Le septième homme sous toutes les coutures

Dans toutes les patinoires du monde, on retrouve les mêmes types de supporters. Selon la catégorie à laquelle il appartient, chaque supporter possède ses propres particularités, que ce soit dans sa façon de s’exprimer ou d’arborer, de manière plus ou moins exubérante, les couleurs du club auquel il s’identifie. Mais une constante demeure : chacun a le sentiment, consciemment ou inconsciemment, d’être un élément indispensable d’un tout et d’avoir une vraie responsabilité vis-à-vis du club qu’il soutient.

Chaque supporter aspire, au fond de lui, à sortir de son pitoyable anonymat en devenant ce fameux septième homme, invoqué à toutes les sauces par les journalistes, les joueurs et les entraîneurs. De manière non exhaustive, nous nous sommes amusés à dresser le portrait des différents types de supporters qui garnissent les gradins de nos belles patinoires.

Le connaisseur :

Véritable petit entraîneur en puissance, le connaisseur ne porte généralement pas de manière flagrante les couleurs de son équipe. Une simple écharpe lui suffit, pour contraster avec des habits plutôt sobres, garants de son sérieux. Chez quelques spécimens, on remarque parfois un pin’s, subtilement accroché à la boutonnière. Par contre, le connaisseur ne se prive jamais d’étaler à haute voix ses brillantes observations tout au long du match. Doté d’un véritable esprit critique, il ne cesse de remettre en question les choix de l’entraîneur, propose de nouveaux alignements de sa composition, qui bien sûr fonctionneraient beaucoup mieux et remarque très bien que ce soir la transition en zone neutre est approximative et qu’il faudrait faire ceci ou cela pour y remédier, et que c’est quand même pas possible, etc… Lorsqu’en début de match, on remarque qu’un connaisseur se trouve dans les parages, on a tôt fait de se déplacer de quelques rangs, histoire de ne pas gâcher son plaisir à suivre ce qui se passe sur la glace.

Le « de base » :

Assurément notre préféré ! Véritable sapin de Noël coloré, le « de base » est celui qui nous faisait rêver lorsque l’on était enfant et que l’on contemplait son incroyable gilet jeans à franges, garni de tous les badges d’écussons de clubs possibles et imaginables. Rarement méchant, le « de base » ne se dénote cependant pas vraiment par ses capacités intellectuelles. Il boit beaucoup de bière, porte des Adidas Torsion et parfois un étui à natel à la ceinture. Il est soit très gros, soit très maigre et est un adepte de la coupe mulet qu’il combine avec un bouc (pour les gros) ou une moustache (pour les maigres). Il est assez intéressant de relever le parallèle existant entre le fan de hockey « de base » et le fan de vieux hard rock « de base » : si l’on remplace le maillot de hockey par un t-shirt d’Iron Maiden et les badges de clubs cousus sur le gilet par des badges de Saxon et de Motörhead, on obtient exactement le même personnage, à la virgule près. Il est d’ailleurs fréquent que le même « de base » appartienne aux deux catégories. On imagine dès lors le terrible dilemme auquel il est confronté lorsqu’un même week-end, il doit choisir entre le Sonisphère Festival et un déplacement à Saint-Léonard ! Nul doute que dans pareil cas, c’est la qualité de la bière qui dicte son choix.

L’esthète :

Personnage plutôt rare, l’esthète possède une vraie connaissance du hockey, souvent acquise en ayant été lui-même un acteur de ce sport. Il connaît son sujet, d’un point de vue purement sportif, mais aussi ses implications sociologiques et politiques. Intelligent et doté d’un sens moral élevé, il est sensible aux idées construites pour le long terme. Il aspire à ce que son club préféré bâtisse un vrai système de jeu, en laissant pour cela le temps suffisant aux personnes compétentes. D’un point de vue plus global, il apprécie la mise en place d’un vrai projet de club comprenant gestion saine des finances, formation, encadrement et développement des mouvements juniors. L’esthète nous énerve parce qu’il réveille notre mauvaise conscience et que, contrairement à lui, nous préférerons toujours une victoire dégueulasse à une défaite avec les honneurs.

