Faire un doigt et cracher sur la route…

Je l’avais promis à mes potes du bar des Boucaniers, situé au Valentin, à Lausanne : «Dimanche je suis chez vous ! Une bonne bière, une bonne spécialité bien à vous et le Tour de Romandie !»

Mais voilà j’ai craqué… Le vieux spectre du dopage me tourne autour… Je te l’avais promis l’automne dernier : «arrivés les beaux jours, on va nous refaire le coup du sport propre, du cyclisme retrouvé». Ca n’a pas manqué, j’ai encore vu la gueule du Prudhomme l’autre jour dans les journaux. J’ai encore vu la gueule de tous ces escrocs, de tous ces menteurs qui nous promettent de lutter. J’ai aussi vu et lu trop de cons féliciter la renaissance d’un Tour de Romandie soi-disant régional, soi-disant redimensionné, plus proche de ce qui se faisait par le passé… Et comme la mayonnaise, ça m’est monté au nez ! Alors non, je ne suis pas allé aux Boucaniers, je ne suis pas allé suivre le Tour de Romandie. Gamin j’ai vu la renaissance d’A travers Lausanne. Parmi mes proches plus âgés, cyclistes propres, de cette race qui prend le vélo après le boulot, de celle qui tourne le braquet l’hiver dans une cave, de celle qui se retrouve le dimanche au Pillon. Parmi eux, l’un d’eux m’avait averti : «Un jour il y a eu Anquetil, je l’ai rencontré devant la tour Edipresse, Anquetil t’imagines ! Faut absolument venir au Petit-Chêne, c’est fabuleux !» Alors j’ai vu le Petit-Chêne bondé, les fans de Dufaux massés dans la dernière montée de Sauvabelin, se relayant sur deux cents mètres pour sonner chaque tour de pédale de Laurent d’un coup de cloche !
Et puis quelque temps après, j’ai vu l’arrivée du Tour de France à Lausanne ! J’ai suivi dix ans passionné le Tour avec Duboux. Alors le Tour à Lausanne, t’imagines ! Des années déjà que je déconnais de Zülle autour des pichets de la Factoria avec mon ami Rubio, fou de cyclisme, membre du fan’s club de la Once et des jours entiers sur la route du Tour à son actif. Dix ans que je débattais le cyclisme sur la terrasse du Fontenay avec Zbinden : le Tourmalet, l’Alpe d’Huez, les Champs-Elysées, mais aussi Chiappucci, Dufaux, Rominger…  Trop longtemps déjà que je conchiais Hinault, Blaireau parmi les blaireaux dont l’analyse et l’attention portées à Rominger étaient aussi éclairées, lumineuses et partiales qu’un argumentaire néo-nazi d’Oskar Freysinger sur le plateau d’Infrarouge ou qu’un requiem de Jean Fattebert à la tribune de la salle communale de Payerne…


Rominger durant le Tour de France de 1995 :
à cette époque, le cyclisme faisait encore rêver !

Et puis il y a eu Festina, Virenque et tous les autres… J’aurais aimé que ça passe, qu’une fois le crochet en pleine face encaissé, j’aurais aimé revenir à l’essentiel : l’Alpe d’Huez, Rominger, Rubio et Zbinden… Mais il y a encore eu Pantani. Un uppercut puissant, tragique et me revoilà dans les cordes. Pris au corps, malmené par le petit jeu de mes adversaires, j’ai encaissé. A chaque round, je faiblissais, mais je percevais encore les encouragements de mes entraîneurs, Leblanc, Prudhomme et les autres. Ce long combat je l’ai aujourd’hui perdu. Baissant la garde, je n’ai pas vu la fusée Landis me briser le menton. Aujourd’hui je suis au tapis, désillusionné, mal en point. Et alors que le Tour de Romandie tourne dans ma ville, ma belle ville, je ne trouve ni la force ni l’envie. Cette fois c’est sûr, je ne remontrai plus jamais sur le ring, je raccroche les gants.
Dimanche, j’ai vu la police, les panneaux d’interdiction de circuler, la mue de ma ville en terre d’accueil pour manifestations sportives. Je ne suis pas allé au bord de la route, je ne suis pas allé non plus aux Boucaniers. Une semaine avant, sur le bord de l’avenue de Provence, j’ai pourtant applaudi une heure durant le long défilé des 20 Kilomètres. Mais à 14h30 ce dimanche, je suis à Grancy, bien loin de l’agitation du défilé de drogués. Je me connais, aux Boucaniers j’aurais été mauvais, aigri et mal attentionné… Après deux gags douteux, j’aurais sans doute pris le pari d’aller chercher quelques seringues au distributeur de Zamora pour les jeter sur tous ces menteurs. Et Dieu sait qu’avec la bière à 8% de mes amis ce qui aurait pu arriver…


Floyd Landis, notre Pigeon d’Or 2006 !

