Les dieux du Gstaad

Après Vidy la semaine dernière, nous poursuivons notre tournée estivale des tournois qui n’ont de Grand Chelem que le nom de la société qui les organise. C’est donc muni de notre passeport covid, d’une vieille VHS de la saison 2 de L’allemand avec Victor et de notre recueil des meilleurs tweets de Jean-Marie Bigard (sous forme de post-it) que nous nous sommes embarqués dans le fort véloce et non moins pittoresque MOB pour Gstaad.

Comme absolument tout le monde en Suisse romande s’était promis de ne pas regarder une seule minute de ces Jeux Olympiques de Tokyo sans intérêt et sans public et a fini par changer d’avis à peu près 3 minutes après la fin de la cérémonie d’ouverture (on a déjà regardé un double dames de tennis à 7h du matin et du skateboard en différé en plein après-midi, et vous ?), on a décidé de vous raconter le Swiss Open de Gstaad à travers le prisme de disciplines qui vont vous passer sous le nez cette année parce que les directs sont A QUATRE HEURES DU MATIN BON DIEU.

Escalade

Le no-ad et autre super tiebreak en double sont gentiment en train de faire leur nid. Mais il est également de ces coutumes, notamment sur terre battue, qui ne disparaîtront jamais. Le meilleur exemple reste probablement la descente en rappel de l’arbitre depuis le haut de sa chaise suivie d’un petit trot en direction d’une marque litigieuse, puis d’un coup d’œil et d’un doigt pointé vers le ciel ou d’une paume ouverte contre le bas (tout cela alors que Benoît Paire pointe une autre marque, à 600 m de là, en hurlant). Après le jogging du retour, il s’agit évidemment de faire en sorte de regagner son perchoir avec autant de classe que de nonchalance apparente. 

Une autre coutume, plus récente, à conserver absolument: le remplacement des esclaves porteurs de linges par des Tupperwares géants.

Équitation (dressage et concours complet)

Le quart de finale de Hugo « Drop Shot » Gaston face au pauvre Cristian Garin, très à cheval sur ses principes de tennis de fond de court et proprement tourné en bourrique. A la 112ème amortie gagnante, on s’est quand même dit que le Chilien n’avait apparemment pas eu accès aux vidéos des matches de son adversaire du jour à Roland-Garros 2020. Un célèbre citoyen de Saint-Barthélémy aurait pourtant pu l’aiguiller…

Un exemple parmi des dizaines du fameux enchaînement amortie – sprint – tentative de relance dans le bas du filet. Sacré Cristian !

Grâce à son jeu tout en variations et en recherche de solutions tactiques, Gaston, encore 155ème mondial au début de la semaine, a rempli son contrat en atteignant la finale contre toute attente. Reste à savoir si M. De Mesmaeker parviendra à le signer cette fois-ci.

Haltérophilie 

Laslo Djere, vous connaissez ? Ne vous inquiétez pas, c’est normal. L’homme aux muscles et aux veines aussi saillants que ces attributs chez un personnage d’Akira Toriyama, douzième joueur originaire de Serbie le plus célèbre après Novak Djokovic, Ana Ivanovic, Monica Seles, Jelena Dokic, Jelena Jankovic, Janko Tipsarevic, Viktor Troicki, Nenad Zimonjic, Dusan Lajovic, Filip Krajinovic et Daniel Nestor, n’est effectivement pas incroyablement mémorable. A une exception près: on pensait que George Bastl était le seul tennisman dont on pouvait apercevoir les mollets depuis la lune. De toute évidence, on se trompait.

Plongeon

On aurait tout aussi bien pu parler de refus d’obstacle, mais l’équitation était déjà prise.

La « performance » (sic) de Mikael Ymer (ATP 96) lors de son quart de finale de haut vol face à un Vit Kopriva (ATP 249) qui portait bien son prénom (1-6 0-6 en 51 minutes) avait tout d’un tanking des plus belles années de Bernard Tomic sur le circuit. Cette chute libre suivie d’un plat retentissant n’aurait probablement pas atteint les minima de qualification pour Tokyo. Par contre on aurait vraiment préféré que cette compétition se déroule également à huis clos.

BMX freestyle et trampoline

On ne peut s’empêcher d’associer ces deux sports acrobatiques au quart de finale qui a opposé Casper Ruud à Benoît Paire. Le ratio 16 aces / 13 doubles fautes du Français (dont souvent 2 ou 3 au cours du même jeu de service) ferait d’ailleurs un admirable résumé de son match (ou même de sa carrière, tiens).

Paire en pleine séance de roulette russe.

