Cette fois ce n’était pas la Jamaïque B en face

Le règne de Köbi Kuhn à la tête de notre équipe nationale est généralement considéré comme une ère de succès et de victoires. Pourtant, si l’on regarde de plus près les quelques soixante matchs disputés par la Suisse sous la houlette du Zurichois avant le Suisse – Hollande de mercredi, on s’aperçoit que les victoires contre des équipes de renom ne sont pas légion. Il y a eu les deux succès contre l’Irlande en éliminatoires de l’Euro 2004, la victoire à Berne contre la Turquie et celle d’Hanovre contre la Corée de Sud. Sinon, les adversaires les plus prestigieux que la Nati version Köbi Kuhn aie battu ont pour nom Norvège, Ecosse, Autriche ou Slovénie. Dés lors, il ne faut pas faire la fine bouche avec le succès obtenu mercredi face aux Pays-Bas.

Car la Hollande est un grand du football mondial au niveau des résultats et même un géant sur le plan du jeu et du spectacle présenté. Depuis l’avènement du grand Ajax au début des années 70, le football batave est sans doute celui qui présente de façon la plus constante le jeu le plus spectaculaire et le plus offensif de la planète, même s’il y a eu quelques petit creux dus à l’étroitesse du réservoir de joueurs d’un pays à peine deux fois plus peuplé que la Suisse. Alors que même le Brésil a eu tendance à céder à la tentation de multiplier les milieux récupérateurs, la Hollande a presque toujours maintenu une ambition collective dans le jeu offensif héritée du football total de Cruyff et consorts. Malheureusement, le football spectaculaire des Oranje n’a pas toujours été payé à sa juste valeur, puisque, le formidable succès de l’Euro 1988 excepté, la sélection néerlandaise a souvent présenté le meilleur jeu lors des grands tournois mais échoué au poteau face à des adversaires beaucoup moins brillants, comme en 1992, 1994, 1998 ou 2000. Sans même parler des finales perdues en 1974 et 1978.La sélection néerlandaise est un peu moins flamboyante depuis quelques années, avec une non qualification en 2002 et des éliminations sans gloire en 2004 et 2006 pour n’avoir pas su déjouer le traquenard tendu par la bande de simulateurs de Scolari. Pourtant, l’équipe des Pays-Bas est désormais confiée à son étoile la plus brillante, avec Johan Cruyff : Marco Van Basten, peut-être le meilleur centre-avant de l’histoire du football. L’ex-buteur du Milan AC s’est promis de redonner à la sélection batave son lustre d’antan en reconstruisant avec des jeunes. Pour l’instant, ce n’est pas trop convaincant et Marco Van Basten entraîneur a plus fait parler de lui par ses querelles avec les stars de l’équipe que par ses succès.

Mais les choses semblent rentrer dans l’ordre, la paix des braves a été signée avec Van Nistelrooy et Seedorf pour redresser une situation pas très bien engagée en qualification de l’Euro 2008 dans un groupe qui semblait pourtant taillé sur mesure pour la Hollande. Ils sont toujours trois pour deux places (Roumanie, Bulgarie et Hollande) et tout autre résultat que deux victoires début septembre à Amsterdam contre la Bulgarie et en Albanie contraindrait les Néerlandais à aller chercher leur qualification en Roumanie. Ce qu’il vaut mieux éviter, la Suisse en sait quelque chose.
C’est donc un adversaire d’un tout autre calibre que la Jamaïque, contre qui la Suisse avait fêté son dernier succès en date, qui se présentait à Genève. Le potentiel offensif de la Hollande peut faire rêver Köbi Kuhn : Robben absent, Van Basten aligne Sneijder, Van der Vaart, Van Nistelrooy et Van Persie, tout en laissant le Milanais Seedorf et les Scousers Kuyt et Babel sur la banc. C’est néanmoins la Suisse qui est la première en action avec une passe de Fernandes pour Vonlanthen accroché par la sortie intempestive du gardien Stekelenburg. Barnetta transforme le penalty. La Suisse n’avait plus marqué dans cet exercice depuis un match amical contre la Chine en juin 2006. L’entame de match idéale pour une équipe dont on sait qu’elle n’aime pas trop faire le jeu. La réaction hollandaise est timide ; il y a bien quelques ébauches d’action intéressantes mais, à court de compétition, Van Nistelrooy n’est pas tout fait Ruuuuuuuuuuuuuuuud et manque un peu de vivacité, alors que Van der Vaart ne dispense son immense talent qu’avec parcimonie. Le peu d’occasions hollandaise est aussi à mettre au crédit d’une équipe suisse très compact avec un excellent filtrage à mi-terrain de la paire Inler – Fernandes, alors que, derrière, Von Bergen a parfaitement su pallier les absences de Müller et Djourou. La deuxième action du match est pour la Suisse avec un petit numéro de Nkufo sur la gauche suivi d’un centre pour Margairaz qui  écrase trop sa reprise (28e), La Hollande réplique avec une volée trop croisée de Sneijder (33e) et une percée de Van Persie annihilée par un retour salvateur de Degen (40e).

