Les Canadiens fêtent, à leur façon, le retour de «Théo» à Montréal !

Certaines soirées ont un parfum particulier, même dans la LNH, où les Européens ont trop souvent tendance à trouver le championnat de hockey le plus lucratif de la planète trop aseptisé. Le samedi 21 octobre marquait le retour de l’ «ex-enfant Roi» de Montréal dans le club de ses débuts. José Théodore, choix de 2ème ronde du Canadien en 1994, a pendant longtemps été le gardien numéro un de la franchise québécoise.

Comment expliquer cette effervescence ? Tout d’abord parce que l’ex-cerbère du Canadien ne laisse personne indifférent. «Théo» a connu du bon temps à Montréal dont une année absolument exceptionnelle lors de la saison 2000-2001 où il enlevait les trophées Hart et Vézina remis respectivement au joueur par excellence du circuit et au meilleur gardien. En 2000, le Canadien, enfin débarrassé du pire directeur-gérant de son histoire, débutait une longue période de reconstruction sous la houlette de Serge Savard. La franchise la plus titrée de l’histoire devait, cette année-là encore, ne pas faire les séries. Les succès de 1993 n’étaient plus qu’un lointain souvenir, les décisions de Réjean «Peanut» Houle ayant mené le Canadien à la ruine. Le point d’orgue de cette agonie survenait en 1996, lorsque la franchise montréalaise échangeait son «gardien vedette» Patrick Roy à l’Avalanche du Colorado. Le traumatisme que déclencha cette décision est encore bien présent dans les mémoires des partisans, plus de dix ans après. Non seulement, la franchise de Denver gagnait la Coupe Stanley la même année, mais en plus Réjean Houle venait d’envoyer le meilleur gardien de leur histoire aux «anciens» Nordiques de Québec, le plus grand rival des «Habs» dans les années 80.
Patrick Roy
Du coup dans l’esprit de beaucoup, lorsque que José Théodore amena Montréal en séries avec l’une des équipes les plus médiocres de la riche histoire de la franchise, les très sévères partisans du Canadien voyaient en ce jeune prodige aux allures de play-boy l’avenir du club et une bonne raison de tourner la page Patrick Roy. Malheureusement pour les fans et le gardien, la lune de miel n’allait pas durer. Théodore profitait de ses succès pour faire sauter la banque et dans la foulée s’attirer la jalousie de la moitié du Québec.

Une longue descente aux enfers

Les problèmes du cerbère du Canadien allaient se multiplier de manière exponentielle dans les années qui allaient suivre. «Théo» allait connaître une saison 2001-2002 très quelconque avant de voir son nom sali dans la presse, son beau-père étant mêlé au sulfureux «scandale des commandites». Et là où les critiques ne faisaient aucun effet sur Patrick Roy, celles lancées contre José Théodore à longueur d’émissions radiophoniques, de webzines sportives et dans la presse affectaient le jeu du gardien du Canadien. Peu importe le résultat, les «pro» et «anti» Théo se déchaînaient avant et après chaque match des «Habs».
Or, malgré les apparences, le gardien de la franchise montréalaise n’était pas uniquement victime d’un acharnement calculé car vendeur. Son omniprésence sur la scène médiatique était savamment provoquée par des conseillers en communication aussi nombreux qu’avides de traire la «vache à lait» qu’incarnait le successeur de Patrick Roy. Peu importe que le niveau de jeu du joueur de concession montréalais chute semaine après semaine, «Théo» était partout. Dans les bars de la ville, dans la rubrique sportive, dans les colonnes judiciaires ou sur les gigantesques panneaux publicitaires de Montréal. Mais contrairement à Roy, Théodore ne possède pas cette mentalité de gagnant qui lui permettait de soulever des montagnes malgré toutes les déconvenues possibles. Et, pire encore, le joueur n’est pas doté d’une intelligence supérieure à la moyenne de ses compatriotes.

Le ras-le-bol provoqué par cette omnipotence chez les partisans avive encore plus la jalousie et la cruauté du tout Montréal vis-à-vis du portier du Canadien. On en oublie que «Théo» reste humain, qu’il paie, chaque année, de sa poche bien garnie une loge du centre Bell pour y accueillir les enfants cancéreux de l’hôpital Sainte-Justine. L’obsession des partisans moyens reste d’échanger le «gardien vedette» pendant que sa valeur est encore haute.

