Tétralogie septentrionale, acte I

Après deux mois sans gagner, le Borussia Dortmund a renoué avec la victoire sur la pelouse de la lanterne rouge Braunschweig. Mais le BVB n’a pas vraiment rassuré par la qualité de son jeu et a frôlé la catastrophe dans les arrêts de jeu. Et tu as failli être débarrassé de ton rédacteur préféré qui a frôlé le cryogénisation. Mais ne perds pas espoir : il reste encore trois tentatives au Nord avant la fin du mois de février.

A l’exception d’un déplacement tropical à Francfort en Pokal, auquel je dois renoncer la mort dans l’âme, le Borussia Dortmund va mettre résolument le cap au nord en ce mois de février, avec des déplacements à Braunschweig, Brême, Hambourg et Saint-Pétersbourg. A priori, cela devrait me plaire puisque certains de nos jeunes lecteurs me prêtent des allégeances à Thor, Odin et autres divinités païennes nordiques mais, en fait, j’appréhende un peu ces escapades car, pour des raisons qui m’échappent, je suis devenu très frileux. «Tu prétends faire tous ces déplacements au nord, alors que tu es déjà congelé et tremblotant pour le moins au nord de tous» se gaussent mes potes, hilares, bras nus pour l’un d’entre eux, après le match à Braunschweig. Effectivement, il va falloir que je trouve une solution à ma soudaine frilosité, sinon on va bientôt me renvoyer au siège de CartonRouge.ch, au Bamee Bar, sous forme de glaçon tout juste bon à rafraîchir le Jägermeister.

 

Die Tradition ist wieder da !

Du Jäger parlons-en : tu sors d’un improbable ICE direct Olten – Braunschweig et, en sortant de la gare, tu as droit au plus sympathique message de bienvenue que l’on puisse imaginer : un panneau routier indiquant la direction de Wolfenbüttel ! Les initiés auront compris l’implication du truc ; pour les autres, je précise que Wolfenbüttel est la bourgade où est produit le Jägermeister. On constatera au cours de la nuit qu’à Braunschweig il est très mal vu de commander une bière sans l’assortir d’un shot de Jäger, c’est sans doute pour cela qu’il est quasiment impossible d’y trouver des choppes, histoire de commander plus souvent des shots. Comme j’aime bien me fondre dans la masse et bêler avec les moutons, je me plie volontiers à la coutume locale. Mais je ne suis quand même pas passé complètement inaperçu avant le match en entrant avec un Auswärtstrikot du Borussia Dortmund floqué Lucas Barrios dans un bar entièrement rempli de fans de l’Eintracht Braunschweig, déclenchant des regards tantôt amusés, tantôt amicaux, tantôt interrogateurs mais majoritairement hostiles. Normalement, quand le BVB affronte un néo-promu aux moyens modestes, l’entente est plutôt cordiale, avec d’un côté une forme de condescendance bienveillante, de l’autre une fierté de pouvoir jouter avec un club aussi prestigieux et avec autant de fans. C’était comme ça à Mainz, Freiburg, Augsburg ou Fürth. Pas à Braunschweig où l’accueil est plutôt hostile, avec une très explicite banderole «Dortmund vernaschen», «Dévorer Dortmund». Dans le kop local. J’ai tenté de m’enquérir du pourquoi de cette animosité, je n’ai pas trouvé de réponse claire mais cela doit remonter aux années 1960 lorsque les deux clubs faisaient partie des ténors de la Bundesliga. «Die Tradition ist wieder da» proclament partout trams, vitrines, bâtiments, cannettes ou dessous de bières dans une ville raide dingue de son Eintracht. A priori, la tradition comprend aussi les vieilles querelles de clocher et j’ai été content de voir débarquer trois membres de mon fan’s club dans le bar en question, histoire de me sentir un peu moins seul.

Le pari osé de Salim Khelifi

Le stade en lui-même est aussi une plongée dans le passé sous la forme d’une vieille enceinte ronde avec une piste d’athlétisme, des grillages et des piliers. Au pays des Arenas ultramodernes, cela fait plaisir de revoir de temps à autres ce type de vestige d’un autre temps. Et l’ambiance qui y règne est assez sympathique. Au lendemain de son transfert en Basse-Saxe, Salim Khelifi devra encore patienter un peu avant de la découvrir car il n’est pas sur la feuille de match ; je suis un peu surpris par son choix. Je trouve le Bellerin déjà un peu tendre pour la LNA, je doute qu’il parvienne, à court terme du moins, à s’imposer dans un championnat qui est le plus exigeant du monde en termes d’intensité et d’engagement physique. Surtout dans une équipe qui lutte contre la relégation en misant beaucoup sur la combativité. La preuve : les deux joueurs les plus techniques de l’équipe, le buteur Kumbela, grand artisan des promotion en Zweite Liga en 2011 et en Bundesliga en 2013, et le milieu offensif Bellarabi, qui a tout de même évolué à Leverkusen, débutent sur le banc au profit d’éléments plus athlétiques, comme l’autre Suisse du contingent, Orhan Ademi, dont le mètre 88 doit peser sur la défense adverse. Et cela fonctionne : en début de match, les locaux gagnent la majorité des duels et bousculent une formation dortmundoise bien empruntée. Un tir dévié d’Hochscheidt pas loin de prendre Weidenfeller à contre-pied et une tête mal cadrée de Kessel provoquent quelques frissons supplémentaires, en plus de ceux provoqués par la température, dans les rangs des supporters de l’équipe en noire. C’est un petit événement : le BVB arbore en effet son maillot extérieur. Chaque saison, le club sort un Auswärtstrikot, les supporters se précipitent pour l’acheter mais, au final, depuis la relégation de l’Alemania Aachen en 2007, il n’y avait plus d’autre équipe jouant en jaune en Bundesliga et le Borussia n’avait pas l’occasion d’étrenner son Auswärtstrikot noir. Jusqu’à vendredi sur la pelouse des jaunes et bleus de Braunschweig. Une rareté qui a peu de chances de se reproduire, le contingent limité de l’Eintracht le désignant comme candidat numéro un à la relégation, même si les Löwen résistent vaillamment avec les modestes moyens qui sont les leurs.

