De la «pro-Grèce-ion» dans l’air ?

CartonRouge.ch entame aujourd’hui la présentation des 16 pays qualifiés à l’Euro 2008. A tout vainqueur tout honneur, nous débutons cette série par le tenant du titre, la Grèce, et terminerons l’exercice par le futur champion, la Suisse… Dix points pour mieux connaître ces pays, dix points où chaque rédacteur a allié passion, analyses et, parfois, satire. Prochain pays : la Suède par Nicolas Huber !

Tenante du titre, surgie de nulle part en 2004 – un mystère est assurément à l’origine presque alchimique de ce miracle -, où la Grèce se situe-t-elle quatre ans plus tard, à l’heure de fouler les terrains helvético-autrichiens avec en tête le rêve de conserver son trophée ? Et surtout, histoire de raviver le débat, l’équipe a-t-elle évolué dans sa manière de jouer, serait-elle ainsi capable d’enthousiasmer les foules en présentant enfin un football de qualité tout en conservant ce qui a fait sa force en 2004, à savoir une organisation tactique redoutable ?
1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ?

Ce qui a poussé votre serviteur à vouloir absolument dresser son portrait de l’équipe nationale de Grèce (I Ethniki) au seuil de cet Eurofoot ressort originellement au fait qu’il a vécu ses neuf mois de vie intra-utérine dans des eaux grecques. Ce qui s’en suivit n’a été qu’un perpétuel mouvement pour revenir toujours et encore sous différentes formes à cette source lui procurant les délices de la passion inconditionnelle. Dès lors, tout ce qui a un lien avec elle, aussi infime soit-il, provoque en lui des émotions troublantes. Autant dire que lorsqu’il est question de football grec, son sang se met en ébullition et lui monte rapidement à la tête pour l’emporter dans des états proches de la transe. Dans ces conditions, ne lui demandez pas de pondre quelque chose d’objectif sur l’équipe nationale grecque, ce qui sort de sa plume n’étant le plus souvent qu’affabulations. Mais la mémorable soirée du 4 juillet 2004 lui apprit que ce que d’aucuns tiennent pour pures illusions peut parfois prendre la forme d’un événement bien réel. 


Une victoire historique pour le football grec


2) A quoi sert ce pays ?

C’est précisément d’illusions que peut dorénavant se nourrir n’importe quelle équipe à la veille de cet Euro. En triomphant au nez et à la barbe de tout le monde en 2004, la Grèce – avant elle il est vrai le Danemark en 1992 – a confirmé que tout était possible, qu’aucune partie n’était jouée d’avance, que toutes les équipes pouvaient ainsi prétendre à la victoire finale. Chacun se doit donc de bénir la sélection grecque en ce qu’elle a instauré la possibilité du miracle. Un formidable espoir est ainsi né dans l’Europe du football. Désormais, même la valeureuse Nati peut se permettre de s’imaginer soulevant le trophée à Vienne au Ernst Happel Stadium le 29 juin. Mais la Grèce ne serait-elle pas la seule dépositaire de son secret : gagner en jouant de manière peu orthodoxe, à savoir en proposant un spectacle calamiteux qui néanmoins se révèle diablement efficace ? A méditer, mais ce serait sans compter le fait qu’il y eu une réelle progression depuis l’Euro portuguais, remarquable dans les matchs joués lors de la phase qualificative.

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?

