancé à St. Gall peut lui permettre de prendre un nouveau départ, ce serait tout bénéfice pour YB car le bonhomme a du talent. Raphaël Nuzzolo a été l’un des rares Bernois à surnager la saison dernière, sa carrière peut prendre une dimension supplémentaire s’il se trouve enfin dans une équipe qui tourne car il n’a pas été très gâté jusque-là. Sinon, au rayon des possibles révélations, on signalera Afum, Gerndt et Kubo.

Quels seront les flops ?

On peut également citer le même trio Afum, Gerndt et Kubo qui, en l’état actuel du contingent, risquent de se retrouver à devoir assumer l’offensive d’un club ambitieux comme Young Boys sans avoir beaucoup de références derrière eux. Sinon, Affolter, Costanzo et Sutter sont tous des joueurs qui ont eu brièvement les honneurs de l’équipe nationale mais qui sont rentrés dans le rang depuis lors. Il faudra voir s’ils entrent dans les plans d’Uli Forte pour se relancer car ils évoluent tous à des postes où la concurrence est forte.

YB mettra-t-il enfin un terme à la malédiction ?

Depuis un titre de champion en 1986 et une Coupe de Suisse en 1987, c’est le calme plat dans la capitale, Young Boys n’a plus inscrit la moindre nouvelle ligne à son palmarès. Pourtant, depuis l’inauguration du Stade de Suisse en 2005, YB peut être considéré comme le deuxième plus gros potentiel du pays derrière Bâle. Sauf que pour cela, il faudrait gagner des trophées et c’est là que le bât blesse. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer : il y a eu ces trois finales perdues contre le FC Sion en 1991, 2006 et 2009 après avoir à chaque fois eu le match en main, ce titre perdu de justesse en 1993 contre… Aarau et ces trois « titres » (© Genève-Servette) de vice-champion en 2008, 2009 et 2010, avec notamment deux Finalissima perdue contre Bâle à l’ultime journée à Saint-Jacques en 2008 et au Wankdorf en 2010. Ces échecs à répétition ont incontestablement nui au mental et aux finances du club bernois qui navigue à vue depuis trois saisons dans un climat tout sauf serein. Pour véritablement exploiter un potentiel sous-utilisé, il faudrait que les Bernois parviennent enfin à rompre la malédiction et à remporter un trophée. C’est loin d’être gagné, tant le club semble désormais par une fébrilité tenace dès lors qu’il est en position de gagner quelque chose. Et on ne le voit pas renouer avec le succès cette saison.

Uli Forte est-il vraiment la perle rare ?

YB tâtonne depuis plusieurs saisons pour trouver la perle rare sur son banc. Il a bien cru l’avoir dénichée avec Martin Andermatt puis Vladimir Petkovic mais, pour l’un comme pour l’autre, leur position a été fragilisée par la perte d’un titre sur le fil contre Bâle et ils n’ont jamais retrouvé le même feeling par la suite, provoquant un départ inéluctable. L’arrivée de la légende Christian Gross avait ensuite suscité bien des espoirs mais les méthodes du chauve n’ont jamais pris au Wankdorf et il n’est pas parvenu à répéter les succès obtenus à GC et Bâle, quittant la capitale dans l’opprobre générale. Après un nom prestigieux, les Bernois ont tenté un coup de poker avec l’engagement d’un entraîneur plus modeste, Martin Rueda, sans plus de succès. Uli Forte a réussi des miracles à GC mais il a sans doute eu l’impression qu’il y avait obtenu le maximum qu’il pouvait espérer compte tenu des moyens à disposition et a décidé de relever le défi d’un YB plus fortuné. Le pari est à hauts risques, sa position sera bien différente qu’à son arrivée à GC ; néanmoins on peut relever quelques similitudes entre les deux clubs et, s’il arrive à s’appuyer sur Von Bergen ou Spycher comme il a si bien su le faire avec Grichting et Salatic à Grasshopper, il peut réussir quelque chose d’intéressant.  

Steve von Bergen connaîtra-t-il une saison sans relégation ?

Si, sur le plan individuel, Steve von Bergen a plutôt livré la marchandise en obtenant une place de titulaire dans des grands championnats étrangers et en équipe de Suisse, il a moins connu de succès sur le plan collectif. Une non-qualification pour l’Euro 2012 avec la Nati et surtout trois relégations avec le Hertha Berlin en 2010, Cesena en 2012 et Palermo en 2013. Un vrai chat noir, est-ce vraiment ce qu’il fallait à un club déjà maudit ? A priori, YB n’a pas trop à craindre côté relégation et on est persuadés que Steve von Bergen, par son calme, sa sobriété et son expérience peut énormément apporter au club bernois, à l’instar d’un Grichting à GC.  Par contre, pour gagner des titres, pas sûr que le Neuchâtelois, même s’il a été deux fois sacré avec Zurich en 2006 et 2007, soit la mascotte idéale.  

Dépossédé du brassard de capitaine, Marco Wölfli perdra-t-il aussi sa place en équipe de Suisse ? 

