Ce qui est inutile est cher. Parfois même dangereux…

Dans un récent article de nos confrères du truc gratuit 20 Minutes, Maïque Perez explique à la populace qu’il y a deux sortes de supporters : les vrais qui sont gentils et les faux qui sont méchants. Pour canaliser les méchants, son patron – le LHC – a décidé de transformer le bloc supporters adverses du CIGM en camp retranché. Retour sur une infection, aujourd’hui localisée à Zoug et à Lausanne, mais qui se propage dangereusement dans tout le pays.

Les vrais supporters et les Zouliganes

Maïque Perez, le nouveau Commissaire pour la Propagande du Lausanne HC, n’y va pas de main morte dans le 20 Minutes du 4 décembre, à la question de savoir si le nouveau concept© de sécurité de Malley pour les fans adverses ne risquerait pas de poser des problèmes, il répond tout de go : «Ça ne cause aucun problème aux vrais supporters car ils n’ont rien à se reprocher». S’il y a des vrais supporters, c’est qu’il y en a aussi qui ne sont pas vrais. Le contraire de vrai c’est faux, donc il existe des faux supporters. Ce n’est pas une tautologie tout droit sortie d’un cours de première année de logique, mais un lieu commun. Et que sont ces faux supporters ? Qui sont-ils ? Ce sont les méchants Zouliganes. Air du temps, Monsieur Communication-du-LHC amalgame allégrement les fans adverses, les ultras et les hooligans (vrais de vrais ceux-là : pleutres, lâches, médiocres, minables, se fondant dans la masse. A éradiquer des stades). Un Zouligane a quelque chose à se reprocher puisqu’il n’est pas d’accord d’être fiché, scanné et son faciès immortalisé pour l’éternité. Monsieur Edition-de-la-Pravda-sans-la-page-F1 nous assure pourtant que cela ne se fera que pour la durée du match, ou de l’enquête le cas échéant. Est-ce que cette pantalonnade est à prendre avec le même sérieux que l’affaire du mensonge «sur ordre de la police, il a fallu déplacer les supporters adverses à l’Ouest» ?
Pauvre Churchill ! L’homme au ventre rebondi, au chapeau et au cigare aurait dit un jour «Un peuple qui oublie son Histoire est invariablement condamné à la revivre». N’est-ce pas ce que nous sommes en train de vivre dans ce qui fut, il n’y a pas encore si longtemps, une patinoire connue pour la chaleur de ses supporters ? Que Monsieur La-Voix-de-son-Maître se contente de propager la bonne parole des dirigeants du Lausanne HC, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, il est payé pour ça et on ne va pas l’en accabler. Il a déjà suffisamment de difficulté avec ses questions triviales aux joueurs à la fin des tiers.

Pyongyang ? Pfff… c’est pour les fillettes !

Un déplacement à Malley tient de la même expérience qu’un trip touristique en Corée du Nord. Jugez plutôt : arrivée du bétail par car affrété. Entrée du car dans une zone tampon fermée ; un équivalent à la gare de Griebnitzsee pour ceux qui ont connu l’arrivée à Berlin-Ouest par l’une des trois radiales ferroviaires. Passage du bétail à travers un sas de sécurité avec photographie et scan ID. Vérification de l’identité et du billet d’entrée. Tout cela sous l’œil attentif d’une dizaine d’agents de sécurité postés sur le promontoire en terre dominant l’enclos. Parcage d’avant-match dans l’enclos avec grillage de 3 mètres de haut et caché par des toiles opaques. Puis déplacement dans le fameux «Bloc de la Honte» où chaque tête de bétail est filmée en permanence par les caméras de surveillance de la patinoire. Kim Jong-Un est un guignol à côté.


Grenzbahnhof und Grenzübergangstelle Griebnitzsee en 1988.
Arrêt du train pour contrôle. Un petit air du Bloc de la Honte de Malley…

Pour le directeur de Gottéron Raphaël Berger, appelé lui aussi à donner son avis, ce délire sécuritaire est «(…) le seul moyen fiable pour refouler les interdits de patinoire». Et arrêter de nous prendre pour des cons c’est aussi possible ? Demander à un interdit de patinoire d’aller pointer à 19h45 chaque soir de match au poste de police le plus proche de sa ville c’est pas un peu plus intelligent et moins envahissant pour le 99.9% des spectateurs ?
Du flicage dans le Bloc de la Honte à l’affaire des fiches et de la déshonorante P26, il n’y a qu’un pas. Dans les années 80, c’étaient les affreux gauchistes (ou prétendus tels) qui étaient visés. En réalité ce ne fut pas loin d’un sixième de la population helvétique qui a été fiché à son insu par les polices communales et cantonales. Aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que le traitement infligé à un supporter adverse ne tiendrait «que le temps du match» et pas pour établir un fichier national des méchants supporters ? Et la base de données HOOGAN, on la remplit comment ? Avec des crayons couleur ? Winston revient !

