Servettien, ça te la Coupe, ou bien ?

Comme tu le sais, pour un Valaisan, descendre en-bas au Wankdorf, c’est un peu comme partir en-ça à Lourdes avec les brancardiers de ton bled, à la seule différence que c’est plutôt toi qui rentre de ton pèlerinage bernois sur un brancard, bien malade après avoir donné à bouffer à la moitié des renards du Canton. Cette huitième finale de Coupe de Suisse pour le FC Sion face au Servette de Genève fut grandiosement «trop bonnarde». Une victoire venue de nulle part qui récompensa les ruffeurs de Decastel face aux chétifs joueurs de Bertine. Récit (ou de ce qu’il en reste) de mon épopée divine sur Berne en ce mois de mai 1996.

En route pour Grozny ?

Pour tout vrai Valaisan, une finale de Coupe à Berne, ça se prépare sérieux. Pas question de partir en-bas à la Capitale avec ta Subaru «sur-kittée» avec queue de renard intégrée car on pourrait se la faire gauler par de vilains Bernois. Donc, cette expédition sur Berne partit de la place de la Gare à Sion relativement tôt (vers les 7h30) pour être sûr de ne pas se rappliquer en retard au coup d’envoi de 15h30 dans le regretté et regrettable Wankdorf, stade qui ferait passer celui du Terek Grozny pour le nouveau Wembley. Muni de substantiels provisions agréées par la Régie Fédérale comprenant une caisse 24 bouteilles «bières valaisannes», saucisson à l’ail de Chandolin, pain de seigle et pinel, qu’aurais-je pu demander de plus avant cette excitante huitième finale face à nos meilleurs ennemis genevois? En plus, je te dis pas que j’avais pas l’air un peu fier revêtu de mon pull Nouvelliste délavé gris et mon tzapet «Descartes Meubles» pour mieux aller narguer l’Aigle Genevois qu’on espérait bien aller déplumer.

Quant aux CFF, ils avaient fourni leurs wagons dernier cri, banc en bois si bien qu’on se serait cru dans une troisième classe à la sortie des bureaux de Calcutta. Je vais t’étonner ici, mais l’ambiance dans ces habitacles rustiques fut assez bon enfant grâce à la lubrification régulière des gosiers assoiffés et la bonne humeur des contrôleuses qui acceptaient de se faire gentiment chambrer. Entre hymne national valaisan «sentiers (chantiers ?) valaisans» et autres chansons viticoles, certains se lançaient en vain dans des théories soûlantes sur la tactique que la formation de Decastel devait adopter pour niquer les hommes de Barberis. Bon, il faut dire que Sion partait nettement favori pour cette finale après avoir fini 31 points devant les Genevois dans cette fameuse formule du championnat que seul Freddy Rumo comprenait à l’époque.

Une équipe anti-Constantin

La marche sur le stade se fit dans une procession religieusement désordonnée où les chansons paillardes égratignant nos amis genevois prirent le dessus sur les klaxons des autochtones éberlués par ce flot de Valaisans «sans-façon». L’efficient service de sécurité au tourniquet du stade avait mis sur pied une fouille digne des aéroports américains au matin du 11 Septembre ; donc tout passait : drapeaux, Fendant, fumigènes, papiers chiottes et si les Securitas faisaient les chochottes, on les amadouait avec un petit verre bien de chez nous. Pourtant, on fit moins les malins en-haut dans les gradins car la pluie avait redoublé de puissance et on était coincés comme des sardines dans une bétaillère car ces as de la Ligue n’avaient bien sûr pas alloué suffisamment de places aux supporters valaisans. Malgré notre positionnement bancal, on a pu apercevoir les joueurs sédunois à l’échauffement et ce qui nous frappa direct, ce fut le fort accent valaisan dans l’ossature de l’équipe avec des Fournier, Wicky, Lonfat, Gaspoz et le tout grand Christophe Bonvin. Bref, une époque révolue du FC Sion où notre cher CC avait compris qu’en Valais on avait deux pieds et une tête tout comme au Costa-Rica, en Angola ou en Tunisie. Enfin bref…
Le match partit à fond les manettes et il ne fallut pas longtemps pour que Bonvin et Vidmar viennent titiller Marco Pascolo qui sauva la bicoque genevoise grâce à deux arrêts réflexes du tonnerre. Toutefois, les Grenat allaient vite s’apercevoir que l’absence du solide Kombouaré avait «bancalisé» l’arrière-garde sédunoise, là où Monsieur Herr pataugeait sec face àl’apatride Oliver Neuville et une vieille connaissance lausannoise, le rigolo Libérien Sogbie. A notre grand dam, les hommes de Constantin se firent pincer sur un corner tiré par le grand Jonathan et repris de la tête par Karlen qui profita de passer devant ce grand bouèbe de Stefan Lehmann qui, comme à son accoutumée, démontra qu’il était beaucoup plus habile dans les bars à champagne du Grand-Pont que dans ses sorties aériennes. La mi-temps arriva juste pile-poil pour les «nôtres» et là, je t’avoue que je m’en vais devoir m’en aller me confesser de suite car je vais devoir mettre Decastel et coaching gagnant dans la même phrase. En effet, pour une fois dans sa carrière, le Franco-Neuchâtelois redistribua judicieusement les rôles à la mi-temps en remisant les peu inspirés Colombo et Herr pour les remplacer par le poète lucernois Heinz Moser ainsi que par le faux Brésilien Mirandinha.

