Federer est seul au monde. Trop seul ?

Le Bâlois continue d’affoler les statistiques ! L’extraterrestre a gagné à Dubaï le 41ème match d’affilée et le 47ème tournoi de sa carrière (le 7ème de suite). Le record de Jimmy Connors étant dans le rétroviseur, il peut désormais espérer dépasser les 46 victoires d’affilée de Guillermo Vilas, établies en 1977. Rendez-vous à Indian Wells pour tourner une nouvelle page de l’Histoire du tennis.

La finale du tournoi de Dubaï n’a pas atteint des sommets de suspense cette année : Roger Federer était trop fort pour Mikhail Youzhny, beaucoup trop fort. Bjorn Borg, présent dans la tribune d’honneur, a certainement apprécié le récital offert par le numéro 1 mondial. Clin d’œil au destin, Rodgeur a rejoint la légende suédoise en signant samedi soir son 41ème succès consécutif sur le circuit, mais le meilleur reste à venir…Les tribunes sont pleines en ce début de soirée printanière à Dubaï, la température est parfaite et la bière est d’autant plus savoureuse. On se permettra juste de critiquer la politique de prix du tournoi : 20 dirhams (environ 7 francs suisses) pour une bière de 33 cl, cela a de quoi refroidir le plus assoiffé des supporters russes ! Malgré ces tarifs exorbitants, le «fan’s club» du Moscovite est présent et toujours aussi bruyant : drapeaux, klaxons et surtout cordes vocales, les compatriotes de Youzhny ont de nouveau créé une fantastique ambiance samedi soir ! A la conférence de presse comme à la remise des trophées, personne n’oubliera de remercier ces sympathiques supporters.
De leur côté, les fans de Federer ne sont pas en reste ; les tribunes sont parsemées de rouge de parts et d’autres, preuve que la «marque suisse» se vend bien à Dubaï ! Durant toute la semaine, il n’était en effet pas rare de croiser des familles d’Indiens, Pakistanais, Japonais ou Arabes arborant fièrement le tricot helvétique. Si le Cervin est notre emblème à travers le monde, Federer est à coup sûr notre plus bel ambassadeur ! De Dubaï à Melbourne en passant par Shanghai et Miami, le Bâlois fait l’unanimité autour de lui. Et l’image de la Suisse n’en est que renforcée. Gageons que nous devront bientôt inaugurer un Musée Federer pour attirer de nouveaux touristes dans notre pays !

Une finale à sens unique

Le match est presque anecdotique tant la domination du Bâlois fut écrasante. Breakée d’entrée, la machine à gagner helvétique ne va pas tarder à se mettre en marche. Rodg sort tous les coups de sa panoplie et montre très rapidement qui est le patron sur le court. Youzhny sourit, regarde le ciel et comprend très vite qu’il va subir une 9ème défaite en autant de confrontations face au numéro 1 mondial, sa 2ème en deux ans à Dubaï. A la remise des prix, le Moscovite déclare avec humour : «J’ai marqué 5 jeux en 2006 et 7 en 2007… Je peux donc espérer en gagner 9 en 2008 ! Rodgeur, merci pour la leçon de tennis !» A défaut d’avoir fait douter le maître, il a au moins réussi à le faire rire, nous aussi !
En pleine fine, Rodg a donc classé l’affaire en 1h24, 6-3 6-4, soit son match le plus court de la semaine sur le score le plus net ! Quand on disait qu’il montait en puissance… A l’image d’une bonne comédie américaine, cette finale sera très plaisante à suivre mais son dénouement était malheureusement prévisible dès les premières secondes… Au tennis comme au cinéma, le héros gagne toujours à la fin. Et il s’appelle Roger Federer.