Les Grecs étaient certes opposés dans le Groupe C à des adversaires qui ne font pas partie des meilleures équipes européennes du moment (Turquie, Norvège, Bosnie, Hongrie, Moldavie, Malte), mais ils se sont tout de même qualifiés de manière probante : 10 victoires, 1 nul (contre la Norvège à Oslo) et une défaite au demeurant inquiétante 4-1 à Athènes contre la Turquie (!), marquant au total 25 buts pour 10 encaissés. Mais ce qu’il faut surtout relever c’est qu’ils ont présenté un visage bien plus chatoyant que ce qui nous fut proposé au Portugal. L’équipe a incontestablement évolué.
Après être redescendue sur terre en échouant à se qualifier pour le Mondial allemand en 2006, est venu le temps de la réflexion, du remaniement et de la reconstruction. Le résultat sera visible prochainement aux yeux de l’Europe du football : l’équipe s’avère autrement plus dangereuse et impressionnante qu’il y a quatre ans. De nouveaux joueurs sont entrés dans la sélection tels les attaquants Gekas du Bayer, Amanatidis de l’Eintracht, Samaras du Celtic, mais aussi le polyvalent et fougueux Torosidis de l’Olympiakos et le maître de la défense centrale – monstre indomptable – Kyrgiakos de l’Eintracht. Quant aux anciens qui sont encore là, ils ont pris du grade, confirmant pour la plupart les espoirs mis en eux en jouant un rôle intéressant, voire significatif, dans de respectables équipes européennes (Katsouranis et Karagounis au Benfica, Gianakopoulos à Bolton, Seitaridis à l’Atletico, Basinas à Majorque).
L’équipe s’est ainsi qualifiée en montrant de réelles qualités au niveau du jeu présenté mais aussi grâce à sa force morale qui fut déterminante. Qui en effet eut pu parier qu’après le camouflet subi à domicile contre la Turquie, l’équipe de Grèce terminerait en tête de son groupe et réussirait à s’emparer à Istanbul (victoire 1-0 au terme d’un duel épique) des trois points perdus une année plus tôt à Athènes ?


Gekas, un joueur à surveiller


4) Pourquoi vont-ils gagner l’Euro ?

La sélection grecque va gagner pour la deuxième fois consécutive l’Euro car, indépendamment de ses bien réelles qualités footballistiques, elle est investie d’une foi sans commune mesure, capable de soulever des montagnes, même la plus sacrée d’entre toutes qui sert de demeure aux dieux.
La victoire de 2004 a en effet donné une ampleur folle à un sentiment nationaliste déjà bien présent, créant un enthousiasme collectif sans précédent. L’Euro à venir se présente donc comme une véritable épreuve existentielle pour des millions de Grecs nourrissant tous l’espoir suprême de la confirmation de leur suprématie sur les autres nations du football européen – pour ne pas dire que cette suprématie résonne déjà comme une évidence dans le cerveau de certains.
Cette foi toute méditerranéenne, qui relève assurément du délire fébrile, doit absolument être prise au sérieux, comme d’ailleurs tous ces phénomènes irrationnels et compulsifs qui peuvent entraîner une entité individuelle ou collective à se transcender et à réaliser des choses impossibles de prime abord. D’autant que là, cette force folle est contrôlée par un homme venu du nord, le roi Otto Rehhagel, passé maître dans l’art de canaliser les énergies et de déjouer les pièges tactiques adverses.

5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?

La Grèce se fera éliminer au premier tour car les matchs de football restent à chaque fois nonante minute pures, un laps de temps où tout est ouvert et possible. Elle l’a d’ailleurs elle-même remarquablement démontré lors du dernier Euro. Elle se fera aussi éliminer si elle pèche par excès de confiance, mais aussi parce que le statut de champion en titre n’est jamais facile à assumer.


La Grèce refera-t-elle l’incroyable coup de 2004 ?


6) Qui sont les joueurs à surveiller ?

Au chapitre des joueurs à surveiller, il y a l’embarras du choix tant cette équipe promet de belles choses ! Mettons tout de même en avant la redoutable paire d’attaquants Gekas et Amanatidis, auteurs chacun de 11 réussites en Bundesliga cette saison avec respectivement le Bayer Leverkusen et l’Eintracht de Frankfurt. Cet Euro, le premier pour eux, pourrait bien être le théâtre de la consécration de leur entente. Au milieu de terrain, les deux anciens coéquipiers du Benfica Katsouranis et Karagounis méritent aussi une mention tant ils impressionnent toujours, autant par leur abattage défensif que par leur créativité offensive (attention aussi à leurs puissantes et fréquentes frappes lointaines qu’ils n’hésitent pas à décocher). En ce qui concerne les défenseurs, à surveiller les déboulements sur le côté droit du latéral Torosidis qui impressionne à chaque fois par sa rapidité et la précision de ses centres, mais aussi les coups de tête du géant indomptable Kyrgiakos qui monte dès qu’il peut sur les coups de pieds arrêtés.

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?