Quand le Bonvin est tiré…

La seconde période recommença avec un FC Sion qui continuait de piétiner monstrement dans la gadoue face à de présomptueux Genevois qui poussèrent l’outrecuidance jusqu’à marquer un second but à la 62e grâce à Oliver Neuville. A 2-0, des pluies de chants dont le désormais célèbre «retourne dans ta bétaillère, paysan de Valaisan !» s’envolaient des zones grenâtes. Mais comme tout Genevois qui se respecte, les 5’000 supporters servettiens ouvrirent leur gueule bien trop tôt et surtout bien trop longtemps ayant oublié qu’être Valaisan signifie rentrer en résistance lorsqu’un adversaire veut envahir notre Planta footballistique. Et tout soudain, douze minutes trop formidables allaient se dérouler sous nos yeux imbibés d’eau. Tout d’abord Lehmann sortit miraculeusement un 3-0 qui pendait au bout des souliers de Neuville. Et sur la contre-attaque qui s’en suivit, le fringant Heinz Moser vint déposer un joli petit centre sur la tête de Bonvin qui manquait juste pas de partir à botzon pour marquer un goal d’une tête style plongeante en pur style dit du «tire-bouchon». La cocotte minute du Vieux-Valais commençait à s’ébrouer sérieux et deux minutes plus tard, le Wankdorf manqua juste pas d’imploser lorsque sur une reprise de celui de la Chaux (Patrick Sylvestre), la starlette Raphaël Wicky sortit une espèce de «Madjer» du pauvre pour battre le mythique Marco Pascolo. A 2-2, je t’explique pas l’espèce de tintamarre qui s’en suivit avec notamment des chants élogieux qui s’élevaient des zones valaisannes et qui invitaient les Genevois à pratiquer des choses pas très belles avec leur aigle déprimé.
Le match était désormais devenu exclusivement valaisan avec des Grenat qui prenaient l’eau de toute part en défense avec des Aebi et Ippolity qui s’enfonçaient délicieusement dans ce beusier extatique. L’ambiance culmina à la 75e minute où sur une mine en profondeur du grand technicien Yvan Quentin, le croc australien Vidmar se débarrassa manu militari de Barea et planta un cohus d’un tir croisé imparable. A 3 à 2, la messe était dite, le FC Sion allait monter aux cieux pour la huitième fois et les comiques du bout du Lac Léman pouvaient rentrer boire du mauvais rosé d’Avully jusqu’à la lie.

La prise de la Planta

On m’avait dit qu’une finale de Coupe avec le FC Sion, c’était spécial. Ben on m’avait menti. Une finale de Coupe en Rouge et Blanc est dithyrambiquement hyper-jouissive. Une sorte de communion extratemporelle où tout à coup 20’000 spectateurs deviennent joueurs à leur tour tout en communiquant cet esprit de persévérance et solidarité qui a fait le renom du canton à la ronde. Et crois-moi, cette unique communion ne se termina pas à la sortie des tourniquets tout rouillés du Wankdorf. Excuse-moi du pléonasme, mais une fête excessive à la valaisanne suivit cette huitième Coupe qui s’étira jusqu’au bout de la nuit avec la légendaire remontée de l’Avenue de la Gare à côté de laquelle celle des potes de Zizou sur les Champs-Elysées avait l’air tout rikiki.

J’aimerais t’en conter plus sur la fin de cette nuit du 19 Mai 1996, mais mes souvenirs sont devenus aussi brumeux que les positions de la girouette à Darbellay sur l’intégration européenne de la Suisse. Mais en résumé, je te dirais juste que tout comme une bonne pétée de Valaisans cette nuit-là, on disputa une superbe compétition de bars parallèles.

A propos Paul Carruzzo 207 Articles
Elle est pas un peu belle notre Nati et tout le bonheur qu’elle nous amène ? Alors, Rickli et compagnie, si vous ne vibrez pas devant cette équipe, vous n’êtes pas non plus monstrement obligés de regarder. Profitez d’un bon match de hornus et foutez la paix à nos joueurs, qui comme vous, ont un joli passeport rouge à croix blanche.

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3 Commentaires

  1. … je veux pas polémiquer, mais…

    il y avait clairement faute de Widmar sur Barea sur l’action du 3ème but…

    j’en cauchemarde encore la nuit..

    lol

    merci pour cet article !

  2. On ne saura jamais ce qu’il s’est passé entre Widmar et Baréa (seul eux le savent), mais c’est clair qu’il ne tombe pas les mains sur le visage pour rien.

    Sauf que je n’en cauchemarde pas, j’en rigole à chaque fois lol.

    mais quelle importance, s’il y avait eu un coup de sifflet on aurait marqué sur l’action suivante :).

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