Thabo enflamme un public surchauffé

Le match amical de basketball Suisse – France a présenté ce à quoi on rêve d’assister plus souvent : un public nombreux et conquis, une mise en scène parfaite et de magnifiques joueurs. Très attendu, l’événement a pu égayer une actualité estivale plutôt maussade en ce dernier week-end de juillet, étreinte entre le chaos du dopage, des incendies et des bourses.

Revêtue pour l’occasion (75 ans de la FIBA), la patinoire des Vernets accueillait un show à l’américaine : les stars défilent, les danseuses se déhanchent et les spectateurs se délectent. Même la moiteur insupportable de la salle (le coin des journaliste faisait office de sauna, avec une température de peut-être 40°C sous le toit métallique de la patinoire), on en devenait presque lyriques. Et on oublie la distance qui sépare ce genre de rencontre à nos matches de championnat du samedi soir. Le spectacle fut captivant, dynamique et comme cerise sur le gâteau, la Suisse s’est distinguée de bien belle manière !

La patinoire des Vernets affichait complet

Au-delà de son caractère d’exhibition, cette rencontre constituait une préparation importante pour les deux équipes. Les tricolores disputeront plusieurs matches dans le cadre de la phase finale de l’Eurobasket en septembre prochain en Espagne. Les échéances pour les hommes de Manu Schmitt ne manquent pas non plus : ils s’envoleront d’abord pour Dublin fin août avant de recevoir Chypre et la Roumanie lors des qualifications de l’Eurobasket, Division B. Avec comme objectif l’ascension en Division A, dans laquelle évoluent les grosses pointures.
Si le score au terme du match n’était pas l’objet de divergences d’opinions – la Suisse n’ayant jamais gagnée face à la France depuis plus de 70 ans (!) –, une déception palpable se faisait sentir suite à l’absence de Tony Parker, blessé à la cheville gauche à l’entraînement jeudi soir. L’annonce du retrait de «TP» est tombée comme un réel désenchantement. Et pour cause, l’intérêt du match franco-suisse se portait avant tout sur les deux grands adversaires en présence : Tony Parker et Thabo Sefolosha ; d’une part le meilleur basketteur français de tous les temps et d’autre le seul Suisse en NBA. Séduisante, l’affiche avait assuré le succès populaire de la manifestation par la vente des 5’000 billets en très peu de temps. Il faut dire que Tony Parker possède les arguments qui font vendre. Au sommet de son sport, le meneur collectionne les trophées et les records : entre autres, trois fois champion NBA (2003, 2005, 2007), plus jeune joueur des San Antonio Spurs et meilleur joueur des finales de NBA cette année (où figurent les célèbres Jordan, Duncan, O’Neal, Olajuwon et Johnson). Une idole qui suscite même la jalousie en dehors des parquets de part son récent mariage avec l’égérie de l’Oréal, Eva Longoria.

Tony Parker était seulement spectateur samedi

L’autre star française, Boris Diaw, a également manqué à l’appel samedi soir. Un problème d’assurance très onéreuse (on parlait de 600’000 dollars pour couvrir son dos !) est à l’origine de son absence. Joueur hors pair évoluant aux Suns de Phoenix, son palmarès au sein de la PRO A française est bien garni et il affiche de belles performances en NBA.
Bien présent, Thabo Sefolosha a acquis l’engouement total du public samedi soir. Bénéficiant d’une belle médiatisation à l’échelle romande, Thabo a franchi les portes du milieu du basket-business américain il y a environ une année. Premier joueur suisse à évoluer en NBA, dans le club très prestigieux des Chicago Bulls, il a réalisé jusqu’ici un parcours digne d’éloges. Auparavant, il avait foulé les parquets européens de Chalon-sur-Saône (F) et de Biella (I). Doté d’une excellente capacité d’intégration et d’une maîtrise certaine au niveau défensif, le Vaudois pourrait connaître un bel avenir dans la ligue majeure américaine. Sa plus belle réussite pourrait toutefois être toute autre : parvenir à dynamiser le basketball en Suisse en donnant envie aux jeunes de jouer. Une réussite qui se mesurera évidemment sur le long terme. Mais apparemment, le Veveysan suscite d’ores et déjà des vocations chez les petits et son camp d’été à Blonay le prouve. Finalement, comme le relevait l’entraîneur national Manu Schmitt, Thabo pourrait donner envie au public de revenir davantage dans les salles. Cela semble chose faite.

