Lyon n’a pas rassuré

Après ses deux défaites à Toulouse et Lorient, l’Olympique Lyonnais ne pouvait sans doute rêver meilleur adversaire pour se refaire une santé que le rival local Saint Etienne, contre lequel les Gones sont invaincus depuis 1994 et quinze derbies. La logique a été respectée : un exploit individuel doublé d’une erreur défensive adverse a permis à l’OL de s’imposer 1-0. Mais cette victoire n’a pas vraiment rassuré sur la capacité des sextuples champions de France à conserver leur titre et encore moins à enfin passer les quarts de finale de la Champion’s League.

Le terme « professionnalisme » est sans doute l’un des mots-clés du règne de Jean-Michel Aulas depuis sa prise de pouvoir à Gerland en 1987. A priori, cela ne s’applique pas au service de billeterie. J’avais réservé des billets dans le virage nord via internet mais reçu aucun e-mail de confirmation. Il a donc fallu se rendre à Gerland sans savoir si les billets réservés existaient vraiment. Ils étaient bien au guichet mais ce n’étaient pas les places derrière les buts commandées mais des excellents sièges en tribune principale, juste à côté des VIP. C’était marqué « invitation » dessus mais ces billets devaient valoir plus du double que ce qui avait été débité sur ma carte de crédit. Tant mieux ! Et tout autour de nous, il y  avait des gens dans le même cas. Le pire, c’est que j’ai en plus reçu à mon domicile deux billets virage…sud. Deux jours après le match… Pas très professionnel tout cela, M. Aulas !
La question était de savoir si la prétendue ferveur du public lyonnais allait résister aux deux défaites de Toulouse et Lorient. Lors des derniers derbies rhodaniens à Gerland, les billets s’étaient arrachés en quelques heures, tout au plus quelques jours, alors que le match était avant tout une affaire de prestige, le classement étant établi depuis longtemps. Cette saison, le derby présentait un intérêt sportif supérieur, avec deux équipes au coude à coude au classement, et pourtant les Lyonnais ont eu toutes les peines du monde à remplir leur stade qui n’est pourtant ni le Camp Nou ni San Siro. A 48 heures du coup d’envoi, 1’000 billets n’avaient pas trouvé preneurs et l’OL a décidé de solder les derniers sésames pour éviter le camouflet d’un derby qui ne se jouerait pas à guichets fermés ! Ce manque d’engouement va sans doute amener de l’eau au moulin de l’association Carton Rouge (aucun rapport avec ton site favori), entité constituée pour lutter contre le projet d’OL Land et de nouveau stade de 60’000 places à Décines, jugé démesuré. Sans se prononcer sur le projet en question, on ne contestera pas la nécessité d’une nouvelle arène à Lyon, parce que Gerland ça commence à être un peu vétuste. On fait le même constat quand on va au Vélodrome : l’état de délabrement de ces stades est assez étonnant quand on songe qu’ils sont censés avoir été rénovés pour la Coupe du Monde il y a moins de dix ans.

Incontestablement, le derby du Rhône à Gerland, c’est un ton au-dessous du derby du Rhône à Geoffroy-Guichard niveau ambiance, même si les tifos sont magnifiques, avec notamment un teigneux Gollum dans le virage nord. En début de match, Lyon n’est pas trop fringant et envoie d’emblée deux centres derrière le but. Je me dis « tiens, j’avais pas vu que Degen avait été transféré à l’OL » mais non, Degen est toujours au BVB, en fait les centres manqués étaient le fait de Govou et de mon ami Fabio Grosso.
Il faut reconnaître au président Aulas un certain flair et une indéniable compétence sur le marché des transferts mais là j’ai bien l’impression qu’il s’est fait arnaquer en se faisant refiler le champion du monde italien par l’Inter. Un quasi inconnu qui devient monstrueux juste le temps d’un été, un latéral qui fait des rushs de 60 mètres après 115 minutes de jeu et revient en sprint comme Moreno Torricelli à l’époque, ça devrait inciter à une certaine méfiance. Et à se demander si le vrai Grosso, c’est le match winner de la Coupe du Monde ou celui qui a passé presque toute sa carrière dans des luttes de sous-préfecture du Calcio. Peut-être qu’Aulas compte sur son préparateur physique miracle Robert Duverne, l’homme qui a transformé l’équipe de France en Allemagne du statut de zombies du premier tour à celui de l’équipe la plus puissante de la suite du tournoi, pour permettre à Grosso de retrouver son état de grâce de juin-juillet 2006. Attendons donc de voir si quelques ascensions du glacier de la Grande Motte à Tignes avec Grégory Coupet permettront à l’Italien de constituer un véritable renfort pour l’OL, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