Et combien ça coûte c’t’affaire ?

Reproduire la sensation d’un voyage en ex-RDA a un coût non-négligeable. Le 10 octobre dernier, le nouveau concept de l’Association PolOuest (le groupement des polices de l’arrondissement Lausanne-Ouest) était présenté à la population via les différents conseils des communes membres de l’Association par le nouveau commandant, Monsieur Frédéric Schaer. A la question de connaître l’effectif policier et le prix pour l’implémentation du dispositif policier, il a été répondu que ce n’est pas moins de 80 policiers par match (en plus de la sécurité privée du LHC) de la PolOuest et de la Gendarmerie cantonale pour une enveloppe budgétaire de… 1.8 millions de francs par saison !
1.8 millions pour encadrer 150 supporters, rien moins que 12’000 balles par supporter adverse et par saison en plus de la mobilisation de policiers sur le site de Malley et non ailleurs dans le district. Et on ne prend pas en compte le coût de la sécurité privée du club.


Extrait du PV du Conseil Communal de Renens du 10 octobre 2013

Inutile ! Pire : contreproductif !

Alors, qu’en est-il du bilan de cette coûteuse débauche de sécurité ? Après trois matchs, le constat est  sans surprise. Du côté des supporters adverses, c’est à un boycott généralisé auquel on assiste. A l’exception du HC Ambri-Piotta, dont on connaît l’extraordinaire popularité partout en Suisse, notamment sur les bancs de la section de géologie de l’Université de Lausanne, plus aucun supporter adverse n’a mis les pieds dans le camp de concentration lausannois, ou si peu. Plus une bâche, plus un ultra à l’horizon. Et soyons honnêtes : on les soutient à 100%, les ultras adverses. Ce qui se passera ensuite est écrit d’avance : les supporters adverses se contenteront d’acheter une place «côté Lausanne», sûre, car sans fichage généralisé, et se regrouperont dans des positions que certains ultras nomment Parcage sauvage au milieu des fans lausannois.
La situation est évidente. On a compris qu’il n’y avait plus le moindre intérêt à voir des ultras locaux mettre de l’ambiance. On a compris que l’objectif premier est de sortir un bilan financier positif en fin de saison afin d’attirer de juteux contrats de sponsoring pour la saison suivante. On a compris qu’un VIP qui ne vient pas mais dont la boîte a payé l’abonnement est plus important pour cet objectif qu’un apprenti passionné qui vient descendre des bières aux places debout. Il faut maintenant que le club prenne ses responsabilités et continue sa logique jusqu’au-boutiste : fermer le «Bloc de la Honte» et y placer 150 ou 200 nouvelles places VIP. D’une pierre trois coups : 150 ou 200 nouveaux porte-monnaie à pattes, 80 policiers économisant 1.8 millions et travaillant ce pour quoi ils sont payés (la sécurité de la population) et, cerise sur le gâteau, détente des relations avec le Virage Ouest.
Photo édito de Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Vincent Keller

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10 Commentaires

  1. y a pas plus vrai que cet article… Je suis allé 2 fois cette année à Malley, j’avais l’impression d’être dans une cathédrale avec un silence qu’on ne reconnait pas et un bloc A vide (enfin plein de sièges noirs vides…)

    Désolant…

  2. C’est bien triste, et cette politique ignoble avait déjà été amorcée à Fribourg il y a 2-3 ans, avec dissolution des ultras, diminution du nombre de places debout, laisser-aller au niveau de la gestion de ces places debout (ainsi les gens pas contents réclameront des places assises la prochaine fois), un mépris évident pour les fans (à témoin la lamentable organisation de la vente des places debout lors des play-off), etc. La liste est longue.

    Et ces déplacements aujourd’hui obligatoirement avec M. Schultheiss (vendu au club) et sa troupe, c’est le pompon. On ne s’y prend pas autrement pour tuer toute passion.

  3. Et voilà….

    C’est pour ça qu’il fallait voter Weibel, et non pas Evra…

    Le président de CR aurait alors pu, à l’aide de l’auteur de cet article, donner son pigeon au sieur Weibel, et lui faire part, en passant, de 2-3 remarques et commentaires sur sa façon désastreuse de gérer la situation…

    Moi je dis ça… je dis rien…

  4. Gugus

    Les fans se comportent beaucoup mieux depuis que les FB sont dissous, et l’organisation des déplacements par Schulthess évite que des semeurs ne se déplacent. Tu regrettes cette époque? Moi pas du tout. A moins que tu ne faisais partie de ce gens qui faisaient que des parents ne voulaient plus venir voir de match avec leurs enfants

  5. Ils veulent faire comme en nhl?!? pas de secteurs, pas de visiteurs, pas de supporters mais juste un public?!? dommage pour notre sport… Liberté pour les ultras 23

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