Ballon d’Or 2008 : à qui le tour ?

Depuis quelque temps, dans la vaste planète du ballon rond, la question qui soulève le plus d’intérêt concerne le nom du futur Ballon d’Or, qui sera connu le 2 décembre prochain. Que ce soit sur Internet, à la télévision ou dans le bistrot du coin, chacun y va de son petit pronostic ; du coup on a droit à tout, des folles rumeurs aux évidences les plus notoires ! Afin de s’y retrouver un peu, voici un bref rappel de ce que représente réellement cette récompense, suivi d’un tour d’horizon non exhaustif des principaux prétendants.

Le Ballon d’Or, c’est quoi ?C’est en 1956 que le bi-hebdomadaire France Football attribue pour la première fois ce trophée (en l’occurrence à l’Anglais Stanley Matthews), censé récompenser le meilleur joueur européen de l’année civile évoluant dans le Vieux Continent. Ce n’est qu’en 1995 que la distinction, dont la popularité ne cesse de croître, s’ouvre aux joueurs d’autres nationalités officiant eu Europe. Le jury électeur est alors uniquement composé d’un journaliste par pays membre de l’UEFA.
Dès 2007, le Ballon d’Or – alors remporté par le Brésilien Kaká – acquiert une nouvelle dimension en récompensant désormais le meilleur joueur du monde, indépendamment de sa nationalité et de son championnat ; en outre, il est maintenant élu par des jurés du monde entier. France Football parachève ainsi son processus de mondialisation initié l’année de l’arrêt Bosman, permettant ainsi au magazine hexagonal d’acquérir une réputation internationale.
Les quatre critères d’attribution du titre sont :
a) ensemble des performances individuelles et collectives (palmarès) pendant l’année considérée ;
b) classe du joueur (talent + fair-play) ;
c) carrière ;
d) personnalité, rayonnement.
Pourquoi ça marche ?
Depuis toujours, dans n’importe quelle discipline sportive, on a tendance à désigner une personne qui sort du lot, appelée communément « le meilleur » ; celui-ci peut être désigné selon un classement (sports individuels), ou sur la base de diverses distinctions (sports collectifs). Cette habitude, largement alimentée par les médias, permet de personnifier le sport en question, et favorise donc une certaine identification collective : malgré les nombreuses divergences d’opinion, tout le monde se retrouve en effet derrière un seul et même porte-drapeau, ce qui est somme toute très rassurant ! Le football ne déroge pas à cette règle, et le Ballon d’Or en est un bel exemple.
Il en existe d’ailleurs d’autres, parmi lesquels le célèbre FIFA World Player : créé en 1991 et attribué également à la fin de chaque année (Cristiano Ronaldo vient de remporter celui de 2008), il est le résultat d’un vote impliquant les sélectionneurs nationaux ainsi que leurs capitaines. Et c’est bien ça le problème : l’heureux élu étant jugé uniquement par ses pairs, il devient difficile pour quiconque n’appartenant pas à la sphère privée du football – comme vous et moi – de se sentir concerné par cette récompense. Au contraire du Ballon d’Or, qui implique de simples observateurs spécialisés (ou « journalistes », comme vous préférez). Comme un point de rencontre entre le footballeur professionnel et le simple spectateur. C’est aussi ça qui fait de lui le titre individuel le plus prestigieux du football, et ce depuis plus de cinquante ans.
Les favoris
Cette année, trente joueurs sont nominés pour l’obtention du Ballon d’Or ; chaque membre du jury devra en choisir cinq, classés par ordre décroissant de mérite sur une échelle de cinq points. Faisons-en donc de même !

1 point : ANDREI ARSHAVIN (27 ans, Russie, Zenit Saint-Pétersbourg)

Inconnu du grand public il n’y a pas si longtemps, Arshavin a littéralement explosé cette année : vainqueur de la Coupe UEFA et de la Supercoupe d’Europe avec son club et demi-finaliste de l’Euro avec son équipe nationale, rien que ça. Mais on aurait tort de s’arrêter uniquement sur ce palmarès, certes impressionnant ! Le tsar russe est en effet un véritable virtuose du ballon rond : technicien hors norme, doté d’une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne et d’une fougue insolente, il est le prototype du footballeur moderne. Même s’il a mis un certain temps à éclore, il est sans conteste l’un des meilleurs joueurs du monde actuel ; il devrait d’ailleurs tout bientôt rejoindre une grosse écurie du continent !
Toutefois, le natif de Saint-Pétersbourg présente quelques carences qui risquent de peser lourd sur la balance au moment des votes. Tout d’abord, malgré tout le respect que le football russe suscite, le fait de ne pas voir évoluer Arshavin dans un grand championnat constitue indéniablement un malus par rapport aux autres principaux concurrents : son véritable niveau est difficilement évaluable sur la continuité, et l’intérêt médiatique à son égard n’est pas assez prononcé. De plus, s’il est évident que le Russe a réussi un début d’année exceptionnel, il semble quelque peu en perte de vitesse depuis… Rappelons que le Ballon d’Or est censé récompenser le meilleur joueur de l’année, et non de la saison : cette nuance, trop souvent oubliée, risque bien d’être fatale au milieu offensif du Zenit !

