Les naufragés de Sankt-Jakob

Pour avoir une nouvelle fois cru que tout était acquis après le faste week-end dernier, le paquebot lausannois a remis ça en sombrant lamentablement dans les eaux rhénanes sitôt la première avarie survenue. Plus que le résultat, c’est à nouveau la suffisance et l’attitude globale des joueurs vaudois qui sont à fustiger.

Ayant artificiellement vivoté durant quelques années grâce à de généreux mécènes qui ont maintenu le club rhénan sous perfusion, Bâle est gravement menacé d’une faillite qui semble inéluctable. La faute à la relégation du printemps dernier qui a coupé net le robinet monétaire préalablement injecté à perte. De plus, les pensionnaires de Sankt-Jakob n’ont jamais pu compter sur un quelconque soutien populaire. Et dire qu’un certain Régis Fuchs affirmait que leur famélique affluence était honorable compte tenu des circonstances… Sacré Régis: toujours le mot pour rire ! Bref, il semble difficile à croire que les Läckerlis parviendront à réunir le million de francs nécessaire à leur survie d’ici à un mois. Comptant donc sur l’inexistant soutien populaire, le directoire bâlois propose aux fans locaux d’acquérir des actions d’une valeur nominale de dix francs, mais vendues avec un très léger réajustement du prix sous forme d’une augmentation fluctuant entre 2500 et 5000%, selon le type d’actions. Bon courage…Fauché, le Bâle version LNB se compose donc d’anciens joueurs du feu HC Martigny, de juniors piochés du côté de Genève et Bienne, ainsi que d’indésirables provenant de clubs concurrents. C’est justement contre ce «Martigny II» – privé de l’expérimenté Wüthrich et de trois internationaux juniors – que Lausanne est parvenu à se surpasser en concédant une misérable défaite contre ce club en état de mort clinique. Retour sur une débâcle évitable, mais inacceptable.

En mode bathyscaphe

Après huit minutes de jeu, le tableau était pourtant idéal. Le LHC mena de deux longueurs suite aux réussites de Charpentier (en solo) et de Zeller (suite à un excellent travail préparatoire de Gailland). Le temps-mort rhénan était également consommé dans la foulée. Les Lausannois ne relâchèrent pas la pression, étant tout près d’aggraver le score à maintes reprises. Seule petite inquiétude: une arrière-garde plutôt permissive et un Tobler paraissant peu sûr. En fin de première période, le LHC bénéficia d’une supériorité numérique, mais Yake – à la manière d’un Bezina – perdit le puck à la bleue et laissa les Bâlois réduire la marque sur la contre-attaque. La fameuse avarie venait alors de se produire.
Par la suite et jusqu’à la fin du match, plus rien. Pourtant, en gommant les traditionnelles erreurs individuelles d’un Lardi comme toujours à côté de la plaque, il était théoriquement possible de gérer l’avantage acquis. Ce qui fut naturellement chose faite par Lüssy, qui adressa un splendide assist en zone médiane pour un Profico qui concocta une trop facile égalisation en compagnie de ses congénères. Dès lors, aux oubliettes le jeu plaisant entrevu le week-end dernier. On assista à un mauvais remake du LHC en mode fébrile. Un jeu fait d’incessants «pitchs» dans l’arrondi, d’une désertion totale et absolue du slot adverse, ainsi que de placements des plus douteux. Devant jouer le surnombre devant la cage bâloise, les défenseurs vaudois ont laissé des boulevards aux attaquants adverses. Comme si cela ne suffisait pas, Miéville pénalisa scandaleusement son équipe en provoquant une pénalité rhénane à la 33e minute. Logiquement, le LHC n’adressa pas un seul tir en direction de Mantegazzi. Fort heureusement, les Bâlois n’eurent que quatre actions dangereuses sur cette supériorité numérique lausannoise.

Le SS Lausanne dans les abysses

Le match fut définitivement perdu à la 52e minute, lorsque Lausanne évolua avec deux hommes de moins sur la glace. Très judicieusement aligné à ce moment précis, ce fut un Terry Yake totalement carbonisé et dénué de toute lucidité qui administra la rondelle sur la crosse de Haas, lequel ajusta la lucarne d’un Tobler catastrophique samedi soir. Tout comme la saison dernière, le portier lausannois revint de sa pige genevoise la confiance dans les chaussettes et a relâché devant lui tout ce qui lui arrivait dessus (tirs, dégagements et passes bâloises). Sans un cul bordé de nouilles, l’addition aurait pu être plus salée. Le dernier «power-play» à 5 contre 3 en fin de match fut à l’image du reste: pathétique. Trunz et Yake se chargèrent eux-mêmes de torpiller une improbable égalisation lausannoise en sortant le puck de la zone offensive sans aucune aide, comme des grands. Le LHC a encore prouvé qu’il possédait l’un des pires jeux de puissance de la ligue, statistiquement parlant. Dépassé depuis un certain moment déjà, l’apport du numéro 26 se révèle contre-productif. A croire que l’alignement du Casper finlandais en lieu et place du Canadien ne pourrait être pire. En affublant Gélinas d’un Yake tenant le rôle d’assistant, cette situation ne pourrait être que bénéfique, tant certains choix du technicien canadien sont difficilement compréhensibles.
Expliquer un tel désastre collectif est très fastidieux. L’immense mur de supporters bâlois a-t-il tétanisé à ce point les individualités vaudoises ? Est-ce le décalage horaire ou la lune en phase décroissante ? Plus que jamais, une batterie de psys est indispensable, ainsi que d’un praticien spécialiste en désenflement de melons. Mais ne soyons pas trop pessimistes pour autant ! Louons l’altruisme lausannois. Ils se montrèrent solidaires de la Chaux-de-Fonds et de Viège, également vaincus ce soir-là. Dans cette ligue moisie jusqu’à l’os, nous nous devons de nous serrer les coudes tous ensemble, jusqu’au bout. Pas question de laisser les autres à la traîne. Mais à l’avenir, si le club de Malley décide de ne jouer que dix minutes durant un déplacement le week-end, qu’il ait au moins la décence et la politesse d’en informer préalablement les supporters afin que ces derniers n’évitent de flinguer leur soirée en l’air et de faire des kilomètres de route pour voir ce genre de «performance». Merci d’avance.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Bâle – Lausanne 4-2 (1-2 1-0 2-0)

Sankt-Jakob : 823 spectateurs.
Arbitres : MM Fritsche, Huguet et Schmid.
Buts : 6e Charpentier (Yake, Lardi) 0-1. 8e Zeller (Gailland, Miéville) 0-2. 15e Kast (Bucher/4c5) 1-2. 26e Antonietti (Profico, Bucher) 2-2. 52e Haas (Antonietti/5c4) 3-2. 60e Juri (Kast, Bucher/cage vide) 4-2.
Pénalités : 5 x 2′ contre Bâle; 4 x 2′ contre Lausanne.
Bâle : Mantegazzi; Lüthi, Laakso; Profico, Haas; Malicek, Zanatta; Müller, Machacka; Wittwer, Westerback,Tuominen; Bucher, Kast, Antonietti; Juri, Keller, Bruderer; Balerna, Boillat, Mordasini.
Lausanne : Tobler; Trunz, Lardi; Leeger, Grieder; Villa, Chavaillaz; Schäublin; Rüfenacht, Yake, Charpentier; Lüssy, Staudenmann, Baumann; Zeller, Miéville, Gailland; Frunz.
Notes : Lausanne sans Tremblay, Sigrist, ni Bonnet (blessés).

Écrit par Mathieu Nicolet