Cannavaro, Ballon d’Or ou Casserole d’Or ?

Décerner des distinctions individuelles dans un sport collectif comme le football prête toujours à la controverse. Les principales récompenses attribuées cette année n’échappent pas à la règle. Le premier scandale, c’est que Fabio Cannavaro n’ait pas été désigné meilleur joueur de la Coupe du Monde 2006. Le deuxième scandale, c’est que Fabio Cannavaro ait été désigné Ballon d’Or 2006.

Zinédine Zidane a reçu le titre de meilleur joueur de la Coupe du Monde alors qu’il a été transparent contre la Suisse et la Corée, suspendu face au Togo ; il a commencé à se réveiller contre l’Espagne, a été stratosphérique contre le Brésil et bon contre le Portugal, la finale n’était pas prise en compte pour le vote. En fait, Zizou a été élu presque exclusivement sur la base de son match énorme contre le Brésil. A l’inverse, Cannavaro a été monstrueux du début à la fin de la Coupe du Monde, et ce quel que soit le partenaire avec lequel il était associé en défense centrale : le déclinant Nesta, l’inqualifiable Materazzi ou l’inexpérimenté Barzagli. A la limite, on aurait pu lui adjoindre Smiljanic ou Silvestre que l’Italie aurait quand même blanchi.

La désignation du capitaine des champions du monde comme meilleur joueur du tournoi mondial s’imposait donc. Ce d’autant plus que, en supprimant les contrôles sanguins deux semaines avant la compétition, la FIFA avait plus ou moins instauré un tournoi «no limit» dans lequel rien ne serait véritablement entrepris pour rechercher d’éventuelles substances illicites, la peur du scandale l’ayant emporté sur la volonté d’un sport propre. Dans ce contexte, honorer un joueur au passé sulfureux ne posait guère de problème.
En revanche, la désignation de Fabio Cannavaro comme Ballon d’or me navre. En soi, récompenser un défenseur italien ne me pose pas de problème, bien au contraire. J’étais un fervent partisan de la désignation de Paolo Maldini au Ballon d’Or 2005 et je trouve profondément injuste que Franco Baresi n’ait jamais touché cette récompense. Les deux Milanais remplissaient sans aucun doute les quatre critères établis par France Football, soit :
– ensemble des performances individuelles et collectives (palmarès)
– classe de joueur (talent et fair-play)
– carrière
– personnalité, rayonnement.
J’ai beaucoup plus de peine à admettre que Cannavaro remplisse ces conditions. Il a certes réussi une Coupe du Monde exceptionnelle mais sa première partie de saison était très moyenne, sa deuxième partie carrément médiocre. J’ai eu l’occasion de voir jouer le néo-Madrilène deux fois en quelques jours cet automne, à Saint-Denis contre la France et à Lyon avec le Real, il était à chaque fois catastrophique, en particulier lors de la première mi-temps à Gerland. Ce soir-là, avec Smiljanic ou Silvestre à la place du beau Fabio, la défense du Real eut été moins perméable.

Cannavaro a gagné deux titres en 2006, l’un en club qui a été retiré pour corruption et l’autre en équipe nationale entaché d’erreurs d’arbitrage suspectes et de soupçons de dopage. Sa carrière a connu autant de bas (notamment à l’Inter) que de haut et sa personnalité n’est de loin pas irréprochable, surtout depuis la fameuse vidéo de Moscou. Si l’on était certain que ce n’était qu’une erreur de jeunesse, on pourrait passer l’éponge. Mais connaissant les méthodes de Lippi à la Juventus (les joueurs se piquaient dans les vestiaires mais lui n’était bien sûr au courant de rien) et considérant les performances physiques stupéfiantes de la Squadra Azzurra en Allemagne, on n’y croit pas une seule seconde. L’état de surexcitation des Italiens au coup d’envoi de la finale, leur puissance phénoménale en première mi-temps, puis l’écroulement simultané de toute l’équipe aux alentours de la 55ème ne plaident en tous les cas pas en faveur d’une Coupe du Monde à l’eau claire. Et l’attitude des Italiens et de leur capitaine après leur victoire et surtout lors de leur arrivée à Rome n’a pas été des plus élégantes. Pour le fair-play il faudra aussi repasser. Pour toutes ces raisons, Fabio Cannavaro fait un peu tache dans le glorieux palmarès du Ballon d’Or.

Alors qui à sa place ? L’élection de Buffon aurait posé à peu près les mêmes problèmes que celle de Cannavaro : même si les joueurs n’étaient pas forcément impliqués, désigner un Juventino en cette année de Calciopoli me paraît éthiquement insoutenable. Zidane n’a fait que trois bons matches cette saison, Ronaldinho n’a pas réussi grand-chose de bien entre le mois d’avril et son but d’extraterrestre contre Villareal et Henry est le meilleur attaquant du monde lorsqu’il s’agit de marquer trois buts contre Watford mais ne sert à rien dans un match décisif où il n’est pas marqué par Roberto Carlos.
Cette saison, il aurait fallu faire exception à la règle qui veut que, les années de grande compétition, ce soit l’un des héros de celle-ci qui soit élu Ballon d’Or. La Coupe du Monde 2006 a été médiocre (sur le terrain s’entend, en dehors c’était extraordinaire), avec une piètre finale et un «triste» vainqueur. L’occasion était donc rêvée de désigner un joueur qui n’était pas présent en Allemagne, Samuel Eto’o, élément clé des succès du Barça dans le Liga et surtout en Champions League ; les difficultés des Catalans en son absence l’attestent. Malheureusement, l’occasion n’a pas été saisie et le Ballon d’Or 2006 restera à jamais entaché par les casseroles que traîne son lauréat.

Écrit par Julien Mouquin

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