La Liga aux Etats-Unis ? I-Relevent !

Vous en avez certainement entendu parler, d’autant plus si vous avez lu le dernier clubbing d’Olivier di Lello, il y a de cela quelques semaines la ligue de football espagnole, appelée Liga, a annoncé via son président que désormais, au moins un match de championnat par saison durant les 15 prochaines années aura lieu aux Etats-Unis.

Oui vous avez bien lu. Chaque année, un match de championnat espagnol devrait se dérouler au pays de l’Oncle Sam. C’est la dernière trouvaille de Javier Tebas, grand gourou controversé de la Ligue de Football Professionnelle Espagnole. Comme tout dirigeant de foot actuel qui se respecte, Tebas n’a qu’une ligne de conduite, se remplir les poches un maximum et tant pis pour le reste. En témoigne sa volonté que l’UEFA sanctionne des clubs comme le PSG (qui a transféré Neymar du FC Barcelone) ou la Juventus (pour Ronaldo, acheté au Real Madrid) pour la simple raison… qu’ils ont pris de grands joueurs à des clubs de Liga ! Comprenez par là qu’il est frustré que son championnat perde des atouts marketing…

Avouez qu’il ferait un très bon méchant dans un film, le vilain Tebas

Il faut également savoir que Tebas est jaloux du fait que la Premier League anglaise soit de loin le championnat le plus riche et le plus populaire autour du globe. Pour compenser un peu le gouffre qui sépare les deux ligues, il s’est donc lancé dans une série de mesures pour populariser son championnat à l’étranger, comme par exemple de débuter un des Clasicos Real-Barça de la saison dernière à 13h00. La raison était que les pays asiatiques, marché énorme et mordu de foot mais davantage acquis aux clubs anglais, pourraient ainsi voir ce match en soirée, contrairement aux horaires habituels qui font que les matchs européens se déroulent au milieu de la nuit pour quelqu’un vivant en Asie. Et tant pis pour les fans espagnols, qui n’étaient pas vraiment arrangés par ce coup d’envoi anticipé.

Mais de là à glorifier l’argent au point de délocaliser des matchs d’une compétition domestique à l’autre bout du monde, c’est quand même aussi gonflé que l’ego de Cristiano Ronaldo. Si ce n’est pas la première fois que le sport connaît des aberrations géographiques, celles-ci ont généralement une bonne raison, logique avant d’être financière. Prenez par exemple le fait que les sept clubs liechtensteinois jouent en championnat de Suisse car ils sont trop peu nombreux pour avoir une ligue propre, ou le fait que le Paris-Dakar se coure depuis plusieurs années en Amérique du Sud car la menace terroriste se faisait trop pressante en Afrique. Mais dans le cas de la Liga, on parle d’une décision basée uniquement sur l’argent et qui n’arrange personne.

Alors certes, la Fédération espagnole (dont dépend la Liga, mais c’est un peu compliqué) a annoncé depuis qu’il était inenvisageable que la délocalisation ne se produise. De plus, Florentino Perez, le président du Real Madrid, a déclaré que son club n’irait jamais jouer un match de championnat aux Etats-Unis. Cependant l’argent est devenu tellement roi dans le foot que le fait qu’on assiste prochainement à un nouveau rebondissement dans cette affaire ne m’étonnerait pas vraiment, d’autant que Tebas n’est pas du genre à lâcher l’affaire.

Découlant de cela, plusieurs questions se posent si ce partenariat finissait bel et bien par avoir lieu. Tout d’abord, pourquoi aller jouer un match de l’un des meilleurs championnats du monde dans un pays où le sport numéro 1 est une vague parodie de rugby davantage connue dans nos contrées pour ses scandales et ses spots de pubs aux prix indécents ? Alors oui, depuis quelques années, on entend souvent que le « soccer » est en plein développement au pays de la liberté. Mais après une rapide vérification, il apparaît que notre football est le 6^ème sport le plus populaire la bas, derrière notamment le baseball et le golf et juste devant le lacrosse (qui pourrait au passage se retrouver un jour dans la rubrique des jeux du cirque). Mouais donc…

Oui oui, ce truc est presque aussi populaire que le foot aux USA

Quoi qu’il en soit, Relevent Sport, le groupe qui a passé l’accord avec Tebas et qui devrait s’occuper de l’organisation des matchs aux USA, semble être sûr de son fait et avoir assez d’arguments pour remplir les stades.

Qu’est-ce que cela impliquerait pour les clubs ?