Après la pause, Van Basten modifie complètement son secteur offensif mais c’est la Suisse qui double la mise sur une action typiquement… hollandaise, à une touche de balle : Nkufo, Barnetta, Fernandes et Margairaz mettent sur orbite, avec un peu de réussite, Barnetta qui marque en force sous la latte. Quand on a vu Kuyt engager de manière précipitée et rageuse, on s’est dit que les Hollandais étaient vexés et qu’il allait falloir serrer le jeu les dix minutes suivantes. Las, Degen se fait prendre de vitesse par Babel, alors que Magnin et Senderos oublient de marquer Kuyt qui inscrit le 2-1 de la tête. La Suisse connaît alors dix minutes pénibles, deux tirs de Seedorf (59e) et De Zeeuw (60e) flirtent avec les montants. Magnin perd un ballon sur Van Persie mais Coltorti, très vite au sol, réalise l’arrêt du match, sur la frappe de Babel (62e).
Impeccable sur les rares interventions qu’il a eu faire, la portier de GC a marqué des points mercredi soir. Pas tellement pour être titulaire lors du prochain Euro, parce qu’on n’imagine pas une seule seconde que Coltorti puisse garder les buts de la Nati à cette occasion, mais pour rester dans le cadre de l’équipe. Malgré son début de saison calamiteux, Zuberbühler demeure le seul à disposer d’une expérience internationale. De tout façon, si Zubi a survécu à sa bourde de Chypre, le fait d’être responsable de plus de la moitié des buts encaissés par Neuchâtel-Xamax depuis le début du championnat ne suffira pas à menacer sa place dans les cadres de la Nati. Benaglio a lui l’avantage de le jeunesse et de jouer à l’étranger. Coltorti est donc le plus menacé par l’affirmation d’autres gardiens, en particulier Leoni, voir Jakupovic. Vailati ? Restons sérieux, et pourquoi pas Wölfli ?
A la 64e, Van Persie montre qu’il est bien le digne successeur d’Henry à Arsenal avec un plongeon spectaculaire devant Magnin. Mais ensuite, la Suisse a parfaitement su reprendre la contrôle du match et n’a plus été inquiétée jusqu’à l’ultime minute et une volée de Seedorf. Les Helvètes auraient même pu se mettre à l’abri sur un centre tir de Lichtsteiner qui a rebondi sur la latte (75e) et une occasion immanquable gaspillée par Yakin après une superbe action Spycher – Magnin sur le flanc gauche (83e).
Même si elle ne nous a pas laissé une terrible impression, on espère vivement que cette équipe hollandaise se qualifie pour l’Euro. Autant on ne regretterait pas trop l’absence de l’Italie ou de la France (ce serait même tout bénéfice si l’Ecosse et ses formidables supporters nous épargnait la présence de Domenech ou Materazzi), autant un Euro sans la Hollande, ses ailiers, son jeu spectaculaire et sa marée orange, manquerait de saveur.