Le Canadien jette la serviette

Progressivement, l’idée de se débarrasser de l’encombrant cerbère du Canadien fait son chemin dans l’esprit de Bob Gainey qui a succédé à Serge Savard en 2003. Les « Habs» repêchent le gardien Carey Price lors de la « draft » 2005. Un inconnu aux yeux de beaucoup qui s’avère être le meilleur gardien formé au Canada depuis l’illustre Roberto Luongo. «Théo» n’aurait ainsi plus que trois saisons devant lui à Montréal, peut-être moins si Carey Price arrive à maturité plus vite que prévu. Théodore ne se sent plus soutenu dans le vestiaire du Canadien. Ses amis sont mis sous forte pression. S’ils ne sont tout simplement pas écartés de l’équipe montréalaise comme Patrice Brisebois, ils sont critiqués pour leur éthique de travail à l’image de Mike Ribeiro, ou retournés dans les mineures comme ce fut le cas de Pierre Dagenais.
Pire encore, «Théo» est esseulé dans le vestiaire. Le recrutement de Gainey se concentre sur des éléments de caractère qui cadre avec celui du capitaine Saku Koivu. Chris Higgins, Mike Komisarek ou Michael Ryder s’imposent dans le vestiaire du Canadien. Ils apportent un renouveau à l’équipe nécessaire pour lui permettre d’aspirer à nouveau aux grands honneurs. Et si seulement ce n’était qu’hors de la glace que  «Théo» rencontre des problèmes, cela resterait supportable. Mais, histoire d’ajouter du sel sur les plaies, le gardien des «Habs» n’arrête plus rien devant son filet. Et après un départ de saison extraordinaire malgré le jeu quelconque de son portier, le Canadien connaît un terrible passage à vide que le cerbère montréalais ne peut endiguer.
Bob Gainey
La réaction des partisans est terrible et Théodore doit laisser « son » filet à Christobal Huet. Le cerbère français devient rapidement la coqueluche des ABT («All But Théo !»). Et le portier grenoblois fait tout à la perfection pour garder son poste. Il devient rapidement le gardien le plus efficace de la ligue et rejoint en tête du classement des blanchissages des joueurs prestigieux qui compte pratiquement le double de parties au compteur. Le congédiement de Claude Julien, personnage médiocre, sans envergure et peu à même de faire confiance au fantastique vivier de jeunes joueurs montréalais ne change rien, les partisans ne veulent plus de Théo et demandent sa tête, surtout depuis que ce dernier est complètement déclassé par «Christowall» Huet.

L’histoire se répète… 

Début 2006, José Théodore est au plus bas. Sa fiche est pathétique, il alloue près de cinq buts par match et n’arrête plus «que» 80% des tirs … dans ses bons soirs. Pire encore, il échoue un test anti-dopage fin 2005. La nouvelle sortira début 2006 et malgré la défense commune affichée par l’organisation du Canadien, plus personne ne croit à l’avenir de «Théo» à Montréal. Certes la substance incriminée, une hormone de synthèse prévenant la chute des cheveux, mais servant aussi à masquer la prise d’anabolisants lorsqu’elle est bien dosée, est tolérée dans la LNH mais pas par l’Agence Mondiale Anti-dopage (AMA).
La défense du cerbère déchu du Canadien est pathétique et la presse lui tombe pour une énième fois dessus. Théo est mis à l’écart par Bob Gainey pour lui permettre de remettre de l’ordre dans sa vie et dans son esprit. Mais la poisse s’acharne sur le gardien qui se casse le talon en sortant de chez lui par une froide soirée de janvier. Personne ne croit à cette blessure et le « journaliste » Michel Villeneuve envoie même des caméras pour tenter de corroborer ses dires. Son lamentable échec sera passé sous silence, « Théo » revenant au centre de l’actualité une fois de plus dans une autre affaire.
Saku Koivu
Cette fois, c’est une vieille dispute entre le directeur-gérant et le gardien qui fait la une. Le premier reprocherait au second son changement d’équipementier pour des raisons pécuniaires. Le matériel choisit par Théodore serait de mauvaise qualité et pénaliserait les performances du cerbère. Interrogé à ce sujet, Bob Gainey noie le poisson à merveille alors que de son côté le convalescent refuse de parler à la presse. Malgré ses bonnes intentions, le malaise est perceptible et les prédictions les plus folles rejaillissent : Théo ne finira pas à la saison à Montréal !
Pour une fois, experts et journalistes ont raison. Bob Gainey jette la serviette et échange son portier … à l’Avalanche du Colorado alors que le triste dixième « anniversaire » du départ de Patrick Roy n’est vieux que de quelques semaines. L’homologue du Canadien à Denver, Pierre Lacroix fanfaronne. Il pense avoir répété le coup de 1996 et même Patrick Roy s’en mêle, déclarant sans rire que l’Avalanche n’a plus besoin de repêcher de gardiens, il leur suffit d’attendre que le Canadien panique pour se servir. Sauf que, la réalité du terrain ne donne pas raison à Lacroix. «Théo» est très quelconque et son contrat diminue, dans la nouvelle réalité de la LNH, la marge de manœuvre salariale de Lacroix. Pire, la réalité du terrain rattrapera le DG des «Avs» qui présentera sa démission après sa sortie sans gloire contre les Ducks d’Anaheim en séries, «Théo» n’ayant à  nouveau pas fait la différence.

