Retrouvailles entre vieux amis

L’événement footballistique du week-end en Allemagne, c’était le retour, après quatorze ans d’absence, du Rhein-Derby entre le 1. FC Köln et le Fortuna Düsseldorf. Après une si longue séparation, les deux rivaux ancestraux n’ont pas trouvé le moyen de se départager dans l’ambiance incandescente du Müngersdorfer Stadion.

1. FC Köln – Fortuna Düsseldorf, c’est l’un des grands derbies historiques du football allemand. Je t’ai déjà plusieurs fois relaté l’autre grand derby du FC Köln, contre Mönchengladbach ; le derby contre Düsseldorf n’est pas tout à fait de même nature. La rivalité entre Geissböcke et Fohlen est avant tout sportive, entre deux clubs rivaux, nourrie par les duels des années 1970 lorsque les deux clubs jouaient les premiers rôles au classement.

Plus que du foot

Entre Köln et Düsseldorf en revanche, la rivalité dépasse largement le cadre du sport, il s’agit avant tout d’un antagonisme entre deux villes à forte attraction économique, touristique ou culturelle : la métropole la plus peuplée de Rhénanie du Nord-Westphalie d’un côté, la capitale du Land de l’autre. Alors, fatalement, lorsque deux cités sont en perpétuelle dispute pour organiser concerts ou congrès, vanter la qualité de leur vie nocturne ou de la bière locale ou augmenter la capacité de leur aéroport respectif, cette rivalité va rejaillir dans le cadre du sport. Mais ces dernières années, il fallait se rabattre sur les derbies entre les Kölner Haie et les Düsseldorfer EG en hockey pour régler les comptes entre les deux cités rhénanes car leurs équipes phares de football n’avaient plus joué de match officiel entre elles depuis quatorze ans. Le Fortuna Düsseldorf a en effet connu une longue escapade en ligues inférieures et, lorsqu’il a enfin retrouvé la Bundesliga en 2012, il a croisé son rival Köln, relégué la même année. Il aura fallu la relégation des Flingeraner en mai dernier et l’échec de Geissböcke dans leur tentative de retour dans l’élite pour que les deux clubs rivaux se retrouvent enfin dans la même ligue – la Zweite Liga.   

Trop dangereux pour maman !

Les deux clubs, qui font partie, avec Kaiserslautern, des principaux favoris pour la promotion,  se sont déjà affrontés durant l’été sur le marché des transferts : tous deux convoitaient le même entraîneur, Mike Büskens, lequel a finalement opté pour sa ville natale, Düsseldorf. Köln a dû se rabattre sur un entraîneur inconnu en Allemagne, Peter Stöger, qui vient de remporter le titre en Autriche avec l’Austria Vienne. Pourtant, aller chercher un entraîneur à succès dans un championnat mineur comme Hans-Peter Latour ou Marcel Koller en Suisse, Zvonimir Soldo en Croatie ou Ståle Solbakken au Danemark n’a jamais vraiment réussi au FC, on verra si cet Autrichien connaît davantage de réussite.
On termine par deux anecdotes pour illustrer la rivalité entre Köln et Düsseldorf. Le capitaine du Fortuna Andreas « Lumpi » Lambertz a interdit à sa maman de venir assister au match. Trop dangereux… La veille de la rencontre, les supporters du Fortuna ont affrété un avion pour survoler Cologne en traînant une banderole proclamant « Koelner Opfer, Fortuna regiert ». Et dans le stade, les supporters visiteurs n’arboraient pas les couleurs de leur équipe – identiques à celles de l’adversaire – mais des t-shirts blancs reprenant ce slogan sur la victimisation colonaise et la suprématie du Fortuna.

