GSHC : piqûre de rappel

Voici que sont passées les fêtes de fin d’année, consacrées comme d’usage à l’hagiographie d’Arno del Curto, à l’adoration béate d’un HC Davos qui a besoin d’un bloc de renfort et d’un calendrier aménagé pour parvenir à tenir tête à des adversaires de plus en plus quelconques, bref, à la sacralisation d’une coupe Spengler qui plonge toujours plus dans la médiocrité au point que la nullité intersidérale devrait être atteinte d’ici quatre à cinq ans. Mais tout ça est terminé, et le championnat peut enfin reprendre ses droits, avec la venue des Tigrous emmentalois aux Vernets. On en était où, déjà ?

Lors de notre bilan après un tour, Genève-Servette nageait dans une euphorie à peine entamée par une casquette infligée par Fribourg. La situation est assez différente maintenant. La crise de mi-novembre, considérée comme traditionnelle puisque c’est quand même la deuxième fois qu’elle se produit, a montré certains joueurs sous une autre lumière. Les Aigles ont pratiquement tout connu en trois mois : on conçoit donc mieux de quoi ils sont vraiment capables.

Only one brick in the wall

Côté gardiens, l’optimisme de l’époque s’est bien tassé. Ce n’est pas tellement que Gianluca Mona se soit planté comme certains l’attendaient. Même s’il s’est montré moins solide qu’en début d’exercice, le Léventin est assez fidèle à ce qu’on attendait de lui, soit un gardien dans la moyenne, ni plus, ni moins. Ce n’est pas lui qui fera basculer un match en faveur de son équipe. Peu spectaculaire, il n’en donnera même pas l’illusion aux spectateurs influençables. Mais il n’a encore jamais causé la perte d’une rencontre non plus. Et malgré tous les reproches qui lui ont été adressés pendant les temps difficiles à propos de son incontestable difficulté à contrôler ses rebonds, force est de constater que depuis que la défense fait sa part du travail, comme par extraordinaire, Genève-Servette n’a concédé que peu de buts (7 sur les 4 derniers matches, qui l’ont vu affronter les trois premiers), alors que le dernier rempart n’a pas soudainement appris à bloquer les palets entre-temps.


Gianluca Mona – Photo Pascal Muller

Non, le vrai pessimisme vient de ce que Michael Tobler a totalement laissé passer une chance en or de montrer sa valeur. Contraint au rôle de spectateur alors que Mona alignait les gros matches, il était enfin titularisé à Ambri, en pleine tempête. Oui mais voilà, il encaissait un rouleau après seulement quelques secondes, puis deux autres buts en dix minutes. Bien sûr, les circonstances atténuantes évoquées plus haut sont également valables pour lui. Cette avalanche de buts en début de match à la Valascia tend plutôt à démontrer que le gardien n’était pas le seul problème. Mais venant à la suite d’un tiers contre Zurich la veille qui l’avait déjà vu céder de façon suspecte, tout cela faisait mauvais genre. Son rôle était de surgir à n’importe quel moment pour remédier à une défaillance de Mona, et il n’en a malheureusement pas été capable en cette occurrence. Il laisse donc son rival bien seul pour garder le but genevois. À moins que le Zurichois ne démontre enfin son (réel) talent. Mais en aura-t-il encore la possibilité ?

La parole est à la défense

C’est en défense que la chute de performance a été la plus spectaculaire. Tout à coup, les adversaires se retrouvaient avec une multitude de contres et des joueurs totalement seuls dans le slot. Comment aurait-on pu éviter une avalanche de buts dans ces conditions ?
Certes, la blessure de Goran Bezina n’a pas aidé. Si le capitaine s’est moins illustré offensivement qu’en début de saison, il fait son travail défensif et crée de l’animation par ses remontées de puck. En son absence, on comptait beaucoup sur Olivier Keller, très sûr jusque là, pour mener l’arrière-garde. Là, le constat est beaucoup plus amer. L’ex-futur-ex-international s’effondra totalement et donna à voir des prestations indignes, multipliant les erreurs de débutant (!). Pour tout dire, il fut au niveau d’un Robin Breitbach fidèle à lui-même. On ose espérer qu’il ne s’agit que d’une baisse de forme, et non d’un indice sur son implication.
Bonne surprise par contre en ce qui concerne John Gobbi. Le Tessinois a fait étalage de son envie match après match et se montre comme le plus efficace défenseur de l’équipe, et le plus constant. Jonathan Mercier, au contraire, peine à trouver de la régularité. Il enchaîne des matches de qualité et des prestations catastrophiques. Peut-être a-t-il besoin de mûrir encore un peu.


John Gobbi – Photo Pascal Muller

Avant de se voir contraint à un séjour prolongé à l’infirmerie par Thierry Paterlini, Philipp Rytz semblait stagner et retombait dans son vieux travers, l’indiscipline. Dommage, car le bonhomme peut incontestablement faire mieux, ce dont ne doute pas le CP Berne, d’ailleurs.

