Au soleil, sous la pluie, à Vidy ou à minuit

Veni, Vidy, Ouchy pour Tamara Zidanšek

Pas de Roland-Garros ni de Wimbledon pour nous cette année (et donc pas de Djokoverdose, on ne s’en porte pas plus mal). C’est par conséquent sur le tournoi majeur du (très) pauvre que Carton-Rouge a jeté les restes de son dévolu (et le seul rédacteur qui n’avait pas eu le temps de dégaîner une excuse un pass vaccinal valable pour se trouver à des milliers de kilomètres de là).

Le décor

L’Avenue de Provence, son célèbre garage et son prestigieux gymnase (tous deux aussi gris et bas de plafond que le ciel londonien) feront office de Church Road et son point culminant de Wimbledon Hill, alors qu’on se contentera de la descente de la Vallée de la Jeunesse et du sprint final sur l’Avenue de Rhodanie via le giratoire de la Maladière en lieu et place de la sacrosainte Queue dans Wimbledon Park nous menant tout droit (mais vraiment pas très vite) aux portes du All England Lawn Tennis Club.

Ça tombe bien, le TC Stade-Lausanne et son tournoi WTA 250 nous ouvrent un portail bien plus prestigieux: celui des cieux. « Welcome to the tennis paradise », annonce modestement son site internet. Pour un tableau qui célèbre 3 ans d’histoire (dont une annulation), on n’en attendait pas moins.

Vous l’avez compris, on reparlera beaucoup des cieux, un peu moins du paradis.

Le plateau 

Le Ladies Open de Lausanne, c’est 235’238$ de prize money au total (c’est-à-dire environ ce que touche un(e) huitième-de-finaliste de Wimbledon), une unique championne (Fiona Ferro) avant cette édition et surtout un tableau de rêve. Lisez plutôt:

Sloane Stephens, ancienne numéro 3 mondiale, lauréate de l’US Open en 2017, finaliste à Paris et aux WTA Tour Finals l’année suivante, quart-de-finaliste au minimum dans les quatre levées du Grand Chelem… Hein ? Ah, elle est blessée et ne viendra pas ? Ah merde…

Bon, mais il y aura aussi Alizé Cornet, onzième mondiale dans une autre vie et surtout guest star dans un épisode de l’Instit en 2001. Pardon ? Ah, elle a chopé froid… Voilà qui est bien ennuyeux…

Quid de notre nouvelle valeur sûre nationale et nouvelle 48ème mondiale, Viktorija Golubic, récente quart-de-finaliste à Wimbledon, coupeuse de têtes en Fed Cup et gagnante du tournoi en 2016 lorsqu’il était organisé à Gstaad ? Quoi ? Ah, trop fatiguée après ses exploits londoniens… Pas de bol…

« Attendez, je pose juste ce machin informe pendant que Jeff Collet regarde pas. » 

Il ne nous reste donc plus qu’à nous démerder avec Tamara Zidanšek (demi-finaliste Porte d’Auteuil cette année tout de même) et son cortège de vannes douteuses (et seulement à moitié utilisables en cette année de mousson).

La semaine en deux mots

Pot-de-chambre. Oui, techniquement c’est trois mots.

Paléo ayant été annulé et le tournoi de Gstaad ayant quitté son traditionnel créneau post-Wimbledon depuis quelque temps déjà, toute la fureur céleste s’est donc concentrée sur Vidy cette semaine. On imagine assez Don Vito Cortizone, flanqué de son perpétuel nuage pluvieux, en directeur du tournoi. Maledizione !

« – Il y a souvent du vent comme ça chez vous ? – Oh non, seulement quand il ne pleut pas. »

Résultat des courses: jeudi en fin de journée, il n’y avait que trois qualifiées sur huit pour les quarts de finale prévus le lendemain.

L’homme de la semaine

Oui, comme le 24 heures et son focus sur le forfait bâlois le plus prévisible de l’histoire en direct des travées de Vidy, on a décidé de profiter d’un tournoi féminin pour mettre un coup de projecteur sur un mâle.

Qui ne connaît pas Kader « Barry White » Nouni, arbitre-baryton de son état ? Avec lui, l’annonce du score est un pur régal, surtout lorsqu’il doit répéter « Eikeri – Grammatikopoulou lead… » dix fois de suite dans un tie-break jusqu’à déclarer de guerre lasse à 6 points à 3 que… le set est terminé, au grand dam de la paire adverse et pour le plus grand plaisir hilare du public encore présent deux heures après la finale du simple.