2 points : FERNANDO TORRES (24 ans, Espagne, Liverpool FC)

Lorsqu’en 2007 Fernando Torres décide de quitter son Atlético Madrid natal pour rejoindre Liverpool, pas grand monde ne donne cher de sa peau. Et pourtant : sous la férule de Benitez, « El Niño » s’est magnifiquement épanoui et est actuellement considéré comme l’un des meilleurs attaquants de la planète ! Auteur de 24 buts en championnat la saison passée et, surtout, seul buteur de la finale de l’Euro face à l’Allemagne, l’Espagnol semble continuer sur sa lancée ces derniers mois.
Sans une concurrence particulièrement rude cette année, le Ballon d’Or n’aurait été que justice pour Torres. Seulement voilà : cette année, il n’a été le meilleur ni en Angleterre (barré par Cristiano Ronaldo), ni à l’Euro (duquel Xavi a été élu meilleur joueur). Le Madrilène fait ainsi davantage office d’outsider que de favori, et risque d’être un peu juste pour s’asseoir sur le toit du monde… Pour l’instant du moins.

3 points : IKER CASILLAS (27 ans, Espagne, Real Madrid)

Casillas est le meilleur gardien du monde. Un fait qui a mis longtemps à se dessiner, tant l’Italien Buffon a impressionné – et continue d’impressionner – les observateurs ces dernières années. Mais à l’heure actuelle, ce constat ne fait plus aucun doute : le Madrilène démontre semaine après semaine qu’en plus de son comportement exemplaire sur le terrain, il tient souvent son équipe à bout de bras (que ce soit l’Espagne ou le Real Madrid), réalisant des arrêts, des sorties et même des relances de grande classe. Champion d’Espagne en titre avec le Real, il a aussi gagné l’Euro, durant lequel il a été excellent ; sa prestation en quart de finale face à l’Italie (et son vis-à-vis Buffon), notamment, a été unanimement saluée.
Seulement voilà : le Ballon d’Or est avant tout une récompense commerciale, et à ce niveau-là, un gardien de but a moins la cote qu’un buteur patenté. Ce n’est pas pour rien que le dernier (et unique) portier à avoir remporté ce prix n’est autre que le légendaire russe Lev Yashin, il y a 45 ans de cela ! A l’instar de Buffon en 2006, Casillas risque donc de n’être que l’arbitre de la confrontation entre les deux grandissimes favoris : Lionel Messi et Cristiano Ronaldo.

4 points : LIONEL MESSI (21 ans, Argentine, FC Barcelone)

Si l’on se réfère à ce que l’on voit sur le terrain depuis début 2008, Lionel Messi est le meilleur joueur du monde. Actuellement, son niveau footballistique est tout simplement inatteignable pour le commun des mortels ! Il fait partie de ce genre de joueurs extrêmement rares qui peuvent faire basculer n’importe quel match, n’importe quand, à eux-seuls. Le voir jouer, que dis-je, danser sur un terrain est un véritable plaisir dont tout esthète ne peut que se délecter, et les superlatifs me manquent pour décrire le talent de ce prodige de 21 ans.
Mais si Leo est sans doute le meilleur sur un match, il ne l’est pas forcément sur le total de l’année écoulée. Vainqueur d’aucun titre majeur à part les Jeux Olympiques avec l’Argentine (compétition réservée aux jeunes), il risque de payer le prix fort de la saison blanche du Barça. L’avenir appartient toutefois à ce joueur d’exception, déjà troisième du Ballon d’Or l’an passé, et d’ores et déjà prêt à marquer l’histoire du football !

5 points : CRISTIANO RONALDO (23 ans, Portugal, Manchester United)

Vainqueur du championnat d’Angleterre, dont il a fini meilleur buteur avec le total hallucinant de 31 et élu meilleur joueur ; vainqueur de la Ligue des Champions, dont il a également fini meilleur buteur (8 buts) et meilleur joueur. Que peut-on ajouter à cela ? Moins génial mais plus complet que Messi, le deuxième du dernier Ballon d’Or est un enchanteur aussi doué que polyvalent, dont le talent est de la trempe des plus grands joueurs de tous les temps.
 
Cependant, le Portugais pourrait regretter son comportement exécrable sur le terrain (et en dehors), notamment ces dernières semaines. Imbu de lui-même (« je suis le meilleur joueur, le second meilleur joueur et le troisième meilleur joueur du monde ») et souvent teigneux sur le terrain, Cristiano Ronaldo n’a de loin pas l’exemplarité d’un Ballon d’Or. Par ailleurs, sa seconde moitié d’année (comprenant l’Euro) n’a pas été vraiment étincelante. Mais ces quelques ombres au tableau suffiront-elles à priver l’attaquant mancunien de la distinction suprême ? On en doute franchement, et c’est logiquement qu’il devrait être désigné. Réponse la semaine prochaine !

Écrit par Raphi Stollé