Le sport, c’est pas bon pour la santé

Jean-Robert* a craqué. Fan absolu de sports, il s’est identifié à ses vedettes depuis tout petit. Ces derniers temps, submergé par les nombreuses dérives autour de sa passion, il a fini par partir en vrille lui aussi.

C’était mardi dernier. Après son pousse-café matinal, «JR», comme l’appellent ses amis, commence à se poser des questions de fond. Lui qui a une foi inébranlable dans ses idoles – qu’elles évoluent sur un pré vert, sur des routes escarpées de montagne ou sur une patinoire –, il doute. Même Thierry Gilardi n’est plus là pour le rassurer. Pour la première fois de sa longue vie, le sport l’a amené à réfléchir. Et ça, ça l’a méchamment perturbé.Les premiers symptômes sont apparus après son deuxième verre de rosé, aux alentours de 9h30 du matin. A la lecture du journal L’Equipe, il amorce une sorte de descente aux enfers. Une véritable dépression nerveuse. Les affaires qui s’accumulent dans le sport le font douter. Et si les footballeurs, les hockeyeurs, les cyclistes, les rugbymen, les athlètes ou encore les supporters tels que lui ne formaient finalement pas le monde de rêve, de strass et de paillettes qu’il imaginait ?

Dans le quotidien français, on y parle de banderoles injurieuses, de flamme olympique éteinte par des activistes pro-tibétains, d’arbitrage farfelu, de simulation de joueurs en Ligue des Champions ou encore de dopage en rugby. Autant de nouvelles qui lui tombent dessus comme un coup de massue. Son monde s’écroule et lui va définitivement serrer un boulon.
En sortant du buffet de la gare de Coppet, Jean-Robert commence à avoir un voile rouge devant les yeux. En prenant le train pour Lausanne où il va, comme à son habitude, manger en compagnie de Roger*, Jean-Louis* et Rodrigo* pour refaire le monde autour d’un verre de blanc et d’une fondue, il a le malheur de croiser une homme aux yeux bridés dans son wagon. C’est à partir de ce moment que tout s’enchaîne.
Excité par les dernières déclarations de Robert Ménard, le président de Reporters sans frontières, Jean-Robert se munit de son Matin Bleu et se jette sur l’homme qui s’avèrera finalement être vietnamien. La bave aux lèvres, il le frappe violemment avec son quotidien gratuit et le laisse pour mort, sans que les autres passagers du wagon ne se rebiffent le moins du monde. «Tiens, ça t’apprendra à tabasser des moines. Vous les jaunes, vous êtes des fourbes de toute façon, ils l’ont dit à la télé !»
Le Vaudois ne s’arrête pas en si bon chemin. Faisant fi de sa réservation dans un restaurant traditionnel afin de faire le plein de fromage, il continue son périple en direction du Valais. En chemin, il s’arrête dans une Coop Brico pour se munir d’une toile cirée blanche et d’une bombe de spray noir. Après avoir chassé les rares voyageurs qu’il n’avait pas encore effrayé, il commence à rédiger une banderole qu’il projette d’aller accrocher dans la bourgade de Sion. Après une longue introspection, il trouve le slogan «Valaisans : consanguins, violeurs de chèvres et alcooliques» pertinent et choisit d’aller l’afficher dans l’heure sur le Stade de Tourbillon. Arrêté après 10 minutes par la police valaisanne, il réclame une expertise ADN en clamant : «Ici c’est Paris !». Effrayé, le représentant de l’ordre préfère l’attacher à un abricotier et aller terminer sa journée «Chez Ginette», le bistrot du coin.

Déchaîné malgré ses menottes, «JR» parvient tout de même à se détacher et vole un tracteur au paysan voisin. Après avoir remarqué qu’à 40 km/h sur l’autoroute il était un peu dangereux, il décide de doper sa machine avec de l’éther trouvé dans une grange adjacente. Il écrase par la suite une Daihatsu pour protester à sa manière contre le régime chinois, bien que la marque soit japonaise. Sorti de la voie rapide à Chexbres, il descend de sa monture pour aller faire le plein de vodka pomme, sa botte secrète à lui pour reprendre des forces.
En sortant du Primo du village, il croise un employé municipal qu’il confond avec un arbitre de par la couleur fluorescente de son k-way. Taclé par le trottoir, il s’écroule et s’en va réclamer un penalty auprès du cantonnier. Un peu trop véhément aux yeux de l’homme en jaune-fluo, Jean-Robert est prestement renvoyé à ses études d’un coup de balais dans les gencives. Après s’être roulé six fois sur lui-même espérant un carton rouge pour le fautif, il se rend compte que les passants se moquent de lui.
Dans un élan «chabalien», il part en percussion dans le groupe de badauds. Un coup de coude dans un enfant en bas âge, un raffut sur une grand-mère et une fourchette sur une mère de famille plus tard, il est enfin maîtrisé par les employés d’une maçonnerie qui borde la mêlée. Emprisonné à Vevey, il fait appel contre la décision du juge qu’il s’obstine à appeler Reto Steinmann. Suspendu de manière provisoire, il écope finalement d’une amende de 1500 francs et de 3 jours de travaux d’intérêt général.

Sorti de prison dans la journée, il s’allume une cigarette sur le parvis de sa geôle. Alors que la flamme de son briquet brille dans ses paupières fatiguées, il se sent alors investi d’une mission olympique : amener la lueur à son lieu d’origine, Olympie.
 
Malheureusement pour notre héros, alors qu’il monte le St-Bernard de sa foulée athlétique, il est confronté au Loup du Val-Ferret. A cause de la bise qui fait vaciller dangereusement la lumière, il ne peut pas se protéger et finit son délire à moitié déchiqueté par la bête. Gravement blessé, il est superbement ignoré par les secours qui y voient une nouvelle simulation et finit par rendre l’âme en déclarant à la postérité : «Boirus, fumus, dans le cus».
 
* prénoms fictifs

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11 Commentaires

  1. Alors je ne sais pas ce que tu prends comme substance.. ou ne prend pas.
    Mais jétais mort de rire en lisant ça ! Joli coup !

  2. Respect, cest du tout bon!!

    Je me demande juste à quelle heure ça à été écrit. Parce que si cest avant lapéro….

    Mais suis-je bête, il ny à pas dheure pour lapéro

  3. mais publions cet article dans tous les journaux du monde traduisons le en 139 langues et dialectes! Et montrons au gens qui ridiculisent le sport à quel point ils sont ridiculs eux meme!

  4. Ahahahaha E-X-C-E-L-L-E-N-T !

    Quelle plume, quelle satyrisme, quelle imaginiation…jadore !!!

    Mort de rire en lisant ton billet dhumeur en tout cas continue comme ca !

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