Fin de règne houleuse

Il est 22h30 ce 15 juin 2008, le Parc St-Jacques fête l’unique victoire de la Nati lors de son Euro, mais bien plus que la fin d’un rêve, de cet Euro tant convoité et des espoirs qu’il avait fait miroiter, c’est la fin d’une belle histoire d’amour entre Jakob «Köbi» Kuhn et les supporters de l’équipe de Suisse. Après 8 années passées à la tête de l’équipe nationale, il s’en va malgré tout par la petite porte. En effet, après avoir réussi à qualifier la Nati pour deux évènements majeurs consécutifs – Euro 2004 et Mondial 2006 – Köbi Kuhn n’a semble–t–il pas su saisir l’occasion qu’il lui a été donnée de quitter son poste au sommet.

Les deux dernières années de son septennat vont s’avérer devenir, petit à petit, un chemin de croix. La Suisse, qualifiée en tant que pays organisateur, allait disputer une ribambelle de matchs amicaux et la côte de popularité du sélectionneur national s’étioler de défaite en défaite. On le sait, les rencontres de préparation n’ont jamais été la tassé de thé de l’équipe de Suisse. Le problème résidait dans le fait que ces duels ne devaient pas être abordés comme de simples joutes amicales mais comme de véritables matches de préparation à l’Euro. Au fur et à mesure que les rencontres de mauvaise qualité se succédaient, on entendait des «ce n’est pas grave, ce sont des matchs amicaux, nous serons prêts le jour J» ou encore «avant sa Coupe du Monde, l’Allemagne enregistrait aussi des performances mitigées et regardez ce qu’elle a accompli». Oui, très bien Messieurs Kuhn et Pont mais vous oubliez quelque chose : la Suisse du football n’est pas l’Allemagne !Parmi ces nombreux matches qui de «sans enjeu» n’auraient du avoir que le nom, il n’y a eu que deux résultats probants qui avaient faits entrevoir une lueur d’espoir : le match nul contre l’Argentine (1-1) et la victoire contre les Oranje (2-1). D’autres résultats avaient clairement montrés les lacunes de la Nati comme les deux défaites concédées face à l’Allemagne à une année d’intervalle (1-3 ; 0-4).
Arrivé ce fameux Jour-J, le 7 juin 2008, le peuple suisse montre sa ferveur en soutenant comme à son habitude son équipe. On se dit alors que la Nati, littéralement portée par son douzième homme, va réussir à combler son déficit technique par une volonté et une motivation décuplée. Hélas, quarante minutes après le coup de sifflet initial, l’équipe perd son emblème, son meilleur buteur, Alex Frei, sorti sur blessure. Son Euro est d’ores et déjà terminé !
Après une défaite somme toute imméritée face à la République tchèque, la Suisse, pour son deuxième match de poule, affronte une équipe qui lui rappelle des évènements douloureux, la Turquie. Dans ce match, plus qu’un orage torrentiel, c’est le sort qui s’acharne. L’équipe est «poignardée» à la 92e minute sur une contre-attaque rondement menée et conclue par un tir – qui plus est dévié par Patrick Müller ! – d’Arda Turan. La Nati est la première équipe à être éliminée de la compétition
Son troisième et dernier adversaire est le Portugal, déjà qualifié, et donc qui se prive de ses stars, Cristiano Ronaldo notamment. Ce match est synonyme de rachat pour la Suisse qui s’impose 2-1. Köbi Kuhn s’en va, Otmar Hitzfeld débarque.

