TSR sports, le feuilleton : prologue

Il est 8h53. J’attends le direct pour Genève au buffet en lisant la tribune. Voici quelques semaines, j’ai été approché par une entreprise de sécurité pour laquelle je travaillais occasionnellement à Malley pour les matches du LHC. Ils m’ont demandé, si moi, puisque j’étais allé à l’Uni quelques temps, je n’aurais pas envie de faire un travail un peu plus cérébral que celui qu’ils me demandaient de faire d’habitude.

C’est vrai que je n’ai rien contre assister gratuitement aux matches et boire à l’œil des cocas et des thés froids, sachant que de toute manière nous sommes beaucoup trop pour faire notre travail et que s’il se passe vraiment quelque chose, on appellera la police, plutôt que de prendre des risques inconsidérés avec des gens dangereux. Mais c’est vrai que je ne me sentais pas vraiment à l’aise dans cet uniforme paramilitaire. J’ai toujours rêvé de faire quelque chose d’utile pour la société, mais plus en civil. Je vois bien que ça n’impressionne pas tellement les filles mon t-shirt délavé où c’est écrit «SECURITE» dessus. Et ce n’est jamais très gratifiant de sentir que l’on fait peur aux enfants, mais qu’on se ferait démonter la gueule par n’importe quel joueur présent sur la glace.

Alors, je me suis dit «pourquoi pas ?». Ils m’ont expliqué. Suite à la publication de plusieurs commentaires critiques à l’égard d’un média officiel et financé par le pouvoir en place, la rédaction d’une plateforme web indépendante craignait pour sa sécurité. Pour se prémunir de toute attaque ou manœuvre d’intimidation empêchant la liberté de la presse, voire mettant en péril l’intégrité physique ou intellectuelle de ses membres (ils me l’ont vraiment dit comme ça), la rédaction avait contacté mon employeur, lui donnant comme tâche de réaliser une infiltration de l’hypothétique agresseur. Son nom : le département des sports de la TSR.
La première phase de ma mission consistait à me faire engager au sein de la TSR, à un poste suffisamment près des personnes susceptibles de passer à l’action. Outre mon expérience dans la sécurité, j’avais aussi travaillé quelques temps dans le nettoyage et j’ai aussi donné des cours de maths, mais cela faisait tout de même assez longtemps, puis d’ailleurs, je doute que des professionnels de l’information aient besoin de cours de quoi que ce soit. J’ai donc trouvé une tâche me permettant d’observer quotidiennement les faits et gestes du département incriminé. Je ne pourrais vous en dévoiler plus que cela. S’il est évident que personne à la TSR ne lira mes rapports, on n’est jamais trop prudents.

Les premiers jours m’ont semblé passer vite. On m’a présenté au grand chef. Son bureau était un immense chantier rempli de cartons à moitié pleins. Il avait l’air assez peu intéressé par ma présence. Il faut dire qu’il écoutait «I love America» de Patrick Juvet et qu’il attendait chaque refrain pour l’entonner. Ensuite, Pierre-Alain est venu se présenter. C’est lui le chef de la rubrique foot. Il m’a expliqué qu’ici il fallait que je me sente à l’aise. Si lui passait à l’antenne et que je n’avais pas l’habitude de le voir sans maquillage, ce n’était pas pour autant qu’il fallait me gêner ou faire le timide. On était après tout des êtres humains et sous peu, je trouverais mon environnement tout à fait banal, «même si ça doit être impressionnant pour toi de côtoyer des stars du petit écran», a-t-il précisé. Il m’a dit que lorsqu’il avait commencé, il avait aussi le trac, mais qu’il assurait désormais sans problème. «J’ai beaucoup d’expérience et pas mal de talent», m’a-t-il glissé à l’oreille. «Mais chut, il y a beaucoup de jaloux dans la maison».