Quant à la Suisse, elle tient enfin sa victoire de prestige et confirme la bonne impression laissée en juin contre l’Argentine. Fait réjouissant, le cadre de joueurs susceptibles d’aller à l’Euro s’élargit : Von Bergen a parfaitement tenu son rang en défense centrale, Lichtsteiner a fait une bonne rentrée à droite (une fois Behrami rétabli, Degen sera vraiment menacé) et Fernandes a convaincu pour sa première sélection aux côtés d’un Inler qui devient de plus en plus incontournable dans cette équipe. Les places sont d’ailleurs chères au poste de demi défensif : si Lonfat et Vogel semblent hors course, Inler, Dzemaili, Celestini, Wicky, Huggel, Cabanas, Fernandes et Schwegler sont sur les rangs, sans compter Djourou et Spycher qui peuvent aussi jouer à ce poste. Incontestablement, ceux qui seront titulaires avec leur club seront avantagés. Lors de ses quatre prochains matchs, la Suisse affrontera des adversaires moins cotés : Chili, Japon, Autriche et Etats-Unis. Avec la bonne rentrée de Nkufo et le prochain retour de Frei, on peut souhaiter que Kuhn joue à nouveau avec deux attaquants.
Connaissant l’audace de Köbi, ce sera sans doute en sacrifiant le meneur de jeu (Margairaz ou Yakin) plutôt qu’un demi défensif mais, vu la force de percussion retrouvée de la Nati  sur les côtés avec Barnetta et Vonlanthen, on peut espérer que la Suisse donne encore davantage d’ambition dans son jeu offensif. Car, pour passer le cap du premier tour de l’Euro, il faudra au moins battre un adversaire du calibre de la Hollande.
La seule petite déception de la soirée vient du manque d’ambiance et des nombreuses places vides de la Praille. On ne va pas fustiger le public romand ; contre l’Argentine à Bâle, les spectateurs avaient été à peine plus nombreux et l’ambiance tout aussi molle, alors que le match se déroulait un samedi soir. C’est le public suisse dans son ensemble qui reste malheureusement très événementiel. Ils étaient où mercredi tous ceux qui pleurnichaient qu’ils n’avaient pas eu de billets pour Suisse – Turquie ou qu’ils n’ont pas été tirés au sort pour l’Euro ? Ce qui est malheureux, c’est que l’ASF ne prévoit pas grand-chose pour avantager les fidèles qui sont là à tous les matchs amicaux. Pourquoi ne pas avoir annoncé que les quelques 8’000 billets dont disposera l’ASF  pour chaque match de la Nati en juin 2008 seront réservés à ceux qui peuvent prouver avoir vu au moins six matchs amicaux avant l’Euro ? Une telle procédure permettrait de remplir les stades pour les matchs de préparation et d’assurer la présence des vrais supporters lors de l’Euro.

Malheureusement, parti comme c’est parti, avec des tirages au sort avantageant surtout les supporters occasionnels, la Suisse risque de bénéficier d’un soutien moindre lors de son Euro qu’elle n’en avait eu, par exemple, à Dortmund contre le Togo. Ce qui serait bien dommage car, sur ce qu’elle a montré contre l’Argentine et la Hollande, cette équipe peut réussir quelque chose de grand en juin prochain. On va émettre un souhait pour terminer : ce Suisse – Pays-Bas, c’était la répétition générale de la finale du 29 juin prochain à Vienne. Suisse – Hollande en finale ce serait quand même autrement plus exaltant qu’un énième et toujours aussi triste France – Italie, non ?
Toutes les photos copyright Mediasports – Pascal Muller

Suisse – Pays-Bas 2-1 (1-0)