Aviron

Le brave Marco Chiudinelli, préposé trilingue aux interviews dans la station bernoise, a dû franchement ramer avec des règles sanitaires qu’il était étrangement le seul à devoir suivre. Entrée sur le court masqué (alors qu’aucun joueur ne l’a fait de la semaine), questions posées à une distance le forçant à plisser les yeux pour apercevoir son interlocuteur (surtout Gaston et ses 173 cm sous la toise) et une spéciale interviews avec masques le dimanche des finales (certainement pour célébrer le jour du Seigneur). Pendant ce temps-là, c’était la liesse populaire épaule contre épaule avec force postillons en suisse allemand, agitation de drapeau tricolore et jets de bière intempestifs dans les tribunes.

Samedi et dimanche. Comprendra qui pourra.

Voile

On aurait adoré vous dire que Casper Ruud avait été transparent, était passé au travers ou encore le qualifier de revenant au terme d’une remontée en 3 sets. Rien de tout cela. Le parcours du Norvégien jusqu’au titre s’est apparenté à un long fleuve tranquille à peine perturbé par l’écueil Paire en quart de finale. La seule tempête a eu lieu dans le cerveau de l’Avignonnais, tout à coup littéralement obsédé par une vérification urgente de la tension de sa raquette par un cordeur qui avait eu l’outrecuidance de ne pas se téléporter sur le court dans la seconde.

Pentathlon moderne

La playlist du DJ de la Roy Emerson Arena n’était vraiment pas loin d’un enchaînement escrime – natation – équitation – tir au pistolet – course à pied. En effet, notre artiste n’a pas hésité à laisser défiler sa compil’ franco-anglo-germanophone 1970-2020 en lecture aléatoire. Le résultat: de Johnny Hallyday à Aya Nakamura en passant par Wonderwall, Despacito et Call Me Maybe. Le clou du spectacle: Les Sardines de Patrick Sébastien pendant la finale de double.

Nos excuses, il n’y avait pas un, mais deux DJs !

P.S. C’était sûrement pas Aya Nakamura, mais on est bien incapable de vous nommer d’autres adeptes de l’auto-t(h)une.

Escrime

Le gars assis à notre gauche dimanche après-midi. On l’avait probablement prévenu que l’impact de la pandémie s’intensifiait à partir de 1500m d’altitude. C’est donc muni d’une casquette, de lunettes de soleil, d’un double masque et d’une visière en plexiglas que notre touriste apparemment hispanophone (pas évident à identifier sous toutes ces couches) assistait à l’empoignade entre Ruud et Gaston. Il avait probablement laissé le reste de sa combinaison et son épée à la maison. Bougre d’inconscient, va.

Tir à la carabine

La finale du tournoi de double opposant la paire suisse Dominic Stricker / Marc-Andrea Hüsler aux Polonais Szymon Walkow et Jan Zielinski avait tout de la fête de tir. 34 points gagnés sur les 35 premiers au service pour les locaux, un tie-break sorti tout droit des années 90 avec en tout et pour tout 3 services retournés proprement dont 2 pour sceller la partie en faveur du duo alémanique.

Tetcheu ce qu’on s’est fait chier. On en pardonnerait presque aux organisateurs du tournoi de Wimbledon d’avoir décidé de ralentir leur surface au début des années 2000. Presque.

On ne se contient plus après le seul échange du match.

Au fait, saviez-vous que Stricker (18 ans) était le plus jeune vainqueur d’un tournoi de double depuis… Mikael Ymer avec son frère Elias à Stockholm en 2016 ? Le gaucher bernois est même le plus jeune vainqueur en double de l’histoire du tournoi de Gstaad. On ose à peine vous dire qui était le précédent détenteur de ce record de précocité. Un obscur tâcheron du nom de Roger Federer, qui s’était aligné aux côtés d’un certain Marat Safin en 2001, une époque où on acceptait vraiment n’importe qui dans le tableau. 

Triathlon

Vous avez sûrement déjà prêté une oreille distraite aux sempiternels discours de remerciements lors d’une cérémonie de remise des trophées. La version bernoise de la chose n’échappe pas au triptyque habituel, horriblement convenu et souvent fort mensonger:

1) L’adversaire (« Bravo machin, tu feras mieux la prochaine fois, je sais que tu disputeras beaucoup d’autres finales, tout de bon pour le futur »), parfois son équipe, le tout suivi de son propre team (« Merci à X et surtout à Y qui a dû rester à la maison mais qui m’a toujours soutenu »).

2) L’organisation du tournoi (les ramasseurs, les juges de ligne, les sponsors, le directeur, l’intendance, les chauffeurs, le poisson rouge de la concierge du stade, etc.).

3) Le public, toujours fidèle, toujours nombreux et à qui le joueur doit toujours toutes ses prouesses, forcément.

Putain, Stan, tu nous manques.

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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