Fish & Championships

Voilà, Wimbledon c’est fini ! Même David Goffin n’aura pas réussi à lancer la fronde contre le Goliath serbe et ses deux acolytes. Franchement, cette énième démonstration de force du Big 3 (sorry Andy !) a déjà fait couler tellement d’encre depuis deux semaines qu’on a décidé d’arrêter l’hémorragie en vous parlant de notre Manic Monday (pas si fou que ça en vrai) dans le jardin de Sir Roger à la place. Enfin dans l’antichambre de celui-ci, le Court no1, son nouveau toit (qui nous a servi de parasol de luxe) et ses sièges aussi soudainement rembourrés que la nouvelle confiance en lui de Guido Pella. Bienvenue au pays de la grisaille, du refus absolu de la canicule et du réveil involontaire à l’aube pour cause d’inexistence complète et totale de stores et autres volets.

The Queue

Au Royaume-Uni, si vous obtenez quelque chose sans avoir fait la queue au préalable, même monter dans un bus, vous n’avez pas l’impression de l’avoir vraiment mérité. Qu’est-ce qui pourrait remplacer cette sensation de nausée qui vous assaille quand à 5h37 du matin, vous vous ébouillantez avec votre deuxième gorgée de café tout en essayant de maintenir au moins une paupière ouverte et vous entendez le premier « pop » caractéristique de l’ouverture d’une bouteille de champagne particulièrement précoce ? Les charmes de la Queue sont incomparables et cette expérience se doit de figurer sur la bucket list de tout amoureux de tennis. Malgré tout, ayant obtenu des billets pour deux jours via le fameux « public ballot », cette loterie qui donne une chance à tout un chacun d’obtenir un billet pour n’importe quel jour sur un grand court (ou rien du tout dans la plupart des cas), et n’ayant plus 20 ans, on a décidé de ne pas se pointer à « silly o’clock », comme on dit ici, pour une troisième session, et ce par pure flemme. Nick, agent de sécurité de son état avec qui on a taillé le bout de gras à l’entrée du parc, nous a d’ailleurs avertis que le premier samedi de la quinzaine, la Queue était déjà longue de 12’000 badauds à 8h40. Ça calme. A moins de camper deux jours de suite dès la fin de son match, vous ne verrez pas le tour suivant de King Roger par voie de file indienne.

L’état de la Queue à 24 heures des quarts de finale masculins (pendant que leurs pendants féminins sont joués dans l’indifférence générale).

La quinzaine en deux mots

Serandy. Deux mots en un, le nom de la paire de double mixte la plus glamour de ce côté de la Tamise. Même si on nous a dit que Murrena était finalement l’option choisie, malgré la plainte pour plagiat déposée par John Héléna via la Fondation André Franquin.

« La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? » demandent ces prospectus fièrement brandis par des Témoins de Jéhovah sur Wimbledon Park Road. Les pauvres n’ont probablement jamais assisté au tournoi s’ils doivent encore poser la question.

Middle Sunday

Vous savez, un dimanche sans tennis, ce truc qui n’existe nulle part ailleurs et qui est drôlement pénible quand on suit le tournoi depuis son Helvétie natale. Ce genre de jour chômé où on hésite même à s’infliger le supplice suprême d’une étape de plat du Tour de France sur la RTS histoire de finir le voyage au bout de l’ennui. Sur place par contre, on avoue que cette tradition est vraiment sympa. Si vous flânez dans le quartier, vous croiserez peut-être Magnus Norman qui s’enfile un burger à Five Guys (oui, oui) et vous aurez la chance d’assister au tournoi de mini tennis organisé par les campeurs qui gardent jalousement leur place dans la Queue à Wimbledon Park (selon l’étiquette de la Queue, scrupuleusement appliquée par les sympathiques honorary stewards, on ne peut quitter sa place pendant plus d’une demi-heure, juste le temps de récupérer sa pizza chez Franco Manca au bout de la rue). Si vous vous levez à l’aube, vous croiserez peut-être même Nick Kyrgios sur son parcours de jogging matinal. Euh… ah non.

Après 6 jours de création, le Seigneur s’est pris un dimanche de pause bien mérité loin des perches à selfies.