En première mi-temps, l’essentiel du danger sur le but lyonnais est d’ailleurs venu du côté de Grosso. C’est sans doute aussi parce que c’est dans cette zone que croisait Pascal Feindouno mais, en 2e mi-temps, le Guinéen a changé de côté et a été beaucoup moins en vue au contact de François Clerc. Les premières occasions sont stéphanoises avec un tir à côté de Payet (7e), une volée ratée par Gomis, alors qu’il avait l’opportunité de partir seul au goal (8e), et une frappe tendue de Feindouno bloquée par Vercoutre (13e). Lyon obtient son premier coup franc à la 15e ; Gerland ne frémit plus comme à l’époque où Juninho marquait sur presque toutes ses tentatives mais le Brésilien envoie quand même une bonne frappe qui oblige Janot à mettre en corner. Feindouno s’essaie à son tour au coup franc, son essai est difficilement repoussé par Vercoutre (21e). Après cette entrée en matière de bonne facture, le match va sombrer dans une certaine monotonie et la chaleur moite qui règne sur Lyon n’incite pas les vingt-deux acteurs à mettre davantage de rythme. Après une bonne sortie de Janot devant Keita (35e), la pause est atteinte sur un score nul et vierge mais avec un avantage aux points pour les Verts.

On sent Lyon revenir avec des intentions un peu plus belliqueuses en 2e mi-temps, même si c’est Feindouno qui adresse le premier tir, non cadré, de la seconde période (52e). Le match va basculer dans la minute suivante sur un exploit personnel de Juninho qui s’échappe sur l’aile droite, résiste à la charge de deux défenseurs stéphanois et adresse un centre tendu devant le but que Tavlaridis, pourtant guère menacé, propulse en direction de ses propres filets. Dans un réflexe désespéré, Janot parvient à dévier le ballon sur son poteau mais Benzema a bien suivi et peut inscrire l’unique but du match dans la cage vide. 

Autant Saint Etienne avant été intéressant et sans complexe avant l’ouverture du score, autant les Verts ont déçu après le but lyonnais. Le coaching frileux de l’entraîneur Laurent Roussey (ex-Sion) y est sans doute pour quelque chose, lui qui a eu la fâcheuse idée de sortir ses deux attaquants Ilan et Gomis une fois son équipe menée au score. Du coup, si l’on excepte deux frappes sans grand danger de Doula (78e) et Guarin (80e), un coup franc bien placé mais galvaudé par Feindouno (90e) et un cafouillage devant Vercoutre (92e), Sainté n’a plus été trop menaçant. Minimaliste, Lyon a rapidement donné l’impression de se contenter de ce score de 1-0. Un coup franc très travaillé de Juninho bien détourné par Janot (64e) et un contrôle manqué par Benzema qui avait l’opportunité de partir seul affronter le gardien des Verts (76e) sont les seules opportunités qu’a eu Lyon de doubler la mise.

Il est indéniable qu’un résultat nul eut été plus conforme à la physionomie de la rencontre mais Lyon possède, malgré les doutes, les absences et les frictions, une maîtrise supérieure à celle de Saint Etienne. On regrettera toutefois que les Verts n’aient pas davantage osé, surtout dans la dernière demi-heure, car la charnière centrale lyonnaise de fortune Bodmer – Squillaci n’avait rien d’imprenable. Si Lyon obtient un peu de répit avec ce succès contre le rival historique, de nombreuses questions demeurent ouvertes sur l’ambiance dans l’équipe, la qualité du recrutement estival ou les choix tactiques de l’entraîneur Alain Perrin. Ce n’est plus tout à fait le Lyon souverain et sûr de lui qui avait déjà plié le championnat à la mi-septembre ces dernières saisons. Il est bien sûr prématuré d’enterrer l’OL qui demeure le principal favori à sa propre succession mais peut-être bien que cette année il y aura un championnat en France. Et puis, comme toute série qui se prolonge tend à sa fin, Saint Etienne paraît mûr, à défaut de pouvoir jouer les premiers rôles cette saison, pour mettre un terme à sa longue série d’insuccès contre son grand rival régional. Rendez-vous en janvier à Geoffroy-Guichard pour le 95e derby rhodanien.

Lyon- Saint Etienne 1-0 (0-0)

But : 53e Benzema (1-0)

Lyon : Vercoutre ; Clerc, Squillaci, Bodmer, Grosso ; Keita (81e Réveillère), Juninho (85e Santos), Toulalan, Källström, Govou (72e Belhadj) ; Benzema

Saint Etienne : Janot ; Dabo, Tavlaridis, Nivaldo, Varrault ; Feindouno, Matuidi, Perrin, Payet (62e Douala) ; Ilan (79e Guarin), Gomis (60e Nilsson)

Arbitre : M. Bré.

Cartons jaunes : 46e Tavlaridis, 62e Feindouno, 64e Nivaldo, 90e Perrin.

Notes : Gerland, 38’438 spectateurs (guichets fermés). Lyon sans Cris, Müller, Cleber Anderson, Fred, Ben Arfa, Roux ni Coupet ; Saint Etienne sans Dernis.

Écrit par Julien Mouquin

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