Thabo, la locomotive du basket suisse

Les absences citées plus haut ont certainement pesé dans la balance et les Bleus n’ont pas pu mener le bal d’entrée de jeu. Meneur naturel de l’équipe nationale, Thabo Sefolosha récupéra  de nombreux rebonds pour la Suisse et celle-ci de mener jusqu’à 9-2 dans les premières minutes. Pénalisé de deux fautes personnelles dès la 6ème minute, Thabo gagna le banc, ce qui permit à la France de rapidement revenir à la marque. Cependant, jusqu’à la mi-match, ces derniers ne parvinrent pas à distancer la troupe de Manu Schmitt et le tableau affichait une minuscule avance de seulement deux points en leur faveur. Démontrant une bonne qualité de jeu – surtout grâce à l’apport impressionnant de Thabo –, la Suisse a fait preuve d’une bonne combativité et d’un jeu collectif intelligent. Après l’entame du 3ème quart, les Tricolores ont pris le large en menant de plus de 10 points, une avance qu’ils ont creusée jusqu’au terme du match. Dans les rangs helvétiques, on notera la présence de Thabo Sefolosha dans tous les compartiments du jeu et les bonnes initiatives de Valentin Wegmann dans les tirs extérieurs. On n’oubliera pas de mentionner l’excellente prestation du cadet de l’équipe David Ramseier (20 ans), qui s’est distingué par un excellent engagement et qui a largement mérité ses 21 minutes de présence sur le terrain. Durant le match, les hommes de Bergeaud ont impressionné par leur force physique et offensive. Le trio Ronny Turiaf, Tariq Kirskay et Florent Piétrus (le frère de Mikaël des Warriors d’Oakland) a été efficace, mais face à de plus grandes nations (Grèce, Serbie, Espagne ou Italie), les services de Parker et Diaw seront par contre indispensables.

 
Les Suisses n’ont pas été ridicules, loin de là !

Certes, ce France-Suisse amical n’a pas eu l’effervescence de tels duels en Coupe Davis ou lors de la Coupe du Monde de football, mais ce fut un spectacle de style. On en redemande.
Dans un registre plus personnel, je souligne l’excellente organisation de cette manifestation, réalisée à l’occasion des 75 ans de la Fédération Internationale de Basket dont le siège se trouve à Genève. L’accueil réservé aux médias fut assuré par Léon Beck (journaliste pour 24 heures et BasketNews et responsable presse de la manifestation) et je tiens à le remercier.

Suisse – France 56-74 (12-14, 16-16, 10-22, 18-22)

Genève, patinoire des Vernets : 6’340 spectateurs (guichets fermés).
Arbitres : Chantal Julien (F), Eric Bertrand et David Musard (CH).
Suisse : T. Sefolosha 21, Wegmann 13, Ramseier 6, K. Sefolosha 6, Vogt 5, Porchet 4, Mafuta 1, Nattiel, Buscaglia, Stockalper, Sainte-Rose, Imgrueth. Coach : E. Schmitt.
France : Turiaf 14, Kirskay 12, Jeanneau 10, Morandais 9, Piétrus 8, Badiane 6, Diawara 5, Sangare 4, Ferchaud 3, Gomis 2, Giffa 1. Coach : S. Bergeaud.
Suisse : 8/21 à 3pts, 11/30 à 2 pts, 10/20 aux lancers-francs, 5 rebonds offensifs et 14 rebonds défensifs, 14 balles gagnées contre 15 balles perdues.
France : 5/15 à 3 pts, 17/37 à 2 pts, 25/33 aux lancers-francs, 9 rebonds offensifs et 25 rebonds défensits, 11 balles gagnées contre 15 perdues.

Écrit par Anthony Reymond (texte) et Olivier Logoz (photos)