La malédiction des balles arrêtées

Si Sahin place une première banderille sur coup-franc, c’est un peu contre le cours du jeu que Dortmund va ouvrir le score après un une-deux entre Marco Reus et Robert Lewandowski qui offre l’ouverture du score à Pierre-Emerick Aubameyang. Dès qu’il parvient à trouver vitesse et verticalité, le jeu dortmundois devient tout de suite plus menaçant. On s’en rendra encore compte sur un but d’Aubameyang justement annulé pour hors-jeu puis sur une action quasiment identique au premier goal, sauf que cette fois Reus se heurte au gardien Davari. Lors du premier tour, le BVB a encaissé beaucoup, trop, de buts sur balles arrêtées. Officiellement, l’équipe a beaucoup travaillé ce secteur durant la trêve hivernale. Manifestement, sans résultat probant. Sinon comment expliquer la facilité avec laquelle Benjamin Kessel surgit au milieu d’une défense figée pour reprendre victorieusement un corner de Jan Hochscheidt et égaliser ? Et au passage, quelques vieilles réminiscences littéraires me font remarquer qu’il n’y a rien d’étonnant à voir un dénommé Kessel égaliser pour un club dont l’emblème est un lion.

Dortmund joue avec le feu

Heureusement, le BVB n’aura guère le temps de douter puisque Pierre-Emerick Aubameyang ne mettra qu’une dizaine de minutes à lui redonner l’avantage d’un tir croisé imparable après une percée de Marco Reus. Si le Gabonais a livré la marchandise, on n’en dira pas autant des trois autres éléments offensifs dortmundois, Reus, Mkhitaryan et Lewandowski, complètement en panne de confiance et de réussite. L’Allemand voit l’un de ses tirs déviés sur la latte par Davari puis se heurte au portier des Löwen, le Polonais est contré au moment de conclure alors que l’Arménien ajuste le poteau puis son… coéquipier Reus. Là, on a dépassé le stade de la vendange, c’est du gaspillage pur et simple, des grands crus balancés par litres entiers à l’évier. Fatalement, une équipe pareillement incapable de se mettre à l’abri reste vulnérable, surtout quand elle est à l’agonie sur chaque corner adverse, malgré le retour apaisant de Mats Hummels après près de trois mois d’absence. C’est un vrai miracle que, sur corners toujours, la frappe de Nielsen finisse sa course dans les bras de Weidenfeller et surtout que celle d’Ermin Bicakcic vienne s’écraser sur le poteau à la 90e après un coaching bien étrange de Jürgen Klopp qui a changé un demi défensif sur un coup de coin adverse.  L’essentiel, les trois points et une première victoire après deux longs mois sans gagner, est assuré mais que ce fut laborieux. Au coup de sifflet final, l’heure n’était donc pas au triomphalisme béat dans le Gästeblock mais davantage à pousser un ouf de soulagement. Il est clair qu’il faudra que le Borussia hausse son niveau de jeu s’il entend réussir le Grand Chelem dans sa tétralogie nordiste. Quant à l’Eintracht Braunschweig, il n’est pas passé loin de prendre un point qui aurait été tout bonus avant trois rencontres durant lesquels le club de la Löwenstadt jouera une bonne partie de son avenir en Bundesliga contre trois adversaires directs, Francfort, Hambourg et Nuremberg.  

Eintracht Braunschweig – Borussia Dortmund 1-2 (0-1)

Eintracht-Stadion, 23’325 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre: M. Fritz.
Buts : 31e Aubameyang (0-1), 54e Kessel (1-1), 65e Aubameyang (1-2).
Braunschweig: Davari; Kessel, Bicakcic, Dogan, Reichel; Elabdellaoui (73e Kumbela), Theuerkauf, Boland (78e Pfitzner), Hochscheidt; Nielsen, Ademi (67e Bellarabi).
Dortmund: Weidenfeller; Grosskreutz (84e Piszczek), Papastathopoulos, Hummels, Schmelzer; Bender (90e Kehl), Sahin; Aubameyang, Mkhitaryan (93e Ducksch), Reus; Lewandowski.
Carton jaune: 38e Mkhitaryan.
Notes: Braunschweig sans Kruppke, Korte, Oehrl, Caligiuri, Erwig-Drüppel, Perthel ni Vrancic (blessés), Dortmund sans Blaszczykowski, Subotic ni Gündogan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. C’est toujours un immense plaisir de lire tes articles avec son contexte d’avant match, ses anecdotes, ses doutes, ses certitudes… Vivement le prochain si tu survis au froid de nord!

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