Photo Copyright Dubai Tennis Championships

Débat relancé

Cette semaine, nous aurons été particulièrement marqués par le respect total que les joueurs du circuit témoignent au Bâlois. Si Nadal évite de s’étaler sur les exploits de son rival, les autres joueurs semblent en admiration devant lui. Même Haas, pourtant 9ème mondial et considéré comme l’un des hommes en forme de ce début de saison, ne semblait pas y croire avant d’affronter le maître. Entre admiration et résignation, il n’y a qu’un pas. Le débat est dès lors relancé : l’opposition est-elle trop faible ou Rodgeur est-il tout simplement trop fort ? Force est de constater que si Federer est certainement le meilleur joueur de tennis de tous les temps, l’opposition n’a rarement été aussi faible dans l’histoire de ce sport : Nalbandian est passé de bête noire à tendre agneau, Roddick est définitivement traumatisé, Safin préfère écumer les bars et les autres ne se rappelent probablement plus de la dernière fois qu’ils lui ont pris un set…
La presse locale relevait d’ailleurs dans un article très intéressant que Federer ne se bat pas contre les joueurs de notre époque mais contre les légendes d’il y a 10, 20 ou 30 ans. «Aujourd’hui, battre les Roddick, Hewitt, Ljubicic, Davydenko, Blake ou Haas étant gagné d’avance, le seul point d’intérêt consiste à savoir si le Bâlois sera en mesure d’enterrer les vieux records des Connors, Vilas, Sampras ou Laver», pouvait-on notamment y lire. Hier, il a battu le record de Connors ; aujourd’hui, il a rejoint Borg ; demain, il battra Vilas ; après-demain, il se chargera de régler son compte à Sampras et ses 14 Grands Chelems. Ses adversaires aujourd’hui sont des faire-valoir, de simples figurants dans ce qui restera peut-être comme le plus beau chef-d’œuvre tennistique de tous les temps. L’exception est bien sûr Rafael Nadal, le seul capable de battre le maître aujourd’hui, le seul à présenter encore un bilan victoires / défaites positif face au Bâlois. Cependant, le fossé semble se creuser de plus en plus entre Federer et son meilleur ennemi, par ailleurs trop souvent blessé pour réellement le menacer.

En conférence de presse, Federer ne semblait guère apprécier ce débat : «J’ai une chose à vous reprocher, à vous la presse : vous ne donnez pas assez de crédit à mes adversaires ! Ils livrent de bons matches, ce sont d’excellents joueurs, il faudrait plus en parler.» Rodgeur est évidemment trop classe, trop fair-play pour avouer qu’il n’a plus de contradicteurs dignes de ce nom aujourd’hui. A part lui-même et sa motivation, sa rage de vaincre, sa soif de victoires. Qu’il doit garder intactes.
A cette interrogation, le Suisse rassure : «Je suis vraiment heureux actuellement. Tout le travail que j’ai accompli ces dernières années porte ces fruits, cela prouve que j’ai fait les bons choix. La motivation est toujours là, je veux continuer à gagner. Bien sûr, je me rends compte que je ne pourrai plus jamais dominer ce jeu comme je le fais maintenant. Mais pour l’instant, je profite et veux me concentrer sur mon jeu… et m’améliorer encore !» Le Bâlois l’a dit à Melbourne, il veut devenir une légende. A lui de continuer sur sa lancée et de gagner Roland-Garros. A ses adversaires de demain, les Gasquet, Murray, Djokovic et autres Baghdatis, de progresser afin de lui offrir une «vraie» opposition. Pour le tennis, pour le spectacle et pour que la légende Federer soit encore plus belle, c’est ce qu’il convient désormais d’espérer !
La conférence de presse se termine sous les applaudissements des journalistes, debout, en admiration devant le magicien. La 15ème édition du tournoi de Dubaï – «la plus belle de l’histoire du tournoi» selon les dires des organisateurs – se termine ainsi. Il est temps pour moi de prendre congé de mes «collègues»… Les deux compères émiratis me donnent leur carte de visite ; Mohammad, le chef de presse, remercie CartonRouge.ch d’avoir couvert l’événement. «You are welcome next year !», me dit-il avec un large sourire. Je quitte la salle de presse, vais boire une dernière bière à l’Irish village, humer une dernière fois cette délicieuse atmosphère… Il est passé minuit… Déçu, je quitte ce petit coin de paradis. Nostalgique, je me remémore toutes les belles images de la semaine. Heureux, je sais que j’y reviendrai un jour ! 

   

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