La buse de la semaine

La couverture médiatique locale. OK, un tournoi féminin en plein air en plein mois de juivembre sans réelle tête d’affiche, c’est pas très sexy. Mais s’il faut vraiment envoyer un fervent supporter du GSHC dans les gradins pour couvrir l’évènement, briefez-le au moins un peu sur le circuit WTA au préalable…

Les dieux de la météo ayant déjà ouvert les vannes, tout était permis apparemment. « LOL », c’était d’ailleurs syllabe pour syllabe notre réaction à la lecture de cet article. On précisera quand même que Maryna Zanevska est belge. Bon, OK, seulement depuis 5 ans et on peut très facilement confondre les deux drapeaux au tableau d’affichage (ou passer à côté des 3 premières lignes de sa page Wikipédia).

Comme précisé dans le passage du haut, le match a duré 2h11. Notre reporter et son oeil de lynx seraient prêts à jurer que Di Lorenzo a joué l’entier de ces 131 minutes de la main… gauche. Sacrée performance de la part de celle qui est effectivement née à Pittsburgh de parents italiens.

Le tournant de la semaine

L’officialisation de la retraite de Timea Bacsinszky, dont la conférence de presse de jeudi a d’abord été repoussée (par la pluie ?) puis annulée et remplacée par un post sur Instagram. On ne peut s’empêcher de penser que l’ancienne double demi-finaliste de Roland-Garros et médaillée d’argent olympique en double qui est toujours mieux classée que Tess Sugnaux après 2 ans d’inactivité méritait une plus belle sortie. Même si, à l’instar de la révérence d’Arjen Robben plus tôt dans la semaine, il s’agissait surtout d’entériner ce que le terrain avait déjà annoncé de longue date.

 
 
 
 
 
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Bref, on imagine bien que la nouvelle se propagera tout aussi vite via 161’600 followers tous réseaux confondus que par le biais d’une conférence de presse en col roulé, moufles et parapluie dans un TC Stade-Lausanne aussi vide que le crâne d’un complotiste et aussi inondé que le gosier d’un fan anglais 6 heures avant un match. Qu’on apprécie cette façon de communiquer qui fait fi des médias traditionnels ou non.

Le coup droit gagnant long de ligne de la semaine

Le beau geste des organisateurs après trois jours au moins partiellement gâchés par la pluie. Et merde, on avait déjà acheté nos billets pour le week-end.

Le vieux revers boisé dans le bas du filet de la semaine

La bulle sanitaire aussi hermétique qu’une triplette Clément Lenglet – Timm Klose – David Luiz en défense centrale.

Entrée séparée pour les joueuses et pour le public (à l’autre bout du club), tests répétés pour les protagonistes du tournoi, masques en entrant sur le court (celle-là on ne la comprendra décidément jamais). Jusque-là on se dit que tout est fait avec beaucoup de sérieux.

On a bien déjà quelques doutes en empruntant le chemin conduisant à la tribune principale de la Swisspor Arena (c’est pas à Lucerne, ça ?), chemin que doivent également emprunter les joueuses (à une bifurcation près) pour retourner à ce qui fait office de zone mixte du côté du terrain de padel et du parking. Il est donc extrêmement facile de bousculer Caroline Garcia par inadvertance à sa sortie du court ou de se trouver nez à nez avec Thierry Champion, par exemple. Et c’est encore plus drôle quand une certaine Carole Monnet, 501ème en simple sans être une peintre, tente de se frayer un passage et finit par faire la queue comme tout le monde puisque le brave bénévole en charge de la barrière n’avait même pas remarqué qu’il s’agissait d’une participante aux joutes lausannoises. Bref, on se dit toujours que tout va bien et que même si la bulle est tout sauf hermétique, on fait ce qu’on peut. On se dit aussi que la PC, spécialiste ès garde de barrière abandonnée devant l’Eternel, serait certainement bien plus efficace dans une telle situation.

Mais voilà, à la 35ème averse de la journée, on se décide tout de même à s’offrir un chocolat chaud au restaurant du club, malgré son staff à la bonhomie aussi marquée que celle d’Ivan Lendl au saut du lit. Vous nous direz qu’on n’avait pas trop le choix, puisque si la situation sanitaire permet la présence aussi cruciale qu’une analyse de Raymond Domenech de – wait for it – popcorn gratuit et d’un petit stand de boissons (la bière coule à flots fortement modérés par le tarif de 6 francs les 33cl), il était en revanche apparemment impossible d’y ajouter de la petite restauration.

Sergio Giorgi explique au sparring de sa fille qu’il va falloir lui servir sur le coup droit et qu’il a plutôt intérêt à le faire correctement, sinon il refait le coup de Rome avec Lara Morgane (non, ceci n’est pas une faute de frappe).

