L’Apocoloquintose du Divin Berne

Retour à la PostFinanceArena pour voir évoluer le SCB qui venait de passer la trêve olympique sous la barre. Les Ours ont anéanti le valeureux Rapperswil 6-0. Alors que peut-être aucune lutte pour la barre de l’histoire n’avait réuni un tel gratin de hockeyeurs, l’équipe coachée par Guy Boucher fut, hier soir, la plus dominante de l’ère moderne. Il y a le Berne, et loin derrière – à deux points en tout cas – tous les autres.

Et dire que certains pensaient que le Canada avait accompli l’une des performances les plus dominantes de l’histoire en battant à Sotchi les Américains par un minable 1-0 ? Que nenni. La domination des joueurs de la capitale fut hier soir si écrasante que pendant de longs moments, surtout vers la 18e minute et la 33e minute, nous avons eu l’impression qu’ils étaient en power-play. Et quel jeu de puissance : Metropolit, Roche, Plüss, Domenichelli et Gardner, dont la moyenne d’âge de 37 ans s’approche plus de l’âge de leur entraîneur que de leurs coéquipiers. Résultat des courses : deux beaux buts, dont le 4-0 inscrit par le fraîchement débarqué Glen Metropolit, au nom d’astronaute, par un tir sidéral ; une petite lucarne pour Berne, une grande lucarne pour le Hockey.

La Grande Machine Bleue Turquoise et Blanche

En face, il ne faut pas oublier que nous retrouvions les Rapperswil Lakers, géants dans le cadre de la lutte pour les play-out, seule équipe au monde à réussir l’exploit fabuleux de les faire pour la 6e année consécutive. Bien sûr, toute une génération de Romands a été marquée par le grand Rapperswil de 2007-2008 qui avait réussi à terminer 7e du championnat et quand même gagné un match en quarts de finale contre Genève. On se souvient surtout du jeu étincelant développé par le premier bloc légendaire, avec Guyaz et Berger derrière, et devant la fameuse KCB, Kamberov, Czerkawski et Burkhalterov. Bref, la grande Machine Bleue Turquoise et Blanche avec des pubs rouges et le M jaune de McDo sur les bas. Quelle maîtrise.

Cependant, on oublie trop souvent que c’était avant la chute du secret bancaire, et qu’un tel jeu collectif ne pouvait être développé par Rapperswil que grâce à l’impôt anticipé non récupéré sur les fonds au noir dans les banques zurichoises voisines. Cette source de revenu avait donc permis aux dirigeants saint-gallois d’offrir de longs stages de préparation et de conditionnement dans les installations ultramodernes du Cirque Knie, sous la férule dictatoriale de Louis («éléphants – qui n’était qu’un petit garçon quand je suis allé au cirque pour la première fois» dixit ma mère), Franco («chevaux, c’est le plus beau») pour les seniors et Fredy («clown, le seul qui est fidèle») pour les juniors.
Visiblement, les choses ont changé aujourd’hui. Et Rappi a craqué sous l’immense pression de tout un peuple unifié depuis 2007 de Rapperswil et Jona, représenté par leur fan club qui s’était déplacé en masse pour ce match capital avec sa femme et un copain. Pourtant, le coach Eldebrink avait bien vu en prenant son temps mort à 0-3 au 2e tiers. Eldebrink, le bourreau du SCB lors des 4 titres consécutifs remportés avec Kloten durant les années 90, le maître de l’art du dégagement lobé qui meurt juste avant la ligne de but adverse. Ça aurait sans doute pu être le tournant du match si le mage suédois n’avait pas eu la bonne idée de traiter l’arbitre d’un nom d’oiseau ou de meuble IKEA, ce qui lui a valu une pénalité de banc synonyme du 4-0. De toute évidence, le TopScorer Mon nom est Persson et l’ex-bernois bourreau de l’équipe de Suisse en finale du CM 2013 Danielsson n’avaient pas pris leur antiallergique et Rappi était à définitivement à terre (à glace).