La lady de la quinzaine

Cori « Coco » Gauff, véritable couteau suisse du tennis féminin du haut de ses 15 ans, un âge auquel nos chères têtes blondes ne doivent en général pas passer leurs examens de certif’ sur FaceTime entre deux tours de qualifications à Roehampton. Couverture de terrain nadalesque, constance du fond digne du discours 2018/19 de Giorgio Contini, fulgurances des deux côtés, résilience mentale à la hauteur d’un pilier de vestiaire dirigé par Bill Stewart, et, last but not least, une cote d’amour à donner des boutons à Djokovilain. Si la surface n’avait pas été directement importée depuis le tournoi de Charleston cette année, sa résistance farouche face à Simona Halep aurait peut-être été moins vaine. On y reviendra.

Coco s’est gaufrée en huitièmes contre Simona Halep.

Le fashion statement de la quinzaine

Le rideau de douche qui servait de survêtement à Serena Williams au moment d’entrer sur le court. Grandiose. Selon la rumeur, sa jeune compatriote Gauff lui aurait lancé « t’as le look, coco ! » en la voyant passer.

Serena se débarrasse de son rideau de douche avant de mettre une rincée à Carla Suarez Navarro.

Le service-volée gagnant de la quinzaine

On plaisante, cet enchaînement n’a plus été vu à Wimbledon depuis 2001. On raconte qu’il court toujours. Son signalement est d’ailleurs affiché dans toutes les stations de métro de la ville depuis 18 ans avec récompense à la clé.

Et c’est pas Novak Robotic, douze mètres derrière sa ligne de fond, qui va nous faire du chip & charge…

Le faucon de la quinzaine

Eh oui, pas de buses à Wimbledon. C’est bien un faucon qui répond au nom de Rufus – qui a son propre compte Twitter (finissez de lire avant d’aller voir !), tout comme le toit du central et la Queue d’ailleurs – qui est utilisé pour faire fuir les pigeons, au grand dam de toute la rédaction de Carton-Rouge.

On va jusqu’à avertir les pigeons que ce n’est même pas la peine d’essayer de prendre le métro en direction de Wimbledon, Rufus veille.

La tache de fraises à la crème sur la tenue blanche de la quinzaine

Comme on ne peut pas faire comme à Roland-Garros et casser du sucre sur l’organisation, aussi immaculée que la tenue de ses joueurs, il a fallu trouver autre chose. On jurerait même que certains ball kids ultra zélés ont mélangé des substances pour le moins illicites à leur breakfast et que les multiples files d’attente sont gérées par des algorithmes de la NASA. Même lorsque des collégiens décident d’ignorer les règles (my goodness !) et d’éclater de rire pendant les points sur le court 12, un homme d’un âge plus que certain (un des fameux honorary stewards susmentionnés) est promptement envoyé au sommet des gradins pour calmer ces galapiats avec un calme digne des dieux de l’Olympe.

OK alors il y a des trucs nuls dans ce tournoi ? Ce qui fâche ici ces temps, c’est le fait qu’on ne reconnaît le gazon qu’à sa couleur cette année (et encore, faut bien regarder). Pour le reste, c’est de la terre battue en mode furtif. Les puristes nous diront que le tournant a eu lieu entre le Ivanisevic-Rafter de 2001 et le Hewitt-Nalbandian de 2002. C’est vrai, on est passé d’à peu près zéro service retourné à zéro tentative de service volée en finale (la deuxième stat n’est pas inventée) cette année-là. On est d’accord, le remplacement des doubles mètres tueurs de jeu par des géomètres fossoyeurs de points gagnants ne date pas d’hier. Il n’empêche que cette année, mettre son adversaire loin de la balle est l’équivalent d’une victoire face au Lausanne-Sports en match amical dans la touffeur de juillet, une vraie gageure. Tout le monde semble d’accord là-dessus, de Marc Rosset à Marc-Olivier Reymond en passant par le jardinier du Temple. Seule la sangsue de Manacor, qui a déjà oublié son caprice de début de tournoi sur l’attribution des têtes de série, jure n’avoir rien remarqué.

Les fraises à la crème, ou plutôt une pinte de crème dans laquelle baignent quelques fraises éparses, le tout arrosé de Pimm’s. Un must.