Il aurait bien voulu continuer mais Pascal, Droz, c’est l’homme, parce qu’il y a aussi une Pascale qui est une femme, a fait remarquer à mon interlocuteur qu’il devait me montrer comment fonctionnait la photocopieuse maintenant car après, il devait aller au studio pour faire un test avec les nouveaux micros. Pierre-Alain, quoique un peu déçu de ne pas avoir eu l’occasion de finir ce qu’il voulait me dire, m’a dit à plus tard et que l’on aurait certainement la possibilité de discuter plus tard.

Cette photocopieuse, elle n’avait rien de très compliqué. Pascal m’a dit :

«Là, tu mets le papier, tu appuies sur le bouton vert et si jamais il y a un problème, tu appelles la technique, attention, pas quand on fait du direct, sinon ça sature le standard et après, ça change l’ordre des sujets. Si t’as des questions, tu sais où me trouver.»

Je ne sais pas si je dois tutoyer ou vouvoyer Pascal. D’un côté, nous n’avons pas une immense différence d’âge, mais d’un autre j’ai quand même l’impression qu’il aspire à devenir chef et peut-être que c’est mieux que je ne me permette pas trop de familiarité, surtout le premier jour.

En revenant de la photocopieuse, j’ai vu l’autre Pascale, celle avec un «e» qui discutait avec une autre fille. Une blonde. Le sujet de leur débat n’était pas directement le sport, mais plutôt les tenues portées. Marie-Laure, c’est le nom de la blonde, disait que Lambiel était mieux en vrai lorsqu’il venait sur le plateau que sur des patins, malgré toute la magie et le charisme qui se dégageaient lorsqu’il glissait sur ses lames. Quant à Pascale, elle affirmait tout en se remettant du gloss que Marie-Laure n’avait pas la sensibilité pour comprendre la magie du cirque et qu’il était par conséquent normal qu’elle ne puisse pas voir à quel point Stef’ était sexy avec ses tenues bigarrées. Il y avait un brin d’excitation chez ces demoiselles. «C’est l’arrivée de l’Aldo Maccione, le nouveau big boss…» m’a dit Droz. Je n’ai pas compris. Remarquant que quelqu’un m’avait repéré, j’ai vite repris mes activités.

Ce curieux, celui qui me surveillait, j’ai commencé par beaucoup m’en méfier. Je me suis dit que ce n’était pas une bonne idée de demander à Pierre-Alain. Je n’avais pas envie de passer dès le premier jour pour celui qui veut tout savoir. Dans ma position, fallait la jouer finaud. Alors je me suis dit qu’il fallait laisser le temps au temps. D’ici là, ma curiosité avait de quoi être alimentée par l’allure romanesque du personnage. Je voyais sa tignasse d’une santé exemplaire dépasser à peine derrière sa lecture du moment : un ouvrage intitulé «Gabet, le Ramuz du ballon rond». Parfois, son bouc qui était savamment taillé et qui lui donnait un petit côté sauvage, laissait entrevoir un sourire mi moqueur, mi complice. C’est vrai que son veston de professeur de philosophie et ses lunettes renforçaient sa crédibilité intellectuelle et un peu son autorité morale. Mais je savais qu’il me surveillait, tout en ignorant pourquoi il m’accordait autant d’attention. Etait-ce le début d’un bras de fer ? Fallait-il m’en méfier ?

Car avant de commencer ce job, j’ai lu quelques romans d’espionnage. Cette idée qu’il pouvait y avoir des agents doubles me faisait froid dans le dos. Pour être certain de pas me faire grenouiller, j’ai tenté de repérer ceux qui avaient le moins l’air d’être de vrais employés. Il y avait un type avec les cheveux blancs, mais j’ai entendu que personne ne lui parlait et qu’il vivait en presque autarcie depuis 10 ans. De plus, il paraît que cela fait depuis la chute du mur de Berlin qu’il attend sa mutation au département du divertissement mais qu’elle lui est arbitrairement refusée. Selon la légende, c’est aussi un spécialiste du jeu de paumes. Car comme ça se dit à la rédaction : «Jeux de mains, jeux de Willemin». A ce qu’il paraîtrait aussi, il passe toutes ses vacances à voyager en autocar entre la Bavière et le Tyrol pour suivre des rencontres musicales. Sportif, musicien et voyageur. Cela me semblait beaucoup pour avoir, comme moi, l’espionnage comme violon d’Ingres.


