Comment redonner des couleurs au football suisse allemand ?

Carton-Rouge s’est rendu jeudi dernier 21 février à la table ronde organisée par le Centre International d’Étude du Sport (CIES) en collaboration avec ArcInfo. Animée par l’ex-journaliste de la RTS Raphaèle Tschoumy, la soirée s’est déroulée en la compagnie notamment des présidents des clubs de Sion, Xamax et de Servette pour tenter de donner de la lumière aux clubs romands. Raffaele Poli introduisait l’événement en évoquant la dure réalité statistique des clubs francophones en contraste avec nos voisins alémaniques. Constats épineux, absence du LS, blagues désuètes, tentatives de solidarité, et encore des constats épineux, la table ronde s’est rapidement transformée en un véritable exercice de servilité futile. Explications.

Raffaele impoli

On le sait, les clubs romands peinent à se faire une place dans notre championnat national. Quoi de mieux que de le noter avec une présentation statistique des dégâts. Des faits, défaites et bien peu de fêtes. Xamax compte le contingent le plus âgé, Servette possède le plus grand stade, mais proportionnellement l’affluence la moins élevée et cerise sur le gâteau, en plus d’être faiblement représentés en Super Ligue, les clubs romands ne sont les auteurs que de maigres résultats. Quand on pense que l’ultime club romand champion suisse est Servette (il y a 20 ans !) et qu’il évolue en deuxième division… À cette époque, le championnat se jouait sur un tour final à 14 matches et à 8 équipes. La magie du « il en faut peu pour être heureux » n’opère pas ici. Merci Raffaele Poli pour cette mise en train valorisante… pour les Suisses allemands.

Le LS HS ?

Encore une fois, quoi de mieux pour les organisateurs que de souligner haut et fort l’absence à ce RDV d’un protagoniste comme le Lausanne-Sport afin de « redonner des lumières aux clubs romands ». Le LS aurait refusé l’invitation. Les raisons ? David Thompson n’aurait eu ni l’envie de faire le déplacement ni de payer un traducteur. D’autres rumeurs indiquent que la table ronde aurait tranché définitivement pour Servette en vue de la promotion en Super Ligue. Enfin, le LS ne serait peut-être plus considéré comme un club romand. Étant donné les enjeux de ce soir, cela paraît plutôt positif.

« Si Christian est pauvre, alors moi je suis au social »

Après ce premier épisode de servilité devant les Suisses allemands, la parole a été donnée à Christian Constantin (Sion) accompagné de Christian (Binggeli, Xamax) et de Constantin (Georges, remplaçant de Fischer pour Servette). La thématique principale abordée a été celle de l’argent, bien évidemment. Avant l’arrêt Bosman, ce sont les clubs qui formaient le mieux qui s’imposaient, mais aujourd’hui les plus riches ont pris la mesure des autres. Et les petits clubs romands sont les premiers à payer cette injustice : « Tu perds deux matches, t’es relégué, t’en gagnes deux et t’es en Europe » commente le président sédunois. Sans compter que le dernier de deuxième Bundesliga gagne autant que les meilleurs clubs suisses. Une réalité qui annihile de plus en plus les exploits des minorités sportives. Et ce, alors que Christian Constantin verse 6 millions par an à son écurie (des recherches de pétroles ont été tentées dans la vallée du Rhône, en vain). Pourtant, cette dernière est loin d’être la plus impécunieuse parmi les clubs francophones : « Si Christian est pauvre, alors moi je suis au social » déclare Binggeli le président de Neuchâtel Xamax, à la fois le plus tendu mais quand même le plus sérieux des trois représentants de la table. « Nos joueurs mangent à la Coop » poursuit-il.

Christian Constantin qui envisage.

Plutôt la concurrence que la solidarité

On l’a compris, le problème central réside dans le modèle économique qui devra évoluer, sans quoi les vingt prochaines années de football romand risquent de se compliquer, encore. Cependant, c’est également un état d’esprit qui doit se métamorphoser : en Romandie, seules les grandes échéances attirent et l’identification aux clubs n’est pas à la hauteur de celle de nos homologues germaniques. Et ce, nonobstant le potentiel d’agglomération du LS ou de Servette qui est égal à YB, par exemple. A noter que les fonds mis de côté pour le développement des formations de jeunes de Sion et de Servette (Zakaria, dernière réussite récente) commencent à porter leurs fruits.

Or, au moment d’évoquer une possible solidarité entre les clubs romands – et cela ne pouvait que mieux commencer avec l’absence des représentants du LS – les présidents ont botté en touche, signe d’un malaise assez explicite. Binggeli se justifie en parlant de son excellente relation avec le FC Bâle, Constantin reproche au premier de lui avoir refusé des propositions de joueurs et Georges ne dit plus un mot. On est bien loin d’une réunion de famille. Pourtant les trois regrettent l’évanescent mercato actuel qui ne leur permet plus d’enrôler des joueurs en solde comme auparavant. À côté, Raffaele Poli, qui animait également ce débat, venait tout juste d’exprimer son enthousiasme vingt jours plus tôt devant un mercato d’une durée courte de deux semaines. Rien de plus contradictoire.

Enfin, on notera quand même l’excellente idée de revisiter la formule du championnat en prenant exemple sur le hockey sur glace suisse. Pendant que d’autres journalistes proposaient une sorte de Ligue des Nations des clubs, avec des groupes restreints par niveaux de jeu puis phase à élimination directe qui détermine le champion de Suisse (!). Bref, cette soirée n’a rien amené de bien concret sinon des blagues qui n’auront fait rire que les Suisses allemands. Il n’est pas certain que de relever le négatif soit le plus efficace pour « redonner des couleurs » à quiconque en aurait besoin. Et quand il s’agit d’évoquer le positif, il n’y a plus personne, si ce n’est des anecdotes qui font rire ou des séries de justifications futiles. Le plus impressionnant restera le banquet final long de 15 mètres qui ressemblait à un menu de remise en forme post-dépression. Sur ce, et en guise de solidarité, on voit bien Constantin recruter Raph Nuzzolo l’été prochain pour baisser la moyenne d’âge de Xamax.

 

A propos Thomas Christen 27 Articles
C'est dans la chronique FOOTURO, chers lectrices et lecteurs, que vous en apprendrez plus sur les perfs' actuelles des athlètes suisses qui ont joué les mercenaires du monde. A vous de voir : footuro ou footu pour la Nati ?

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