Marco Wölfli est le gardien le plus décrié du pays depuis Pascal Zuberbüler. Pourtant, il a toujours tenu son rang en équipe de Suisse et il occupe avec un certain brio la place de titulaire dans l’un des plus grands clubs du pays depuis de longues saisons. En bon capitaine, il a connu une saison 2012-2013 à l’image de son équipe : quelques prouesses en Coupe d’Europe et beaucoup de difficultés en championnat. Avec un Benaglio de retour au meilleur de sa forme et l’avènement de Sommer et Bürki, sa place dans les cadres de la Nati est sérieusement remise en cause. Dépossédé du brassard de capitaine au profit de Spycher, il aura peut-être un peu moins de pression et de concentration perdue en palabres inutiles, à lui d’en profiter pour rebondir, même s’il ne sera probablement jamais une assurance tous risques.

Qui va marquer des buts ?

Depuis le départ de Seydou Doumbia, YB se cherche un buteur. Ceux qui étaient censés remplacer le prodige ivoirien, les Mayuka, Bienvenu ou Bobadilla, sont repartis avant d’avoir pu assumer cette lourde succession et ce n’est pas dans le contingent actuel que l’on trouve l’homme providentiel. Michael Frey est bourré de talent mais, à 19 ans, encore un peu tendre pour assumer le rôle d’attaquant vedette d’un club aussi ambitieux, Yuya Kubo est une inconnue, alors que Gonzalo Zarate n’a jamais convaincu depuis son arrivée dans la capitale. Alexander Gerndt et Samuel Afum ont dévoilé quelques bonnes dispositions ce printemps mais de manière beaucoup trop intermittentes. La preuve ? En 2012-2013, Raphaël Nuzzolo a fini meilleur buteur du club bernois ce qui, sans rien enlever à ses qualités, n’est pas forcément sa vocation première. Si YB veut jouer les tous premiers rôles, il lui faudra trouver quelqu’un pour marquer des goals.

Synthétique ou gazon ?

J’ai renoncé à suivre le feuilleton de la surface de jeu du Stade de Suisse. C’était parti sur un synthétique censé avoir tous les avantages du monde, puis il avait fallu réinstaller du gazon pour l’Euro 2008, ensuite c’était à nouveau du synthétique qui nous a privé d’équipe de Suisse et de finale de Coupe à Berne. Puis on s’est rendu compte qu’il était quand même possible de jouer une finale de Coupe suisse sur gazon artificiel. Mais après, il a été décidé que le synthétique c’était nul et on a remis du gazon avec le retour de la Nati à Berne en grandes pompes. Sauf qu’aux dernières nouvelles, on devrait remettre un synthétique pour les matchs d’YB et du gazon pour que l’équipe nationale puisse jouer ses matchs de qualification pour le Coupe du Monde. Bref, on n’y comprend plus rien. Mais on sait comment cela va finir : par un terrain en glace, puisque c’est la seule surface qui permet à des Bernois de devenir champion suisse. L’expérience a d’ailleurs déjà été tentée, il suffira juste d’agrandir la surface de jeu.

Yuya Kubo est-il le nouveau Shinji Kagawa ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’arrivée de Yuya Kubo dans la capitale n’a pas fait beaucoup de bruit. Même le directeur sportif bernois Fredy Bickel n’était pas au courant du transfert du jeune attaquant japonais de 20 ans puisque le contrat avait été signé par son prédécesseur Ilya Känzig. Venu de deuxième division japonaise, comme un certain Shinji Kagawa, Yuya Kubo passait pour le successeur du Mancunien en sélections juniors japonaises et a coûté un peu plus cher au club bernois (600’000 francs suisses) que le prix payé par d’autres jaunes et noirs, de Dortmund, pour Shinji (350’000 euros). Les similitudes s’arrêteront-elles là ? A priori, les stats de Kagawa au Japon était plus flatteuse que celle de Kubo mais le pari méritait d’être tenté.  

Mais ils sont où les Fribourgeois ?

On le voit en hockey sur glace, pour gagner un titre, le Bernois doit tomber sur plus loser que lui, un club dont l’échec est écrit irréversiblement dans ses gênes, en l’occurrence Fribourg-Gottéron (Genève-Servette peut aussi jouer ce rôle-là). Le Bernois n’est jamais aussi fort et létal que lorsqu’il est titillé par un troupeau de Dzodzets venus en voisin en claironnant que cette année c’est différent, cette fois c’est la bonne. Pour gagner à nouveau un trophée, YB devra donc attendre de se retrouver au coude à coude en tête du championnat avec le FC Fribourg ou en finale de Coupe contre Servette (comme lors de la dernière victoire en 1987 d’ailleurs). Pas de bol, les Pingouins viennent d’être relégués en 1ère ligue Classic et les Grenats en LNB, elle n’est pas encore finie la disette bernoise.

Quel classement ?

Mon pronostic : 3e.

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. Analyse intéressante, la situation est bien résumée, continuez comme ça avec vos articles, notamment sur le BVB: ils me font rêver…
    Sinon hop YB on veut y croire cette année

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