Stade de Genève : 24’000 spectateurs.
Arbitre : M. Duhamel.
Buts : 9e Barnetta (penalty, 1-0), 51e Barnetta (2-0), 52e Kuyt (2-1).
Suisse : Coltorti ; P. Degen (69e Lichtsteiner), Von Bergen, Senderos (87e Cabanas), Magnin ; Vonlanthen, Fernandes (67e Huggel), Margairaz (81e Yakin), Inler, Barnetta (74e Spycher) ; Nkufo (67e Streller).
Pays-Bas : Stekelenburg ; Jaliens (46e Boulahrouz), Heitinga, Bouma, Emanuelson ; De Zeeuw, Van Bronckhorst, Sneijder (46e Seedorf) ; Van der Vaart (46e Babel), Van Nistelrooy (46e Kuyt), Van Persie.

Écrit par Julien Mouquin

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12 Commentaires

  1. Super article. Mais il me semble que Frei avait marqué un penalty contre la Colombie(il avait du sy reprendre a 2 fois pask le gardien avait quitté sa ligne)

  2. Tu as entièrement raison, javais complétement oublié cet épisode, jétais persuadé que la Suisse navait pas retiré de penalty depuis le match de lUkraine.
    Merci davoir corrigé.

  3. Faudrait une fois être sérieux, Zubi na rien à faire en équipe nationale… Même après sa bonne coupe du monde et avec son rôle de (soi-disant) leader pour tirer la Nati, lheure de Benaglio a sonné! Il faut faire confiance aux jeunes!

  4. Je peux comprende que Vailati ne décroche pas tous les sufrages mais Léoni…

    Malgré tout la sympathie que je lui porte je le vois pas jouer pour la Nati…

  5. Félicitations pour cet article Julien, cest comme à ton habitude du très bon travail.

    Jaimerais poser une question qui me tarraude depuis samedi matin, jespère ne pas être seul dans ce cas:

    24000 personnes à Genève pour Suisse-Hollande au foot, plus de 40000 à Aarau pour la fête fédérale de lutte… Ca ne choque personne???

  6. Zubi fait peur à tout le pays sur chaque centre et Coltorti na pas la carrure dun grand. Jaimerai voir Benaglio sur 1 match bien chaud pour voir si la mayonnaise peut prendre avec la défence.

    En ce qui concerne lexpérience internationale de Zubi, je ris…aux larmes. demandez aux supporters de West Brom ce quils en pensent!

  7. la lutte federal est un des evenements sportifs suisses majeurs de lannée cest convivial ,sympathique ,les règles simples,les prix accesible a tous le monde et surtout on attend pas 30 min pour boire une biere….voila cest dit allez fce et bonne semaine

  8. Les futurs gardiens de la Nati sont actuellement en LNB: Sommer (vaduz, appartient à Bâle et est né au canton de Vaud) et éventuellement Marques.
    Malheureusement, les deux seront bien trop jeunes pour lan prochain.

  9. Cher Julien,
    Jaimerais dabord te féliciter pour la qualité remarquable de tes articles et tes excellentes connaissances du foot en général et du foot allemand en particulier. Jai toujours beaucoup de plaisir à lire tes fines analyses.
    Il y a juste un point sur lequel je ne suis pas du tout daccord avec toi. Pourquoi cet acharnement systématique contre léquipe dItalie ? Lors de la dernière Coupe du Monde, et si lon fait une moyenne des 7 matches disputés, cest clairement la meilleure équipe qui a gagné (et cest un non-Italien qui le dit) le trophée.
    Un très bon premier tour, un huitième difficile contre lAustralie, une grande demi-finale contre lAllemagne, et pius la fameuse séance de tirs aux buts de la finale. Cinq tireurs, cinq goals, ça cest de la force mentale et de la résistance à la pression. Ce nest pas notre chère équipe nationale et sa lamentable (le mot est faible…) série de penaltys contre lUkraine qui peut en dire autant!
    Voila cest dit, je me réjouis de continuer à te lire. Et à une prochaine (Par exemple à lOktoberfest 2008?)

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