Le Canada à la rescousse

Du côté des étrangers, Serge Aubin confirme tout le bien qu’on pensait de lui. Plus le championnat avance et plus il prend de l’influence sur le jeu. Pour preuve la désorganisation totale qui a régné en début de match contre Berne alors qu’il était condamné à l’inaction. Le jeu de puissance, particulièrement, fut ainsi à peu près aussi pitoyable que celui montré par Mora sur les hauteurs grisonnes. Incontestablement, le taulier, c’est lui.
Autre bonne surprise, Jamie Wright monte en régime au fil de la saison. Cinq buts en trois matches, pour quelqu’un qui n’est pas à proprement parler un buteur, c’est appréciable, d’autant que son énorme travail n’en pâtit pas le moins du monde. Cela fera également du bien à Kirby Law, jusque là serré de près par les défenses adverses. Un peu moins en réussite offensivement, il ne laisse en revanche pas à d’autres le soin d’aller récupérer les palets. Il joue par ailleurs intelligemment en zone offensive, ce qui lui permet de collectionner les assists.
Yorick Treille a, lui, connu une sérieuse baisse de son niveau de performances, et se signale avant tout par des pénalités inutiles. Il s’illustre encore par moments sur le powerplay, où il a moins besoin de bouger. Faut-il y voir un énième souci du côté de sa hanche ? Pour sa part, Laurent Meunier accomplit avec son abattage habituel un travail ingrat, mais important. Moins en vue dans les autres aspects du jeu, on a l’impression qu’il paie sa formidable débauche d’énergie. Il pâtit également de la méforme générale de sa ligne.
Quant à Michal Grošek, on peut juste regretter qu’il n’ait pas su patienter le peu de temps qui lui aurait permis de prouver sa valeur à Genève. Cela prouve en tout cas que la crise n’était pas prévisible, même de l’intérieur. Le Tchèque a visiblement trouvé son bonheur à Zoug, tant mieux pour lui.

Attaquants suisses muets

Du côté des attaquants suisses, le constat est mitigé. Toujours précieux en supériorité numérique, Igor Fedulov peine par contre de plus en plus à suivre le rythme. Si sa volonté et son état d’esprit ne sont aucunement mis en doute, il fallait quand même bien qu’il ressente un jour le poids de son âge canonique. Si cela se confirme, on peut nourrir des inquiétudes sur sa dernière année de contrat. Ce qui serait dommage, un tel joueur méritant incontestablement de bien terminer sa carrière. On se gardera cependant de l’enterrer trop vite.


Igor Fedulov – Photo Pascal Muller

Les autres suisses semblent cantonnés à un rôle avant tout défensif. Si Jan Cadieux ou Thomas Déruns se montrent volontiers entreprenants devant, il y a désormais bien longtemps qu’ils n’ont pas eu d’influence décisive de ce côté-là de la patinoire. Ce mutisme rend Genève-Servette beaucoup trop dépendant de ses étrangers (et surtout de ses Canadiens) pour faire la différence, ce qui pourrait lui coûter cher en fin de saison.

Delendus est McSorley

Reste la question qui revient le plus souvent ces temps : Chris McSorley a-t-il une responsabilité dans les maux de l’équipe ? La réponse est évidente. Bien sûr. Et heureusement. Pour quelqu’un qui concentre autant de pouvoir, qui non seulement entraîne, coache et choisit les alignements, mais qui a également engagé les joueurs, il serait terriblement inquiétant qu’il ne soit pour rien dans les périodes agitées. Faut-il pour autant le jeter par-dessus bord ? À la lecture de la presse, pas de doute. Et tout est bon pour accréditer cette thèse. Au point de recourir à des arguments douteux. Ainsi, on faisait grand cas de ce fait incontestable, chiffré, implacable : Genève-Servette a gagné les deux matches pendant la suspension de son grand manitou, et perdu contre Berne à son retour. La conséquence à en tirer est on ne peut plus logique. Sauf que les Aigles l’avaient emporté de façon convaincante contre Kloten juste avant la pause. Sauf encore que lors de ces fameuses deux rencontres, la seule chose interdite à l’Ontarien fut la présence sur le banc. Il s’est quand même chargé du reste. C’est «oublier» également que l’équipe ne fut pas particulièrement étincelante à Bâle face à un adversaire impressionnant de faiblesse. Ou que, selon ces mêmes confrères, la victoire à Davos fut un hold-up.


Chris McSorley – Photo Pascal Muller

Il est sans doute plus sage de se tenir à l’écart de ces passions et de garder à l’esprit que dans la situation actuelle, les Grenat sont à leur place dans le deuxième tiers du classement. Et que si de nombreux entraîneurs pourraient sans trop de difficulté proposer un jeu plus attrayant et entretenir des relations plus cordiales avec le corps arbitral, on ne voit pas vraiment qui pourrait amener des résultats significativement meilleurs.

Perspectives

À quoi peut-on donc s’attendre pour cette équipe ? Fin octobre, j’avais été gentiment raillé par certains pour n’avoir prédit qu’une «prudente» place dans les huit. Plutôt que de leur rire grassement à la face – moins par charité chrétienne que parce que ce n’est pas vraiment drôle, en fait – je me contenterai de maintenir mon pronostic, aujourd’hui légèrement optimiste : malgré le retour en force d’Ambri (uniquement causé par l’époustouflant charisme de Larry Huras, comme chacun le sait), les Aigles seront en play-offs. L’équipe semble toutefois manquer de profondeur pour avoir des ambitions après cela. Si tout se passe bien, l’exploit est possible. Mais la moindre tuile risque alors d’avoir de sérieuses conséquences à l’heure où tous les détails comptent.

Écrit par Yver Grasset

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