Il y en avait un autre plutôt étrange. Un type qui clique systématiquement 8 fois sur sa souris pour effectuer une opération sur son pauvre ordinateur. Avec son regard fuyant, ses mains moites, il n’avait pas l’air d’avoir la conscience tranquille. Ce qui a éveillé mes soupçons, c’étaient les longues pauses qu’il prenait. Que pouvait-il bien faire pendant tout ce temps ? Les premiers temps, j’avais tendance à prendre le ton saccadé de ses paroles pour le brouhaha d’une imprimante. Encore que, comme disait-il inlassablement, faut pas exagérer, on est peut-être aux département des sports, mais les imprimantes ont mieux à faire que de parler de l’Axpo Super League. De taille et d’allure assez commune, il avait tout à fait la carrure d’un espion. Toutefois, il ne donnait pas l’impression d’accorder un grand intérêt aux gens autour de lui. Ma présence près de son bureau avait plus l’air de le stresser que de l’interpeller. Yannick était en tout cas de ces êtres troubles, toujours près de la machine à café et qui vivent, depuis le début, selon la profonde maxime : «ceux qui n’essaient pas ratent».

Il m’est encore trop tôt pour déterminer quelles sont les intentions de ces gens. Bien entendu, ils ne vont pas se confier à quelqu’un comme moi. Déjà que cela ne me semble pas facile d’être considéré comme l’un des leurs lorsqu’on est un nouveau dans la Tour. Il y a un autre jeune, mon âge à peu près. Ils l’ont mis dans un coin et lui font faire les cafés. Pierre-Alain et Jean-François – c’est celui qui m’observe – parlent des épreuves qu’il doit encore passer avant d’être intronisé dans leur Confrérie. Je n’ai pas encore pu déterminer son nom car ils se contentent de l’appeler Bizut.

Bien, je vais vous quitter ici. Il faut que je trouve un moyen d’avoir plus d’informations. D’un côté, Pierre-Alain m’a proposé son amitié, mais j’ai remarqué qu’il ne faisait pas l’unanimité dans la rédaction. Je n’aimerais pas, par souci d’intégration, précipiter les choses et me retrouver dans des histoires, des cliques, etc. C’était déjà assez pénible à l’école secondaire. Professionnellement, je suis quand même en mesure d’espérer mieux.

Voilà, mon train est là. C’est quand même agréable de commencer le travail à 11h. Il n’y a pas à dire…

Mise en garde

Cet article possède un contenu satirique. Il est réalisé par une personne sans lien avec la TSR. Aucune information mentionnée ci-dessus n’a fait l’objet d’un travail de documentation ou de renseignement et n’est en conséquence à considérer comme vraie. Toute relation avec la réalité ne serait qu’une fortuite coïncidence dont CartonRouge.ch et l’auteur ne sont pas responsables.

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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7 Commentaires

  1. Bel article…

    Jai passé il y 1 an et demi une journée à la rédaction des sports de la TSR pour suivre la préparation de dimanche sport. Je pourrais vous donner quelques infos…

    Recontactez moi plus tard

    Anonyme 😛

  2. Héhé, excellent ce feuilleton ! Je ne suis pas déçu.

    Me réjouis déjà des prochains épisodes.

    Ca va être long dattendre 2 semaines… 😉

  3. fonctionnaires….fonctionnaires qui disait. Ca nexiste plus…officiellement du moins, mais à part le vocabulaire, rien à changer….

  4. Jai été mandaté il y a quelques mois auprès du service des sports de la tsr pour un traitement de psychothérapie de groupe. Un désastre: Pad sest pissé dessus, Duboux a tenté un prélèvement de salive sur Pascale, Rossi sest tellement excité quil a failli passer par la fenêtre, Develey a confondu son bouc avec la mèche de Vuillemin, Marie-Laure sest foutue à poil derrière un ficus, Droz a pas lâché son game boy et Pad sest encore pissé dessus.

    Si vous voulez dautre infos, contactez moi.

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