Revenons à nos moutons (non, Jean-Dominique, pas ceux-là). Nous enfilons donc notre masque, naïfs que nous sommes, et entrons. Quelques secondes suffisent à comprendre que la bulle nous a bel et bien explosé au visage. En plus du fait que le port du masque semble proscrit, y compris au sein du jovial personnel, on se casse immédiatement le nez (toujours masqué pour l’heure) sur un groupe de joueuses allègrement mélangées aux clients lambdas, juste avant de remarquer que Camila Giorgi et son entraîneur de père ont également élu domicile à l’intérieur du restaurant (par ailleurs probablement aussi bien ventilé qu’une salle de classe vaudoise) pour le souper. Tout va pour le mieux.

Oui, tout va pour le mieux car on a assuré l’essentiel: protéger la jeunesse lausannoise d’un contact visuel potentiellement mortel avec l’élite de la WTA en calfeutrant les courts annexes derrière des bâches. Ouf !

Le chiffre à la con

1. Comme la seule Suissesse (Stefanie Vögele, plus très à la mode ces derniers temps) qualifiée pour le deuxième tour du tournoi de simple sur les 5 engagées au départ. C’est donc pire que le taux de réussite de 26,2% des Français au premier tour des tournois du Grand Chelem en 2021. Bref, on s’en fout, on les a battus en foot

La seule victoire helvétique (en simple) du tournoi, devant des tribunes p… devant des tribunes.

L’anecdote

Thierry Champion n’est pas reparti d’un tournoi sur terre en tricycle cette fois.

La présence de Clara Burel, numéro 1 mondiale junior en 2018 et donc finaliste malheureuse du désormais fameux LOL 2021 face à Zidanšek, et de son coach Thierry Champion nous a amené à faire une petite recherche Google pour vérifier que notre mémoire ne nous trahissait pas. On n’a pas eu besoin de taper énormément de caractères pour avoir le résultat attendu.

Le droit à l’oubli sur internet, ça n’existe pas. Même 28 ans après.

Blague à part, si Burel garde le même genre de maîtrise de ses nerfs que face à une Garcia dont le cerveau a fait tellement de loopings qu’on se serait cru au meeting aérien de Payerne, si elle acquiert une deuxième balle de service digne de ce nom et si les médias français la laissent un peu plus tranquille que Hugo Gaston (qui ça ?) en 2020, celle qui entre ce lundi dans le top 100 pour la première fois risque de beaucoup décevoir nos collègues de la Fédération Française de la Lose à l’avenir.

Et sinon, dans les tribunes ?

A notre arrivée sur les lieux, on tâche de mémoriser le numéro de notre place, on demande poliment au bénévole du quatrième âge qui fait office de stadier par où on doit rentrer, et il nous lance dans un grand postillon, à 20 cm de nos muqueuses: « Assieds-toi où tu veux, y’a personne ! »

Fiona Ferro couvée par son coach Emmanuel « Hagrid » Planque.

Il y avait donc une stratégie claire à adopter cette semaine: s’asseoir au rang 7 du central pour pouvoir profiter du match et du court d’entraînement principal, souvent au moins aussi intéressant, en simultané.

La minute pilier de bar PMU

Elle appartient à un spectateur anglo-saxon suffisamment aviné pour activement – et bruyamment – se prendre au jeu d’une demi-finale de double entre Bandecchi / Waltert et Routliffe / Zimmermann depuis la terrasse VIP du restaurant du club et qui s’était pris d’affection pour la paire belgo-néo-zélandaise. A 7-6 5-3 0-15 en la faveur du duo helvétique, une double faute de Waltert était accueillie par un puissant “IT’S COMING HOME !” du plus bel effet. Avec autant de succès que pour les hommes de Gareth Southgate puisque la partie était bouclée 6 points plus tard pour assurer une présence locale en finale, gagnée le lendemain face aux linguistes gréco-norvégiennes Eikeri / Grammatikopoulou.

Susan Bandecchi et Simona Waltert avec des accessoires un peu bizarres pour un shooting.

Au fait, le saviez-vous ? Au XXIème siècle, le double dames se joue principalement en diagonale du fond du court, jusqu’à ce qu’une opportunité d’allumer de toutes ses forces l’une des deux cibles humaines se tenant près du filet et pas vraiment encline à volleyer se présente. 

La rétrospective du prochain tournoi 

Le tournoi ATP de Gstaad, du 19 au 25 juillet. On y sera donc il risque de pas mal pleuvoir, n’y allez pas.

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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