L’anecdote entendue au pub du coin

On allait vous parler de la tournée qu’on a payée à Nick Kyrgios au Dog & Fox, mais malheureusement on est arrivé trop tard, celui-ci avait déjà été boire ailleurs. Blague à part, le truc qu’on a entendu partout, et pas seulement dans les pubs, est une sourde inquiétude à l’idée de quinze jours complets sans pluie à Wimbledon. On sentait que la population locale n’était pas prête à battre ce record qui éclipse de loin ceux de Margaret Court, Serena Williams ou Roger Federer à leurs yeux. Une quinzaine sans pluie, c’est un peu comme si Nadal pouvait servir sans se tâter tous les points vitaux et quelques orifices au préalable ou si les arbitres commençaient à appliquer la règle des 25 secondes à tout le monde. De la science fiction dans sa forme la plus pure. Effrayant.

Le fameux stamm de Nick Kyrgios et de la plupart des suiveurs du tournoi à Wimbledon Village.

Le bulletin de santé d’Andy Murray

On avait très peur que l’antidote universel à l’insomnie chronique Roberto Bautista Agut reste à jamais son dernier adversaire. En le voyant résister aux high fives soutenus de Serena Williams entre les points, on se dit qu’on le reverra peut-être bientôt en simple, la hanche a l’air de tenir le choc. Si ce genre de bravoure ne suffit pas à définitivement renommer Aorangi Terrace de Henman Hill à Murray Mound, on ne sait pas ce qu’il faut aux locaux.

Et sinon, dans la Royal Box?

Mention spéciale à nos voisins de sièges sur le Court no1, qui avaient clairement confondu Wimbledon avec une garden party dans les appartements de Sa Très Gracieuse Majesté. Costard bleu, cravate d’un vert à vous rendre aveugle plus vite que la tenue de Nishikori à Paris, robe d’apparat, débit de parole aussi soutenu et dépourvu d’intérêt que la valse des entraîneurs du FC Sion. Si vous avez déjà essayé sans succès de tuer un moustique qui vous bourdonne dans l’oreille pendant plusieurs heures, vous savez ce qu’on a ressenti pendant les presque 90 minutes du Williams – Suarez Navarro d’ouverture. Du small talk dans tous les sens du terme. Fort heureusement pour nos appareils auditifs surmenés, nos amis guindés faisaient probablement partie des gens qui avaient payé un minimum de 1145 livres pour un hospitality ticket qui leur donnait accès à une table privée, un menu de trois plats servis par un grand chef, une sélection de vins et champagnes, un accès au bar à whisky et cigares, etc. Et du coup, l’appel du Pimm’s à leur table exclusive s’est rapidement fait sentir, suivi de près par l’heure du thé. Les deux derniers couplets du récital de Novak Djokovic auront donc été remplacés par la musique live du lounge VIP pour nos deux ignares.

Allégorie du froid réalisme du Big 3 et du destin inéluctable de leurs rivaux.

La minute John McEnroe

La RTS a(vait) Pierre-Alain Dupuis, à France Télévisions on ne compte plus les gaffeurs tellement ils sont nombreux, L’Equipe s’efforce de faire concurrence avec son consultant Mats Wilander, tellement souvent à côté de la plaque qu’on lui interdit les repas chauds à la rédaction. A la BBC, dont la couverture de l’événement est par ailleurs aussi impressionnante que l’ego de Patrick Mouratoglou, c’est John McEnroe qui arrose (parfois) le gazon à coups de commentaires aussi pertinents que les interventions de Pascal Praud sur le climat. Ce brave Mac donc, dans son habit de lumière au bord du Centre Court, accompagné de l’inusable Sue Barker, 543 ans aux chanterelles, nous annonce le plus sérieusement du monde qu’il faudra être « vraiment athlétique » pour battre Serena Williams. Comme quoi la pertinence et les titres en Grand Chelem ne vont pas toujours de pair. Par contre il y a fort à parier que les 190’000 livres sterling qu’il empoche pour 14 jours à Londres (environ 10 fois ce que la chaîne octroie à Martina Navratilova soit dit en passant) dépassent légèrement le salaire annuel de PAD (enfin, on espère). On allait en rester là, mais c’était compter sans Boris Becker. En effet, « Boum-Boum », dont la faillite (il partage donc plus qu’une couleur de peau et une coupe de cheveux avec Donald Trump) l’avait pourtant fait convoquer par un tribunal de notre beau pays en 2017, décidait de lister les nombreuses langues parlées par notre RF décidément pluridisciplinaire, sans oublier… le suisse. Ouch.

John étale sa science sur grand écran comme si c’était de la marmelade locale.