Pour les deux clubs sélectionnés pour disputer ce match chaque saison (notoriété oblige, il y aurait certainement soit le Barça soit le Real – quand le président de ce dernier aura changé d’avis – voire les deux, et cela chaque année), ce match aurait des conséquences. Notamment un double manque à gagner pour l’équipe jouant « à domicile », puisque d’une part elle n’évoluerait pas devant ses fans et d’autre part il resterait à déterminer les retombées économiques par rapport à la billetterie pour l’équipe « accueillant » ce match.

D’ailleurs, il y a de grandes chances pour que le match sélectionné pour la saison 2018-2019, s’il a lieu, soit le Gérone – Barcelone, prévu le 27 janvier 2019. Les deux villes n’étant distantes que d’une petite centaine de kilomètres, j’avoue que la raison pour laquelle ils choisiraient de délocaliser précisément un derby m’échappe encore plus que le reste. Mais on n’est plus à ça près dans cette histoire…

Et pour les fans ?

Au fait, parlons un peu des fans, peut être les plus grands perdants dans ce montage. Premièrement, pour ceux dont l’équipe jouerait « à domicile », ils assisteraient à un match de moins de leur club, puisqu’il est douteux de penser que tous feraient le déplacement aux Etats-Unis afin de soutenir leurs favoris. Cela pose également le problème des abonnés, qui auront payé pour 19 matches à domicile mais qui pourraient n’en voir que 18. Si ceux-ci devraient être remboursés pour la partie en question, cela reste à voir. Enfin, le problème pour les fans « à domicile » qui feraient le déplacement, en l’occurrence probablement ceux de Gérone pour cette saison, est qu’ils seraient forcément entourés de fans de Barcelone aux Etats-Unis, l’impact médiatique des deux équipes n’étant pas comparable. Last but not least, l’heure du match serait vraisemblablement adaptée à l’Amérique et forcerait probablement les supporters en Espagne à voir le match à une heure pour le moins inhabituelle.

Et les joueurs ?

Et que pensent les joueurs dans tout ça ? C’est simple, ils y sont tous opposés ! Le syndicat des joueurs de Liga (oui, ça existe) s’est réuni fin août en présence des 20 capitaines de clubs pour en discuter. Des menaces de grèves ont même été formulées à Tebas, pour tenter de le faire changer d’avis. Sans grands effets… Parmi les arguments des joueurs, on retrouve le problème du gros jet-lag qui serait inévitable, et cela en plein milieu de saison, ou la fatigue physique et mentale inutile qu’un tel déplacement engendrerait.

Voilà donc les arguments contre un tel match, que joueurs, fans, dirigeants et même cadres du foot espagnols mettent en avant pour refuser cette décision loin d’être actée. Mais face à l’ampleur du contrat et de l’arrangement financier, nul doute que Tebas et Relevent Sport sauront se montrer très persuasifs d’ici janvier et il est bien possible que cette aberration ait au final bel et bien lieu…

Oui, une aberration

En pesant le pour et le contre de la décision de la Liga, on se rend compte que le seul et unique but est bel et bien l’argent. En dehors de cela, ce projet est débile et n’amène que des problèmes. Tout cela prouve un peu plus que le foot et le sport pro de manière générale n’a plus qu’un seul objectif, se remplir les poches et tant pis pour les passionnés, les fans et les sportifs eux-mêmes. Même Gianni Infantino, président de la FIFA, s’est dit contre le fait d’organiser des matchs de Liga aux  Etats-Unis. Pourtant, le personnage possédant le moins d’éthique dans tout le canton du Valais devant Christian Constantin et Yannick Buttet (Blatter étant sénile, il n’entre plus dans ce classement) n’est pas avare d’idées à la con, comme au hasard d’organiser un Mondial à 48 équipes. Pour la petite histoire, Tebas lui a répondu, au sujet du match aux USA, en disant que jouer des matchs dans d’autres pays n’était pas nouveau, puisque des équipes canadiennes concourent en MLS, le championnat des Etats-Unis. Oui, comme dans à peu près tous les sports majeurs en Amérique du Nord. Quand on n’a aucun argument…

Vous pensez en plus qu’on a touché le fond ? Mediapro, diffuseur du foot espagnol mais également gangrène financière du sport ibérique, vient d’annoncer que des discussions étaient en cours avec l’UEFA (faut-il rajouter quelque chose sur cette instance ?) afin d’organiser une finale de la Ligue des Champions, coupe d’Europe des clubs pour rappel, à New York. A ce rythme, on aura bientôt le derby lémanique à Vegas…