Le papa :

On n’a encore jamais pu définir clairement si le papa venait au match par intérêt personnel ou pour celui de faire plaisir à ses enfants… Sans doute un peu des deux. Le papa est très attentif au confort de ses chers petits, il veille à ce qu’aucun semi-remorque ne leur bouche la vue, leur achète une gaufre au tiers-temps et parfois il confectionne des sandwichs à la maison avant le départ pour le match. La maman ne les accompagne que très rarement (trop froid), mais elle tricote en début de saison des bonnets lignés aux couleurs de l’équipe, que les enfants sont contents de porter jusqu’à un certain âge, avant de commencer à en avoir honte parce qu’ils préféreraient la nouvelle casquette qu’ils ont aperçue au fan-shop.

Le jeune ultra :

A peine âgé d’une vingtaine d’années, le jeune ultra utilise le hockey sur glace comme un tremplin à sa réussite personnelle. Les résultats de son « équipe préférée » lui importent finalement moins que sa propre mise en avant, que ce soit dans la compétition avec les fans adverses ou dans sa capacité à devenir un leader ou un élément important au sein du groupe d’ultras auquel il appartient. Ne ratant pratiquement jamais un match, le jeune ultra suit rarement ce qui se passe sur la glace, préférant provoquer les fans adverses par des cris ou des gestes obscènes, ou essayer de lancer des chants dans son propre groupe. Le rêve absolu pour lui est d’occuper un jour la place de chef-gueulophone et de passer la soirée à torse nu, dos au match, en dirigeant une chorale de petits brailleurs. Souvent vêtu de noir, le jeune ultra se donne un look agressif, portant par exemple des gants en cuir sans doigts ou une écharpe masquant la moitié de son visage. Au bout de quelques années, s’il n’a pas réussi à grader, il se désintéresse généralement complètement du hockey et s’en va chercher ailleurs le moyen de devenir quelqu’un.

L’opportuniste :

L’opportuniste n’a pas de look spécifique et peut provenir de presque toutes les catégories. Ce qui le caractérise par contre, c’est son inconstance et son incapacité totale à porter un regard cohérant sur le club qu’il prétend soutenir, que ce soit du point de vue de l’analyse du jeu ou du point de vue purement « sentimental ». Il est évidemment le premier à critiquer son équipe préférée lorsqu’elle va mal, tout comme il est le premier à retourner sa veste lorsque celle-ci remonte la pente. L’opportuniste peut changer d’avis en quelques instants : un seul match, parfois même un seul but durant un match, dans un camp ou dans l’autre, suffit à lui faire tenir des propos diamétralement opposés à ceux qu’ils tenaient quelques jours, voire quelques instants auparavant. Ce personnage assez peu glorieux constitue un pourcentage non négligeable des spectateurs, ce qui explique les courbes variables de fréquentation dans bien des patinoires. « Ma foi, c’est comme ça, je paie mon billet pour le match moi ! Si on me livre pas le produit promis en début de saison, c’est quand même normal que je vienne plus, ou bien ? ».
           
Cet article a préalablement été publié en version papier dans le fanzine gratuit Sporting Kimie : sportingkimie.blogspot.com
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images                                                                                                                 

Écrit par J. Schmid et B. Schmid

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3 Commentaires

  1. Article sympa, on passe un bon moment.
    Je ne sais pas si c’est moi, mais on sent plus de second degré pour les 2 premieres que les 2 derniers..

  2. Peut-on être un supporter de base, papa et esthète en même temps. Et tout ça après avoir été un ultra il y a quelques années ?

  3. « Le septième homme sous toutes les coutures »
    -> belle dédicace à Logan Couture.

    Pour moi, le public genevois est simplement « L’opportuniste ». On ne les a pas vu en 1ère ligue, pas non plus en LNB et maintenant que le club tourne bien, ils sont là. Ils font la même chose au foot.

    Au moins chez nous, à Lausanne, il y a du public en LNA, LNB et même en-dessous. Et on garde la cohérence avec la foot: il n’y a personne en LNA, LNB, …

    Sans rancune et à l’année prochaine pour des beaux derbies !

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