Hitzeld instaure son style

Hitzfeld, recruté en février, amène dans ses valises toute son expérience d’entraîneur de renommée internationale ; il peut se targuer d’avoir soulevé deux fois la «coupe aux grandes oreilles» avec deux club différents, Borussia Dortmund en 1997 et le Bayern Munich en 2001. Beaucoup de monde dans la planète foot se demandait qu’est-ce qu’Hitzfeld allait chercher en quittant son poste d’entraîneur du Bayern pour aller entraîner la «petite» équipe de Suisse ? Il est certain qu’à première vue, l’entraîneur pouvait apporter davantage à l’équipe que l’inverse si ce n’est une ligne de plus sur le CV ; mais à mieux y regarder c’est une façon pour l’homme plus que pour l’entraîneur de boucler la boucle. En effet, avant de devenir l’entraîneur de deux des plus gros clubs allemands, Hitzfeld eu une carrière de joueur en suisse (Bâle) puis d’entraîneur, avec déjà à l’époque le succès avec Grasshoppers.
L’Allemand est arrivé et on a vu que le changement est possible. En effet, dès sa première convocation, sans tout chambouler, il a tenu à montrer que la porte de l’équipe nationale était ouverte à tout le monde, même aux bannis de l’ère Kuhn. Blaise NKufo en est l’exemple le plus frappant ! Dès son premier rassemblement, il a tenu à mettre les choses au clair : pour être sélectionné, il faut jouer dans son club ou encore certaines règles de savoir-vivre : les joueurs vouvoient le coach, le coach tutoie ses joueurs. Il a sélectionné des «novices» tels que Stocker, Abdi ou encore Sandro Bürki pour voir ce qu’ils arrivent à rendre sur le plan international. Le ton est donné !
Après une victoire 4-1 à Genève face à Chypre, la Nati commence son long voyage censé la mener en Afrique du Sud. Le premier match est délicat. Il faut aller défier Israël à Tel Aviv. La Suisse est encore privée pour ce match de son capitaine pas encore assez remis mais cela ne l’empêche pas de bien museler l’équipe israëlienne et de mener 1-0 à la pause grâce à un but d’Hakan Yakin sur un coup franc dont il a le secret. La Suisse entame bien la seconde mi-temps et marque un deuxième but grâce à NKufo de la tête sur un coup de patte de Yakin, encore lui. On se dirige vers un succès probant des Helvètes quand, à un quart d’heure de la fin, Benayoun redonne espoir aux locaux. Ce but a le don de faire paniquer l’équipe de Suisse qui avait tout bien en main jusque-là ; elle plie mais ne rompt pas du moins jusqu’à la 92ème minute ! Résultat final rageant compte tenu de la façon dont l’équipe s’est comportée durant les trois quarts du match. Hitzfeld réalise alors combien de chemin il reste à parcourir…
Cinq jours plus tard, l’équipe a l’occasion de se racheter et de montrer que Tel Aviv n’était qu’un accident de parcours, en accueillant le Luxembourg. Une équipe formée d’amateurs entourée par un professionnel, leur capitaine Jeff Strasser. Ce ne devrait donc n’être qu’une simple formalité se dit-on ?
Ce raisonnement, les supporters voire les journalistes (?) sont en droit de se le faire, mais pas les joueurs au risque de subir un brusque retour à la réalité ! Malheureusement c’est ce qui va se produire ; l’équipe manque de tranchant, ne se trouve pas et est incapable d’aligner trois passes de suite. L’égalisation d’NKufo va un temps faire croire que l’équipe s’est réveillée. Ce n’est qu’une illusion. L’équipe est incapable de se rebeller. Pire encore, à cinq minutes du coup de sifflet final, la Suisse boira le calice jusqu’à la lie en encaissant un second but.
En cinq jours, le supporter helvète est passé par tous les sentiments. De l’euphorie quant à une éventuelle victoire sur le terrain d’un adversaire direct au désarroi le plus complet suite à cette défaite mortifiante contre le 152e du classement FIFA. Ce match a clairement mis en valeur les limites de l’équipe de Suisse, qui s’il elle ne se donne pas à 100% et ne fait pas preuve d’humilité n’arrivera pas à régater sur la scène internationale.

L’équipe a du caractère

Un mois plus tard, l’opération «rachat» débute contre un adversaire à priori prenable pour la Nati, la Lettonie. Pour ce match, on attend également un autre public que celui vu au Letzigrund contre l’équipe du Grand Dûché. Le match a été attribué à Saint-Gall, qui on le sait possède sans doute le meilleur public de Suisse, capable de soutenir son équipe même dans les moments difficiles.
Dans ce match couperet, où la défaite est interdite, l’équipe de Suisse montre un tout autre visage, conquérant, agressif, déterminé, mais surtout l’équipe fait preuve de patience face à une équipe qui ne joue pas au football, qui empêche son adversaire de le faire. La délivrance survient peu après l’heure de jeu, des pieds d’Alex Frei à nouveau à 100%. Ce but libère la Nati mais sur un coup franc bêtement concédé par Grichting, les Lettons exploitent leur première occasion. 1-1. Stupeur ! Va-t-on revivre le même cauchemar qu’un mois plus tôt ? Les supporters les plus sceptiques n’ont pas le temps de douter. Sur un coup de pied arrêté d’Alex Frei, Blaise NKufo place une tête rageuse pour le 2-1 moins de deux minutes après le but adverse.
Le 15 octobre 2008, la Nati va réaliser son match le plus abouti sous la houlette d’Hitzfeld. Au Pirée, face à une équipe de Grèce qui a fait carton plein jusque là avec trois victoires en trois matches, qui plus est sans avoir encaissé le moindre but, l’équipe de Suisse va faire preuve d’abnégation en ne se laissant pas étouffer par son adversaire. Après s’être fait refusé un penalty clair et net par l’arbitre suite une faute de main dans la surface, les Suisses vont ouvrir le score grâce à un tir de réparation d’Alex Frei. En seconde mi-temps, les Grecs poussent et sur un centre de Karagounis c’est Gekas qui égalise. Hitzfeld décide alors de faire rentrer son joker de luxe, Hakan Yakin. Les évènements vont lui donner raison : à peine une minute que le fantasque meneur de jeu est sur la pelouse, que d’une subtile déviation il lance NKufo qui après avoir dribblé le gardien Chalkias pousse le ballon au fond des filets. Le coup est parfait, la Suisse se relance complètement dans la course à la qualification.
A mi-novembre, la Suisse effectue un match amical contre la Finlande, dans un match insipide un éclair va venir illuminer la nuit saint-galloise. Une frappe magistrale de Reto Ziegler qui va se loger dans les filets finnois. Ce match va venir confirmer tout ce que le coach allemand tente d’inculquer à une équipe dont l’esprit d’équipe reste la force majeure pour rivaliser face aux plus grands. Rigueur et discipline sont le leitmotiv d’Hitzfeld.
Pour la première fois, on peut dire que chaque poste est doublé dans l’équipe et le coach en tient compte, ce qui n’a pas malheureusement pas été toujours le cas de Köbi Kuhn.
Belles promesses à confirmer en 2009…
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Cédric Baumann

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