Aux abonnés absents

Le slogan n’était pas faux car en première mi-temps, le 1. FC Köln a effectivement joué la victime mais la victime consentante. Pas d’envie, pas d’imagination, pas d’énergie, pas de jeu, les Geissböcke n’y étaient tout simplement pas. Pourtant, c’était leur premier match à domicile d’une saison qu’ils abordent avec des ambitions légitimes, le stade était plein, l’ambiance énorme, le tifo somptueux, la température idéale et l’affiche avait mis toute la région en ébullition depuis de longues semaines : dès lors, comment peut-on pareillement passer à côté de sa 1ère mi-temps ? Mystère…
Düsseldorf en a rapidement profité sur un centre de Bolly repris par la tête de Reisinger, le gardien Timo Horn réussit un petit miracle mais le sculptural Charlison Benschop réagit plus vite que la défense colonaise pour ouvrir le score en force. Le tort du Fortuna, c’est de ne pas avoir profité de l’apathie adverse pour plier l’affaire mais Benschop ajuste l’extérieur du petit filet, Reisinger manque son coup de tête et Bodzek voit sa frappe brillamment détournée par le gardien Horn. Le tournant du match intervient au début de la seconde période lorsque le Norvégien Mathis Bolly échoue absolument seul devant Timo Horn. La semaine précédente à Dresde en ouverture de saison, le jeune portier du FC avait commis une boulette qui lui avait valu une célébrité mondiale et coûté deux points à ses couleurs mais il s’est brillamment racheté dans ce derby et a clairement sauvé une unité pour les siens.

Ujah vs. Giefer 1-1

Car Köln, revigoré par deux changements effectués à la pause, va enfin entrer dans son match. Et égaliser trois minutes après le sauvetage de Horn par Anthony Ujah à la réception d’un centre de Jonas Hector. Le match avait clairement changé d’âme car, à l’exception d’un contre mal négocié par Bolly, Düsseldorf ne sera plus guère dangereux. C’est clairement le 1. FC Köln qui bénéficie des occasions d’arracher la victoire sur la fin mais Ujah ne cadre pas sa reprise avant de voir son coup de tête détourné miraculeusement par le gardien Fabian Giefer alors que toute la partie rouge du stade criait déjà au but. Pour le portier des Flingeraner, c’était là aussi des points précieux marqués au terme d’une semaine dans la tourmente après que son rival Michael Rensing, ancien successeur de Kahn au Bayern et ex-gardien de Köln, eût claqué la porte, déçu de ne pas avoir été désigné titulaire en début de saison.

Rendez-vous en décembre

Au final, on allait se quitter sur ce score de parité logique, chaque équipe ayant eu sa mi-temps et bénéficié de l’occasion, à un moment ou un autre de la partie, de forcer la décision en sa faveur. Et finalement, en début de saison, on dira que ce match nul arrange tout le monde puisqu’il ne prétérite en rien les chances de promotion des deux clubs. On se quitterait donc presque bons amis entre les deux rivaux du Rhin car finalement les nombreux appels au calme lancés la semaine précédant le match par des personnalités de tous bords ont été entendus et, à part quelques pétards et fumigènes, il n’y a pas eu de débordements. Il faudra donc encore patienter pour régler les contentieux ancestraux entre Köln et Düsseldorf mais cette fois il n’y aura pas à attendre quatorze ans puisque le prochain Derby est agendé au mois de décembre déjà à l’ESPRIT Arena. 

1. FC Köln – Fortuna Düsseldorf 1-1 (0-1)

RheinEnergieStadion, 50’000 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Kircher.
Buts : 12e Benschop (0-1), 67e Ujah (1-1).
Köln : Horn; Brecko, Maroh, Golobart, Hector; Matuschyk; Risse (80e Exslager), Jajalo (46e Halfar), Gerhardt (46e Lehmann), Bröker; Ujah.
Düsseldorf : Giefer; Balogun, Levels, Bomheuer, Ramirez; Bolly (91e Wegkamp), Lambertz, Bodzek, Bellinghausen; Reisinger (59e Kenia), Benschop (82e Fink).
Cartons jaunes : 32e Jajalo, 43e Bolly, 84e Golobart, 87e Bodzek.
Notes : Köln sans McKenna, Chihi, Bigalke (blessés) ni Przybylko (suspendu), Fortuna sans Malezas ni Bebou (blessés).

Écrit par Julien Mouquin