60 ans, toutes ses dents, et rebelle devant l’éternel !

Ah Johann, si seulement tu avais remporté cette Coupe du Monde en 1974… Le foot, à n’en pas douter, eût été mille fois différent. La question est : toi, que serais-tu devenu ?

D’abord, tu n’aurais pas été considéré comme le premier des «viennent ensuite» derrière Pelé, Maradona ou peut-être même Platini. Ensuite, probablement qu’on aurait jamais vu naître l’expression, si chère à Pierre-Alain Dupuis et ses potes «avec les Allemands, les matches durent 90 minutes», et qui nous a valu des tacles à hauteur de la carotide expliqués par le simple argument de la volonté sans faille des Allemands… Non, au lieu de ça, il aura fallu que toi, Neeskens, Krol, Van de Kerkhof et Cie vous vous mettiez à narguer votre adversaire après avoir ouvert la marque sur un penalty concédé à la première minute de jeu, sur une phase de match qui vit 14 passes oranges de suite ! Et contre qui ? L’Allemagne, malheureux ! Tsk tsk tsk…

Mais en fait… oui en fait peut-être que c’est mieux comme ça. Tu es un éternel rebelle Johann. La grande gueule, les rixes, le numéro 14, tes dribbles de funambule, dont on a l’impression que tu les inventais au fur et à mesure. Ton refus d’endosser le maillot orange à trois bandes fourni par une grande marque allemande, et ton chandail unique, à deux bandes… Unique. Ton refus de continuer ta carrière en sélection et de participer au Mondial de 1978, en guise de protestation contre la Junte militaire au pouvoir en Argentine à l’époque.
Oui, c’est mieux comme ça, c’est certain. On est un rebelle ou on ne l’est pas, et ce ne sont ni Beckenbauer, ni Platoche, ni Pelé qui diront le contraire… Et le fait de ne jamais avoir remporté le Mondial te donne ce côté underground, transgressif dont seuls les rebelles peuvent se réclamer. Le football à l’image de l’histoire de nos sociétés, ne retient que les gagnants, et ton statut de «très bon mais en dessous de…» ne peut pas s’expliquer autrement. Mais les gagnants, on les emm… Moi je préfèrerai toute ma vie le football total hollandais, sur fond d’orgies de sexe et d’alcool dans les hôtels allemands et de clopes fumées à la mi-temps avec un air des Stones dans le vent, à la tristesse conventionnelle des gagnants. Pardon, des «winners». Question de romantisme je suppose.
Mais ta carrière, c’est aussi le banc Johann. Et là, bon sang si t’en as gagné des titres… Mais jamais de manière conventionnelle, sans jamais sombrer dans le banal. Le Barça composé quasi exclusivement de joueurs catalans et qui balayait tout sur son passage, c’est la frime quand même. Abramovich, Calderon, Moratti ou Berlusconi doivent avoir les oreilles qui sifflent. Des Ligas à la pelle et une Champion’s (la première dans l’histoire du club), toujours en assurant un magnifique spectacle.

Spectacle aussi dans tes déclarations, qui ne t’ont pas valu que des amis, et qui parfois étaient le fruit de ton immense prétention (prétention toujours assumée, et que l’on peut aisément opposer à la «langue de bois», première cause de l’infirmité mentale du peuple du ballon rond). Ainsi «Je ne dis pas que Barcelone va remporter le match, Milan peut très bien gagner. Mais, dans ce cas, ce ne sera certainement pas une victoire sur fond de grand football», résultat 4-0 pour les «invincibili» de Fabio Capello et démonstration de football par les Milanais. Aïe aïe ! Mais bon, il y a aussi, et surtout, des perles de sagesse : «Les gens doivent comprendre que le hors-jeu n’est pas une arme défensive mais bel et bien offensive !» ou, interrogé sur la technique de Roberto Carlos «Oui, très bien, mais envoyer une mine avec 43 effets différents c’est pas de la technique. La technique c’est une passe qui arrive où on veut, que le destinataire est capable d’amortir en un seul mouvement de manière parfaite, et vous rendre une passe dans l’instant qui suit, là aussi, où il a décidé de l’envoyer». Football total. Extrémiste même.
Extrémiste, tu l’as été aussi dans la manière de gérer ta vie et ta santé (voir plus haut…), et quand le toubib t’a dit «Johann, les douleurs que tu ressens dans le bras, c’est pas de l’arthrose», il a fallu que tu arrêtes de fumer. Alors bien sûr, les sucettes ça a marché un temps, mais tu t’es sûrement dit que là, le personnage en avait pris un coup, que tu étais devenu trop «normal». Car mortel aussi. Ce jour-là, tu as quitté le monde du football, un monde où tu as considéré qu’il y avait déjà suffisamment de gens tristes, conventionnels, normaux pour venir t’ajouter à la liste. Tu es un rebelle Johann, tu l’as toujours été, et nul doute que tu le seras toute ta vie encore.
Joyeux 60ème anniversaire.

Écrit par Maurizio Colella

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2 Commentaires

  1. Bravo aux big boss méga-galactiques pour lapparition des commentaires! Cest pas que ça faisait 3 mois quon lattendait mais cest pas grave… 😉

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