Retour à Montréal

Du coup, lorsque l’Avalanche s’amène à Montréal pour une rare fois en saison régulière, la dernière datant de 2004. L’excitation est à son comble. Au plaisir d’accueillir les anciens Nordiques s’ajoute celui de faire mordre la poussière à l’ex-ange déchu du Canadien. Cette rencontre très attendue tiendra toutes ses promesses et illustre encore la pertinence du passage à la nouvelle LNH. Le Canadien fait naufrage en première accordant trois buts aux «Avs».
Aebischer
Le duel des ex-portiers d’organisation, Aebischer défendant la cage montréalaise contre ses anciens coéquipiers semblent tourner à l’avantage de Théo. Mais, c’est sans compter le formidable esprit qui habite les «Habs» cette saison. Deux missiles de Sheldon Souray en fin de première et en début de seconde remettent le Canadien sur orbite.
Les «Habs» devront toutefois attendre le début de la troisième période pour recoller à la marque sur un mouvement de manuel en double avantage numérique. Mais le tournant de la partie surviendra à mi-chemin de la dernière période. Craig Rivet pénalisé, l’Avalanche peut reprendre l’avantage. Mais au lieu de marquer les joueurs de Denver se font prendre par une manœuvre du duo Markov-Koivu qui met sur orbite le joueur revenant de prison ! Rivet, membre du «clan rival» de Théo à l’époque de leur présence respective dans le vestiaire du Canadien, s’avance seul et déjoue le néo-portier de l’Avalanche. Les 21’273 spectateurs du centre Bell chavirent et malgré l’égalisation de Brunette, c’est bien le Canadien qui se sauve avec la victoire en marquant trois nouvelles fois en fin de rencontres.
Centre Bell
La joie de battre les rivaux ancestraux pourrait s’arrêter là. C’est mal connaître les partisans des «Habs» qui vont chambrer José Théodore tout au long de la fin de la rencontre, chantant un hymne tout d’abord créé à sa gloire puis repris pour le railler lors de sa dernière année à Montréal. Après la rencontre, c’est lors de la tribune téléphonique de CKAC, la «voix» des Canadiens de Montréal, que les supporters se déchaînent contre l’ancien cerbère des «Habs».
La presse y est aussi allée de son petit couplet n’épargnant ni la performance du gardien ni son attitude au moment des entrevues d’après-match. La seule surprise est venue de l’absence de compassion affichée par ses ex-coéquipiers. À l’exception notable du toujours très diplomatique Craig Rivet, personne ne se sentait triste pour Théo. Sheldon Souray, la première étoile du match, affirmant sans rire du haut de son presque double mètre qu’il n’éprouvait «aucune sympathie pour Théodore». Une illustration de plus du désamour du tout Montréal pour le «successeur» de Patrick Roy.

Écrit par Jérôme Verrey

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1 Commentaire

  1. La vie de goalie en NHL n’est pas tous les jours facile et les étoiles d’hier deviennent rapidement de simples comètes qui sont vite oubliées ! Demandez à Aebischer ou Gerber ce qu’ils en pensent ! Les valeurs marchandes atteintes par certains suite à une excellente saison ne sont peut-être pas étrangères à cet état de fait, surtout en fin de saison quand il faut assurer le bouclement des comptes.

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