Le tournoi des légendes

En regardant la liste des vieux lions attendus dans le cadre du Gentlemen’s Invitation Doubles sur le Court no1 en ce samedi 13 juillet, deuxième jour pour lequel on a eu la chance d’arracher des sésames, on se demande soudain, avec un brin de panique, si Roger Federer et les sœurs Williams seront déjà éligibles pour évoluer au sein de la catégorie « senior » des plus de 45 ans quand ils se décideront enfin à raccrocher ou si on leur demandera d’affronter des adversaires de 20 ans leurs cadets, comme pendant les deux tiers de leur vie professionnelle. C’est la #NextGen (qui ça ?) qui doit être contente, même chez les vétérans ils ne toucheront pas à un titre majeur. Le tournoi des légendes, c’est aussi l’occasion de voir une sexagénaire ivre morte faire irruption dans les travées au beau milieu d’un jeu, à pieds nus et son septième gobelet de Pimm’s à la main, s’asseoir entre deux sièges, s’assoupir immédiatement, et se réveiller en sursaut à chaque pitrerie de Mansour Bahrami pour tenter d’applaudir et rater ses mains dans le processus. Inoubliable.

Haas, Philippoussis, Llodra et Clément. Que des contemporains de Roger à peu de choses près qui en sont réduits au tennis-apéro.

La finale

Comme on a décidé que la lecture de cet article vous prendrait exactement 4h57, durée d’incubation d’une dépression clinique selon un médecin serbe, on va vous parler un peu de la finale. Figurez vous que votre serviteur, après avoir écrit son papier comme un grand, inséré toutes les images au poil pour ne pas (encore) se faire engueuler par le rédac’ chef, a dû appeler sa banque tard samedi soir quand il a appris que ses connexions chez les rosbifs avaient enfin payé. Connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a 4 billets pour la finale de Wimbledon et dont le mari a un genou qui ne lui permet pas de rester assis dans le Temple du tennis pendant plusieurs heures, c’est le pied, si on ose dire. Comme on est encore en état de choc en écrivant ces lignes et qu’on tremblait trop pour pouvoir prendre des notes pendant le match, on va laisser le vrai-faux blog de Marc Rosset et la presse du monde entier vous narrer cette finale comme si vous y étiez. On vous dira quand même qu’on est passé par tous les états d’âme, un peu comme Novak sur le court. De Djokobionic à Djokovictime expiatoire en passant par Djokotonic et Djokosupersonic pour finalement en arriver à Djokocatatonic (ça c’était seulement nous). On se rappellera également, pour être sérieux une seconde, que si Rodge a réussi l’exploit de perdre les deux plus grands matches de l’histoire sur gazon, il était aussi le seul à participer aux deux. Et si quelqu’un nous parle encore de ce qui s’est passé à 8-7, 40-15… D’ailleurs, il s’est passé quoi à 8-7, 40-15 ? Tellement de gens ont brandi leur téléphone en mode vidéo qu’on avoue n’avoir rien vu.

Tiens, en parlant de malaise, on finira ce chapitre tragique de l’histoire du sport suisse en vous disant que l’on a cru être témoin d’une terrible défaillance en allant se soulager la vessie à la sortie des tribunes (à défaut de pouvoir immédiatement se mettre la mine du siècle). Les cris déchirants qui nous avaient poussé à commencer à composer le 999 appartenaient en fait à une bande de joyeux drilles massés devant la coupe du monde (lisez « coupe du Commonwealth », personne d’autre ne sait à quoi rime ce truc bizarre qui leur sert de batte) de cricket sur l’écran de leur smartphone. Oui, oui, on a aussi été surpris que ça existe et que quelque chose d’aussi insensé que le cricket puisse encore passionner qui que ce soit en ce jour d’apocalypse dans le monde civilisé.

Cette place bénie dans le grenier du stade depuis laquelle on ne pouvait pas voir le score en entier. Federer a peut-être gagné, qui sait ?

La rétrospective du prochain Grand Chelem

Dur de penser qu’il faut aller se péter les genoux sur le ciment américain après avoir vécu le pic de la saison tennistique pendant deux semaines de grâce, comme chaque année. Bon, il reste surtout Vidy, Gstaad et la Laver Cup genevoise au rayon des tournois à la crédibilité aussi élevée que le poids du porte-monnaie de ses participants.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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