La loi de Dostoinov

Quelle domination du SCB. Un véritable récital dont on a apprécié en particulier l’assurance du défenseur Collenberg, de retour à Berne, qui est à la sortie de zone ce que Schönberg est à la musique, moderne sans doute, astucieux certes, mais tout à fait inefficace. Et puis nous avons eu le privilège de voir en direct l’application de la «loi de Doistoinov» lors du 6-0, soit le principe immuable qu’au bout de 645 solos où vous finissez toujours par perdre le puck après avoir refusé de le passer, vous arrivez finalement à réussir une percée et à marquer un but inutile.
Encore une fois, on ne comprend pas comment la RTS a choisi de retransmettre de larges extraits de Zoug-Fribourg (4-5 en prolongations) et d’omettre complètement le festival de la PostfinanceArena – particulièrement le 3e tiers – dont le spectacle palpitant rivaliserait pour illustrer le mot «remplissage» sur Wikipedia avec la dernière semaine d’école vaudoise avant les vacances d’été. Indéfendable.

Bref, fini ce hockey olympique frustrant où on ne voyait pas la rondelle, soit parce que le jeu allait tellement vite, soit parce que la RTS avait coupé sur du bob féminin, des pubs ou les longs monologues de Jean-François Rossé. Enfin on avait le temps de bien voir le puck, sauf peut-être l’un des juges de ligne qui a sifflé 4 fois des hors-jeu inexistants. Et des vraies actions de hockey, avec 6 buts, pas ce hockey défensif à la mord-moi-le-nœud des Jeux Olympiques pratiqué par Jonathan To-wess, Ryan MacDonague, Jaroslav Jagr, ou James Van Riemsbite. 

Quelle est la recette pour une prestation pareille des Bernois ?

D’abord, l’immense professionnalisme des dirigeants du SCB qui après plusieurs années de recrutement brillant a permis d’avoir une équipe jeune construite vers l’avenir. Sans oublier leur fin nez particulièrement inspiré en ce qui concerne le choix des étrangers. Ils ont également toujours  maintenu une grande confiance en leur(s) entraîneur(s). Afin d’arriver au but suprême, plus convoité qu’une médaille olympique soit la place juste au-dessus de la barre, ils ont également entouré Guy Boucher d’une formidable équipe, soit le petit frère du patron, assisté de Mon Cher Gary, un type avec un manteau jaune fluo Perkinsdol (un Finlandais ?), et le 23e Homme, Frank «Fräne» Kehrli, le responsable du matériel. Chaque club de LNA devrait commencer à s’inspirer du modèle du Champion en titre. 
Bien sûr, le fait que Berne faisait évoluer parfois 4 joueurs d’origine canadienne sur la glace en même temps (Metropolit, Roche, Gardner et Dominichelli) a été également l’une des clés du succès. Car le Canada est LA nation du hockey où chaque enfant joue dès son plus jeune âge sur les lacs gelés jusqu’à la tombée de la nuit, avant de rentrer manger en famille avec son papa bucheron et entraîneur de hockey avec 4 dents en moins et une chemise à carreau et sa maman dévouée, qui fera 2 heures de route allez-simple pour l’amener à l’entraînement sur des routes désertes et enneigées, it’s no problem hey.  Le hockey là-bas, c’est une philosophie : give it 110 percent, one shift at a time, if you put the puck on net good things will happen, I play therefore I am, This is not a pipe, it’s a post.

Et maintenant ?

La victoire de hier soir, c’était l’Apocoloquintose du divin Berne.
Sénèque partie remise, espérera le LHC.
Mais si le rêve du Capitaine Plüss et de ses coéquipiers de graver définitivement leurs noms sur la Barre devait se réaliser, la citrouille va peut-être se transformer en carrosse, lorsque sonnera les douze coups des play-off. Et avec Guy Boucher aux rênes, je n’aimerais pas être sur son passage.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Andy Tschander

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3 Commentaires

  1. Grande forme le Andy! Super article, moins « encyclopédique » que ceux des JO et très drôle.

    « représenté par leur fan club qui s’était déplacé en masse pour ce match capital avec sa femme et un copain » est pour moi une top vanne, je crois que je vais en rigoler toute la soirée, merci!

    Sinon, les larges extraits de la RTS hier soir étaient pour l’équipe chère au petit Marco, pas pour Zoug-Frib..

  2. Le meilleur article de toute l’histoire du site!
    Collenberg c’est la rigueur défensive de Ray Bourque et le génie offensif de Paul « je me couche pour faire oublier que j’ai six mètres de retard sur l’action »Coffey dans la même personne!

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