J’espère profondément ne pas devoir assister aux bourdes légendaires d’un autre géant de la défense centrale, le «colosse» Traianos Dellas, qui parfois s’emmêle les pinceaux quand il s’agit de relancer le ballon. C’est un peu le Zubi grec. Mais si tout se passe bien, sa présence athlétique peut constituer un réel atout aux côtés de celle de Kyriakos ou de Antzas en défense centrale.      

8) Une bonne raison de les supporter ?

A vous lecteurs de Carton Rouge qui prévoyez d’aller passer vos vacances en Grèce au mois de juillet, si possible juste après l’Euro : apportez votre soutien à l’Ethniki (du moins une fois que l’équipe de votre cœur se sera faite éliminer), participez à cette foi collective qui va conduire la Grèce à son deuxième sacre consécutif et alors vous vivrez de délicieux moments, vous serez reçus comme des papes, l’hospitalité légendaire des Hellènes sera à son apogée. Pour peu que vous disiez que l’équipe de Grèce a mérité son sacre, vous mangerez et boirez à l’œil et n’aurez pas à payer vos nuitées.


King Otto


9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?

S’ils venaient à gagner à nouveau, il se peut bien que bon nombre de Grecs tombent dans la passion dégénérative. Le nationalisme déjà excessif risquerait de prendre une dimension démesurée, amenant certains à considérer la victoire sur un terrain de football comme signe d’appartenance à une race supérieure. Là où l’Euro risque de raviver la pathologie puante de l’auto-élection, enfouie au quotidien sous des frustrations de diverses natures… Ce risque n’est évidemment pas propre à la Grèce seule, il concerne l’ensemble des équipes, mais mon expérience des arènes grecques m’a permis de voir concrètement ce que signifiait s’identifier absolument à une équipe de foot et vivre pour elle, ou, c’est selon, ne pas pouvoir vivre sans elle…

10) Bon d’accord, mais sinon ?

Pro-GRECE-ion ou ré-GRECE-ion, réjouissons-nous tous de cette fête multiculturelle qui s’annonce, considérons-donc cet Euro comme un art de bien faire la guerre, une manière pacifique de régler les comptes : pour seule arme un ballon rond en cuir que se disputent des paires de jambes, des crânes et des poitrines mus par des qualités techniques et un certain esprit tactique, par ce caractère propre à chaque nation, que Carton Rouge va s’évertuer à vous présenter ces prochains jours au gré des humeurs et des spécificités propres à ses différents rédacteurs.
 

Écrit par Philippe Verdan

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11 Commentaires

  1. Un seul mot : Excellent !
    Dis donc, la barre est placée dentrée haut pour les rédacteurs des prochaines présentations déquipe. On se réjouit de vous lire, messieurs !

    P.S. : je brûle de savoir qui parmi vous va avoir lhonneur de présenter la Squadra Azzura, mon équipe favorite depuis 1982 et cette magique finale contre lAllemagne…

  2. Ouais alors du vrai et pur bonheur ! On en redemande et on se réjouit déjà de la suite. Et, comme a bien dit Ch. Logoz, les autres rédacteurs vont devoir saccrocher très fort. On attend évidemment avec une patience non dissimulée les articles sur la Suisse et nos voisins !!!
    Encore bravo et bonne continuation.

  3. comme il ne reste plus que 8 jours avant que lEURO ne commence, cela veut il dire que nous aurons la chance de lire deux presentations dequipes par jour?

  4. Rien à voir mais ou est la carte des bistrots pour leuro fric (nallez surtout pas à la subprime arena svp) ?

    Le forfait est-il trop cher? 😛

  5. Pour répondre à « question » :

    Oui, nous allons publier deux présentations de pays par jour, et ceci dans lordre suivant : groupe D, groupe B, groupe de la mort (C) et, enfin, le groupe A, celui de la Suisse !

    Pour répondre à ipi :

    Cest pour la semaine prochaine ! On a juste un peu de retard 😉

    Bon week-end,

    La rédac

  6. Excellente question de « GP ». On verrait bien Psyko car le raccourci entre le président de son club de prédilec…Sion et lentraineur turc Fathi Terim est très vite fait: deux têtes à claques et rien de plus. On se gausse davance, mais seulement si cest lui. Alors, Psyko, courage !!!

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