Après cette semaine où j’ai à nouveau tout entendu, tout lu sur le Tour de Romandie : renaissance, proximité, étape en ligne, public, succès et quoi encore ? Après une semaine de commentaires, d’articles, d’affiches ou de reportages télévisés, j’ai la mayonnaise au nez, elle me pique à me faire pleurer. En marge, je ne sais rien des résultats, rien du succès populaire, rien de la moyenne de l’étape, encore moins du vainqueur. Je me mouche en écrivant ces quelques lignes et fais un doigt au cyclisme. Ne me reste plus qu’à aller cracher sur la route…

Écrit par Vince McStein

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4 Commentaires

  1. Moi aussi le cyclisme m’a déçu, trahi, dégoûté. Je faisais également partie de ces fans de la petite reine prêts à rester cloîtrés dans leur appart par des magnifiques après-midi de juillet pour regarder une étape du Tour plutôt que d’aller prendre le soleil à la piscine… Mais qu’on se le dise, le cyclisme à cette époque-là était aussi pourri qu’aujourd’hui. Indurain, Rominger, Zülle, ils étaient tous aussi dopés – si ce n’est plus ! – que les champions actuels. Maintenant la vraie question à se poser est : faut-il autoriser le dopage dans le cyclisme ? Car j’ai bien peur que le combat contre le dopage est déjà perdu…

  2. Marrant toutes ces similitudes. Je ne peux pas dire que jétais un grand fan de cyclisme mais je ne ratais pas un Tour de France (ou une course Olympique) et je préférais à linstar de lauteur du commentaire ci-dessus rester devant ma télé plutôt que daller à la piscine…

    Force est de constater que ce nest plus le cas. Jai sauté lédition 2005 pour ces raisons mais je suis revenu pour découvrir lère post-Armstrong… et adorer 2006 et Floyd Landis… Ce nest pas un hypercut que jai pris mais un couteau ds le dos…

    Cette année, cest sûr, je vais aller à la piscine plutôt que de me noyer encore dillusions devant ma téloche.

  3. Chers amis de la petite reine….. ben oui, il est bien loin le temps des grandes étapes commentées par Betrand Duboux lorsque nous restions cloîtrés chez nous pour ne point manquer les ascensions fulgurantes de ces cols français !!! un suspense, un engouement international unique. Jen ai silloné des kms pour y voir les grands champions des années 80-90, récoltant et collectionnant casquettes, photos, gourdes…. admirant ces sportifs uniques, majestueux, courageux qui serpentaient de mille couleurs les prés et les cols des différents pays. Ah, que de beaux souvenirs qui réunissaient les gens autour de ces athlètes exceptionnelles et ce du premier au dernier !

    Le respect des gens envers ce sport et ces athlètes conférait une amitié et une joie de vivre exceptionnelle au bord des routes. Un sport populaire et partagé par les peuples ou nulle violence ne parvenait à pénétrer… que de la fête !

    Mais, que reste-t-il de ces grands champions ? Va-t-on continuer à nous faire croire (pour ceux qui y croient encore) à tout ces mensonges, à tous ces grandes boucles devenues des « Toxitours ».

    Pour les vrais amateurs et passionnés de la petite reine, on nous a menti et nous avons fui car nous nous sommes rendus compte de la supercherie…. Mais les cyclistes ne paient-il pas pour les autres sportifs ? Tous les sports sont touchés par ce fléau du dopage directement lié au financement du sport !

    Enfin, cela fait quelques années que les casquettes ont pris la poussière avec les gourdes, ainsi que les photos jaunies de vieilles gloires devenues misérables pour avoir joué avec leur public !

  4. quel réalisme cet article. Tres fort ! Je me réjouis de lire le prochain !

    Pas sur que lallusion a Oskar Freysinger soit de tres bon gout toutefois…pas la peine dutiliser des termes tel que néo-nazi sur Carton Rouge…Trop de gens ont souffert dans le passé et finalement Freysinger a été élu démocratiquement….

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